Le Crédit suisse, valet du communisme ?

Le Crédit suisse, valet du communisme ?

Les communistes usaient souvent de l’expression délicieuse de « valet du capitalisme ». L’artiste chinois Ai Weiwei fait sans aucun doute partie de ces ennemis de classe. Il a souvent moqué la pensée du génial Xi Jinping, empereur de Chine grâce au Parti Communiste Chinois. Ce manque de respect, le Crédit suisse ne le supporte pas. D’autant qu’il compte tripler son activité en Chine dans les cinq ans qui viennent. Aussi la banque a-t-elle fermé le compte de la Fondation Ai Weiwei.

Ai Weiwei est installé en Europe depuis 2015. Il a passé son enfance dans un camp de travail où avait été envoyé son père pendant la révolution culturelle. Artiste mondialement reconnu, il défend, ô scandale, la démocratie et les droits de l’homme, y compris contre le régime chinois.

Un artiste chinois gêne, on ferme son compte.

La banque justifie sa décision par le passé « criminel » d’Ai Weiwei. Par souci de sa réputation, la banque, qui lave plus blanc que blanc, clôture tous les comptes « liés aux personnes ayant des antécédents judiciaires ». Ne pas rire. L’insolent Ai Weiwei répond qu’en matière de passé criminel la banque sait de quoi elle parle, elle qui a spolié les familles juives et protégé les nazis réfugiés en Argentine. Elle devrait se clôturer elle même.

Récemment encore elle a payé 5.28 milliards de dollars à la justice américaine et à des personnes lésées pour éviter un procès. Elle est également poursuivie dans une affaire de blanchiment par la justice belge, fait l’objet d’enquêtes en France, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Australie. Elle a payé aussi pour régler une affaire d’espionnage : elle avait fait suivre plusieurs de ses cadres -et Greenpeace- par des détectives privés. L’un d’eux se serait suicidé.

Ai Weiwei présentant une de ses oeuvres en Europe

Face à la mauvaise réputation du Crédit suisse, le soupçon suffit ?

Ai Weiwei, lui, ne s’est frotté qu’à la justice chinoise. Et à la police. Et au parti. Il n’a pourtant jamais été condamné. Mais le Crédit suisse est plus exigeant que les juges de Pékin : pas condamné, ce n’est pas suffisant. Le soupçon suffit. Ouste !

C’est une idée : se fonder sur le soupçon. Brandir « l’éthique » d’un code interne, sans avoir à donner d’explication, sans se justifier. La brutalité simple du secret et du pouvoir, ici bancaire. Il suffirait donc d’un « soupçon » de recyclage d’argent venant d’activités illicites, comme la drogue, la prostitution, le terrorisme, le détournement de fonds, la corruption, pour interdire l’activité de telle banque. Inutile d’engager un procès de « complicité de biens mal acquis », un soupçon suffit pour fermer les comptes ou … fermer les banques… C’est d’ailleurs la menace des Américains.

La justice suisse veille

Il se trouve que la justice suisse veille : le Ministère public a accusé le Crédit suisse de blanchiment au profit du roi de la coke bulgare et de son organisation criminelle. La justice suisse devrait censurer les censeurs, et les valets du communisme.

La Suisse, dans les institutions internationales, défend toujours les libertés fondamentales. La censure chinoise s’exerce donc dans le pays qui est un modèle démocratique d’état de droit. Le Crédit suisse révèle une impressionnante capacité de censure du pouvoir chinois.

Celui-ci a repris en mains les plus grandes entreprises du pays. Soit par la réglementation, soit par des dons spontanés de plusieurs milliards. Les fonds d’investissements qui ont agi en Chine se plaignent de la chute des actions chinoises (- 10% à Hong Kong) et découvrent que la Chine est une dictature dirigée par le PCC. L’entreprise libre n’est pas libre en Chine. Un jour, un commissaire politique demandera au Crédit suisse un café et le Crédit suisse lui donnera Nestlé. « Les capitalistes nous vendront la corde pour les pendre », disait Lénine.

Les banques sont vos juges. Les réseaux sociaux vous virent. Les barmans contrôlent vos passes sanitaires. Petit à petit, la Chine installe son modèle de « carnet social et citoyen » comme une nouvelle mode, comme le col Mao d’antan.

Hier les marchés financiers défendaient la liberté à Hong Kong. Le peuvent-ils encore ? S’il n’y a pas de liberté sans droit de propriété, il n’y a pas non plus de droit de propriété sans liberté. Pour un banquier qui veut soigner sa réputation, la faillite morale précède la faillite tout court.

Les banques suisses ont eu peur de perdre le marché américain. Elles ont mis fin au secret bancaire et payé des amendes. Le progrès éthique avait un sacré booster. Tant mieux. Maintenant elles ont peur de la Chine.

Et si les Européens appliquaient la jurisprudence du soupçon ?

Il n’y a que de l’Europe dont elles ne craignent rien. Et si les Européens appliquaient la jurisprudence Ai Weiwei du soupçon aux activités de blanchiment ou du financement d’activités criminelles ? Ou d’activités contraires aux Droits de l’Homme ? L’Union européenne peut-elle supporter l’activité de banques ayant des antécédents judiciaires sur son territoire ?

Les Européens devraient s’inspirer de « l’éthique » des pratiques américaines et chinoises, pour défendre leurs valeurs. Pas seulement la monnaie, mais ce qui la soutient : un système de droit, libéral et démocratique. Vive la Suisse libre ! Et les artistes audacieux.

Laurent Dominati

A. Ambassadeur de France

A. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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