La maladie d’Alzheimer met l’Union Européenne (UE) à l’épreuve

La maladie d’Alzheimer met l’Union Européenne (UE) à l’épreuve

La maladie d’Alzheimer et d’autres maladies dégénératives affectent chaque individu de manière différente, mais une détection précoce est toujours la clé d’un traitement efficace.

Selon Alzheimer’s Europe, 7,8 millions de citoyens de l’UE vivaient avec une maladie neurodégénérative en 2018, sur lesquels la maladie d’Alzheimer représente entre 60 et 80 % des cas.

Les experts préviennent que ces chiffres devraient doubler si des mesures sérieuses ne sont pas prises pour sensibiliser les citoyens, les professionnels de la santé et les décideurs politiques.

Dans le même temps, les critiques suggèrent que les systèmes de santé de l’UE devraient investir davantage dans les infrastructures afin de détecter la maladie le plus tôt possible.

À l’approche de la Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer, le 21 septembre, EURACTIV et ses partenaires publient un rapport spécial qui examine les différents défis que présente la maladie au niveau de l’UE, mais aussi en France, en Allemagne, en Italie, en République tchèque et en Slovénie.

L’Union européenne à la traîne

Les pays de l’Union européenne sont toujours à la traîne dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer, malgré les appels lancés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à agir rapidement, et alors que le nombre de cas devrait doubler en Europe.

Dans le même temps, le manque d’infrastructures adéquates dans les systèmes de santé nationaux de l’ensemble du bloc constitue un défi pour la mise en place de nouvelles thérapies prometteuses.

Alzheimer Europe, une ONG qui représente les patients atteints de démence, estime qu’en 2018, 7,8 millions de citoyens européens vivaient avec une démence – deux tiers sont des femmes. La maladie d’Alzheimer (MA) représente entre 60 et 80 % de ces cas de démence.

Pour Jean Georges, directeur exécutif d’Alzheimer Europe, ces chiffres ont augmenté notamment en raison du vieillissement de la population européenne. Et ils devraient doubler à l’avenir.

« Sans un changement significatif dans la manière de traiter et de prévenir la maladie d’Alzheimer et les autres types de démence, nous nous attendons à ce que le nombre de personnes atteintes de démence double d’ici à 2050 pour atteindre 14,3 millions. Il devrait donc être clair qu’une action paneuropéenne urgente est nécessaire pour soutenir la recherche sur la démence et les soins », a-t-il déclaré à EURACTIV.

Le prochain médicament

La Food and Drug Administration (FDA) américaine a approuvé en juin dernier l’Aduhelm (aducanumab) pour le traitement de la MA, ciblant les premiers stades de la maladie. Son approbation a déclenché de vives réactions aux États-Unis, avec des divisions au sein même de la FDA.

Les critiques soulignent son coût élevé, estimé à environ 48 000 euros par an.

Le médicament a également été soumis à l’Agence européenne des médicaments (EMA) pour approbation et fait l’objet de tests, désormais à la phase finale.

Toutefois, même si ce médicament, ou une autre thérapie innovante, est approuvé, les critiques suggèrent que les systèmes de santé européens ne sont pas prêts à tirer parti de leur potentiel.

Selon une enquête d’Alzheimer Europe menée auprès de plus de 1 400 soignants dans cinq pays européens (République tchèque, Finlande, Italie, Pays-Bas et Écosse), les retards dans le diagnostic de la maladie d’Alzheimer sont importants : cela prend en moyenne 2,1 ans pour établir un diagnostic (allant de 1,6 an pour la République tchèque et l’Italie, à 2,5 an pour l’Écosse).

Selon M. Georges, le manque de sensibilisation des familles des patients et des professionnels de la santé, le déni et la stigmatisation perçue des personnes touchées figurent parmi les principaux obstacles. À cela s’ajoutent les problèmes d’infrastructure avec de longs délais d’attente pour accéder aux spécialistes ou aux diagnostics spécialisés, tels que les scanners cérébraux.

« Avec les nouveaux traitements qui, espérons-le, se concentreront sur les stades précoces de la MA (par exemple, le stade de la déficience cognitive légère ou de la démence légère), ces défis seront encore importants », a souligné M. Georges.

Les gouvernements, a-t-il ajouté, devront investir dans des campagnes de sensibilisation, dans la formation médicale des médecins généralistes et des spécialistes, tout en développant l’infrastructure spécialisée nécessaire pour que les gens puissent recevoir un diagnostic en temps voulu et aient accès aux nouveaux traitements.

À la question d’EURACTIV de savoir si l’Europe serait prête à utiliser l’aducanumab, un porte-parole de la Commission européenne a répondu que l’exécutif n’est pas en mesure de répondre en ce qui concerne des produits particuliers, tant qu’ils font l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché.

La maladie d’Alzheimer se développe 20 ans avant les premiers symptômes

La Fédération européenne d’associations et d’industries pharmaceutiques (EFPIA) a indiqué dans une réponse par e-mail que les systèmes de santé de la plupart des États membres de l’UE ne sont pas préparés à l’introduction de médicaments modificateurs de la maladie.

« Des investissements beaucoup plus conséquents sont nécessaires dans les centres de diagnostic et dans les traitements, et il faudra davantage de personnel qualifié pour diagnostiquer, traiter et suivre l’évolution des patients atteints de démence », a déclaré l’EFPIA, ajoutant qu’une attention particulière doit être accordée au dépistage des troubles cognitifs précoces et de la démence.

Pour l’industrie pharmaceutique, l’Europe devrait également investir de manière significative dans la sensibilisation à la maladie, qui commence à se développer 20 ans avant les symptômes.

« Le public doit prendre conscience de cet élément afin de pouvoir identifier les symptômes le plus tôt possible. Les professionnels de la santé ont également besoin d’être formés afin d’identifier la MA à des stades plus précoces ».

L’EFPIA a déclaré qu’un leadership fort était nécessaire pour faire de la MA la prochaine priorité de la politique de santé : « Cela devrait commencer au niveau européen et se répercuter sur les systèmes de santé nationaux ».

La société civile et le secteur pharmaceutique appellent à l’élaboration d’un plan d’action européen similaire au plan « vaincre le cancer » afin que la démence devienne une priorité dans les programmes EU4Health et Horizon Europe.

À la question de savoir si l’exécutif envisage de faire avancer un plan européen sur la maladie d’Alzheimer, un porte-parole de la Commission européenne a répondu que l’accent était mis sur la promotion de la santé et la prévention des maladies en général, plutôt que sur des stratégies spécifiques à une maladie, en parallèle avec des efforts pour renforcer les systèmes de santé nationaux.

« La Commission est consciente de la charge que représente la maladie d’Alzheimer pour la santé et le bien-être. Elle a adopté une approche globale pour lutter contre les maladies non transmissibles, y compris les troubles mentaux et neurologiques », a déclaré le porte-parole de la Commission.

Se référant à la stratégie pharmaceutique de l’UE, le porte-parole a déclaré qu’elle reconnaissait que « les traitements pour les maladies importantes, comme les maladies neurodégénératives et les cancers pédiatriques par exemple, font toujours défaut ».

« La maladie d’Alzheimer est évidemment incluse. Cela fait partie de la stratégie de réfléchir à un meilleur cadre de politique pharmaceutique pour stimuler l’innovation dans les domaines où les besoins ne sont pas satisfaits. »

Le porte-parole a également déclaré qu’il était encore trop tôt pour dire si le programme de travail EU4Health 2022 inclurait explicitement la MA, car des discussions sont en cours avec les États membres.

« Un avis positif au sein du comité du programme EU4Health est nécessaire pour l’adoption du programme », a déclaré le fonctionnaire de l’UE, ajoutant que la Commission devrait adopter le programme d’ici à la fin de 2021.

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