Lors d’une réunion des députés LaREM, plusieurs élus étaient très remontés contre les propos du président de la République, qui les a appelés à « faire preuve d’humanité » sur le sujet du congé parental après la mort d’un enfant. Alors que des parlementaires de la majorité sont invectivés de toute part, cette déclaration du chef de l’État passe très mal.
« Se défausser sur sa majorité, c’est indigne ». Jeudi dernier, l’Assemblée nationale devait se prononcer sur une proposition visant à rallonger le congé légal d’un salarié en cas de décès d’un enfant mineur, le faisant passer de cinq à douze jours. Le texte est in fine rejeté par les députés LaREM, avec le soutien du gouvernement. C’est un tollé général pour la majorité.
Lors d’une réunion de crise du groupe parlementaire LaREM ce mardi matin, certains ont dit leur mal-être, déclarant avoir mal pris les mots du président, qui a appelé samedi à « faire preuve d’humanité » sur ce sujet. « On vote selon l’avis du gouvernement, et quand le gouvernement se plante, tout nous revient dans la figure parce qu’on est inhumains? Ça nous apprendra », déclare un député LaREM à BFMTV. « Se défausser sur sa majorité, c’est indigne », lâche un autre.
Emmanuel Macron a en effet décidé d’intervenir sur le vote: « Le président de la République a demandé au gouvernement de se pencher rapidement sur ce problème, et surtout a donné la consigne de faire preuve d’humanité. La majorité a voté dans un sens qui a ému beaucoup de Français », indiquait l’Élysée samedi à BFMTV.
« Les députés étaient tellement en colère que c’était intenable de le défendre »
« Je regrette l’emballement médiatique créé par le président », déclare un député LaREM à BFMTV. « C’est vraiment maladroit de [nous recadrer] dans la presse. On peut se parler par d’autres voies », regrette un autre. Les parlementaires, notamment ceux présents le jour du vote, ont raconté avoir été invectivés de toutes parts. Mardi matin, certains ont déploré les « tombereaux d’injures sur les réseaux sociaux, d’insultes en circonscription », selon des citations rapportées à BFMTV.
Du côté de l’aile gauche du parti, les critiques sont acerbes. « Le scénario qui voudrait que ce soit eux [les députés LaREM ayant voté contre la proposition, ndlr] les gens inhumains, les imbéciles, les cons, les godillots, mais que finalement tout le reste, ça va: le président n’a pas fait d’erreur, le gouvernement n’a pas fait d’erreur, les sénateurs vont rattraper notre erreur… Ce scénario est inentendable », déclare à BFMTV Jean-François Cesarini, député LaREM du Vaucluse.
Le Premier ministre était venu rassurer les troupes mais « n’a pas eu un mot de soutien pour les mots du chef de l’Etat ce mardi. C’est la première fois », selon une source proche de l’exécutif à BFMTV. « L’effet ‘campagne’ doit jouer. Et puis les députés étaient tellement en colère après les mots du président, que c’était intenable de le défendre ».
Lors de la réunion, « c’était très tendu », explique Jean-François Cesarini, « et à la fois pour nous, l’aile gauche un peu bruyante, ça nous fait vaguement sourire parce qu’on dit: ‘vous découvrez maintenant que les méthodes de l’exécutif sont condescendantes et hautaines?' ».
« Les critiques nous font très mal »
Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, avait emboîté le pas du président: « Je crois qu’on a fait une erreur collective, on le reconnaît, le texte de loi n’est pas encore voté donc on va le corriger », déclarait-elle samedi sur BFMTV. Pour rectifier le tir, le gouvernement a mis la proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat dès le 3 mars prochain, avant qu’elle retourne à l’Assemblée nationale, en deuxième lecture.
Mardi matin, Édouard Philippe a résolument pris la défense de la ministre du Travail, au centre des critiques, selon des citations rapportées par l’AFP: « Tous ceux qui iront chercher la responsabilité ailleurs, sur Muriel, en interne ou en externe, je leur dis merde! ». « Nous n’avons pas su collectivement expliquer notre position, ni nous adapter. Les critiques nous font très mal », a reconnu le Premier ministre.
« On aurait dû immédiatement, après avoir rejeté cette proposition, proposer autre chose et le voter dans la foulée. Au lieu de ça, on attend, on laisse la polémique enfler », déclare un député LaREM à BFMTV.
Sortir de cet « épisode douloureux »
« Je comprends le désarroi de mes collègues qui se font conspuer sur les réseaux sociaux (…) Mais c’est un projet, oui, qui était mal ficelé, mal fait, parfois il y a des bonnes intentions et ça tourne mal », déclare le député LaREM Olivier Véran, ajoutant, « je ne veux pas jeter l’opprobre sur qui que ce soit, on avance et on règle le problème sur le fond, le congé deuil. »
Ceux qui étaient présents le jour du vote en particulier refusent qu’il soit dit qu’ils ont voté par loyauté pour le gouvernement. Ils assument leur choix et appellent à ce que la majorité reprenne la main pour aller plus loin que la proposition initiale de rallongement de la durée du congé parental. Tous appellent à la réparation publique de l’honneur du groupe.
Lors de cette réunion mardi matin, vécue comme « cathartique », plusieurs responsables de la majorité ont mis en avant la nécessité de « sortir vite » de cette crise. Évoquant un « épisode douloureux », le président de l’Assemblée Richard Ferrand a plaidé pour « se serrer les coudes ».