La crise sanitaire a porté les déficits publics à des niveaux sans précédent en période de paix. De 2019 à 2020, le déficit de la zone euro est passé de 0,5 à 7,2% du PIB, les chiffres pour la France étant respectivement de 3,1 % et 9,2 % du PIB. Pour l’année 2021, les déficits resteront élevés.
Le processus de réduction est programmé pour 2022 avec l’arrêt des mesures de soutien prises à partir du mois de mars. Les forts besoins de dépenses publiques et l’importance du déficit structurel pour certains pays membres de la zone euro, dont la France, rendent l’atterrissage complexe. Pour stabiliser l’endettement public compte tenu des hypothèses de taux et de croissance retenues par les différentes institutions, le déficit public devrait ne pas dépasser 3,9% du PIB pour la zone euro et 4,1% pour la France.
La problématique des dépenses
La tendance est à l’augmentation des dépenses publiques. Elles sont portées par les besoins liés à la retraite, à la santé, à la dépendance, à l’éducation ou à la transition énergétique. La crise sanitaire a accru les besoins qui se manifestaient déjà depuis plusieurs années. Au sein de la zone euro, à l’exception de la France, les dépenses publiques étaient stables de 2008 à 2015 avant de recommencer à augmenter.
La France, depuis 2002, a connu une progression continue de se dépenses publiques, plus de 40% en valeur réelle. Sur ce sujet, la Cour des Comptes souligne, dans un rapport publié le 9 septembre dernier, la dérive des dépenses ordinaires, dépenses courantes non liées à la crise sanitaire. Celles-ci ont représenté 14% de la hausse de l’ensemble des dépenses publiques l’an dernier, soit 13,7 milliards sur une augmentation totale de 96,4 milliards euros.
Sous couvert de la crise, des dépenses nouvelles
Pour le seul budget de l’État, la hausse des dépenses ordinaires, c’est-à-dire hors effets de la crise et baisse du coût des intérêts de la dette, s’élève à 6,9 milliards. Un niveau proche de 2019 (+7,3 milliards), mais nettement plus élevé qu’en 2018 (+1,5 milliard d’euros).
Comme la Commission de Bruxelles, la Cour des Comptes mentionne que les pouvoirs publics ont, sous couvert de la crise, fait passer des mesures pérennes. Elle pointe ainsi certaines revalorisations salariales dans les établissements de santé et médico-sociaux publics et privés au titre des accords du « Ségur de la santé ». Elle craint surtout que les dépenses du plan de relance, inauguré il y a un an pour un montant de 100 milliards, qui vont être réparties sur plusieurs exercices soient «pérennisées comme l’ont été les programmes d’investissements d’avenir».
Si d’autre pays européens utilisent la crise sanitaire pour faire passer des mesures budgétaires sans lien avec cette dernière, la France figure parmi ceux qui recourt le plus fortement à cette pratique.
Le retour plus rapide du plein emploi en Europe ne permettra pas le retour au niveau d’avant-crise du déficit. En 2022, il est attendu à -4% du PIB pour la zone euro et à -6% du PIB pour la France.
Face à des déficits amenés à perdurer, quelle sera la réaction des marchés, surtout après la fin du programme de rachats des obligations d’État par la Banque Centrale Européenne ?
Le financement des déficits et le marché
Les investisseurs peuvent s’inquiéter d’une hausse permanente des taux d’endettement public, a fortiori si la croissance revient à son niveau d’avant-crise autour de 1%.
L’arrêt des rachats d’obligations par la banque centrale obligera les États à recourir à l’épargne intérieure et extérieure au moment où la transition énergétique nécessitera de la part des entreprises d’importants investissements qui augmenteront d’autant leurs besoins de financement.
La zone euro pourra compter sur ses excédents de la balance des paiements courants pour financer les déficits élevés. Cet excédent se situe en moyenne entre 2 et 4% du PIB. Essentiellement réalisé par l’Allemagne et les Pays-Bas, cet atout ne joue pas pour la France qui désormais enregistre dans ce domaine un déficit de 2% du PIB.
Au-delà de leur solde commercial positif, les États d’Europe du Nord connaissent des niveaux de dettes et de déficits plus faibles que ceux du Sud. En cas de dérapage des prix, les tensions entre les deux parties de la zone euro pourraient augmenter. Un durcissement de la politique monétaire pourrait avoir des conséquences importantes sur la solvabilité des États fortement endettés comme l’Italie, la France ou l’Espagne. Compte tenu du taux d’endettement public, du poids des intérêts et du taux de croissance potentielle, le déficit public total maximum permettant la stabilisation du taux d’endettement public est évalué à 3,9 % du PIB dans la zone euro et à 4,1% du PIB en France.
La France devrait réduire son déficit de 4,9 points de PIB dans les prochaines années et l’ensemble de la zone euro de 2,6 points. Toute augmentation des taux d’intérêt nécessiterait un effort plus important. Grâce à leur baisse, le poids des intérêts payés sur la dette publique est passé de 3 à 1,2% du PIB en France de 2002 à 2021 et de respectivement 3,5 et 1,4% pour l’ensemble de la zone euro.
Toute hausse d’un point des taux nécessite une réduction du déficit d’au moins un point pour éviter une augmentation du taux d’endettement.
Le retour des règles budgétaires européennes
Dans les prochains mois, les autorités européennes proposeront aux États membres de nouvelles règles budgétaires. Les dépenses liées à la transition énergétiques seront peut-être traitées à part avec un financement qui pourrait être communautaire. En revanche, la Commission veillera à éviter une dérive des taux d’endettement surtout quand les États concernés enregistrent par ailleurs un déficit extérieur élevé.
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