La fin de la logique libérale

La fin de la logique libérale

La fin de la campagne législative du premier tour – si campagne il y eut- se conclut par ce que « Le Monde » appelle sans ironie le « retour du sérieux budgétaire. ».  La majorité présidentielle reproche à la Nupes le montant astronomique de ses promesses (entre 280 et 330 milliards), celle-ci se moque des donneurs de leçons qui cumulent les déficits records : « la dette est à son sommet, le déficit extérieur est le plus vaste de l’Histoire ». Les deux ont raison. Le gouvernement a annoncé un projet de loi sur le pouvoir d’achat qui coûtera quelques dizaines de milliards supplémentaires, une paille par rapport aux dépenses de la Nupes. Cette dernière a sa logique : encore et toujours la rupture, pour ne pas dire la Révolution. Comme le dit une de ses expertes : « On arrive au bout de la logique libérale ».  

Où trouver une logique libérale, sinon dans les profondeurs de l’inconscient politique, dans les traumas sociaux-démocrates et néo communistes, entre post marxisme-léninisme et laxisme-étatisme ? En France, la dépense publique représente 59% du PIB. Les prélèvements obligatoires atteignent 47,5% du PIB, six points au dessus de la moyenne européenne. La redistribution sociale (27% du Pib) ramène les inégalités à un coefficient de Gini (qui mesure l’écart de revenus entre les plus pauvres et les plus riches) parmi les plus bas de la planète et de l’Histoire. Les entreprises publiques, à défaut d’être florissantes, occupent à peu près tous les segments de l’économie : communication, transports, énergie, automobile, banques, logement, sans parler des secteurs réservés, comme la santé et l’éducation, domaines où la France est en tête pour les dépenses, moins pour les résultats.

Croire que la France est un pays libéral relève donc d’un mirage tapi dans l’inconscient collectif.  

Les gouvernements français sont exempts de toute logique libérale. Même De Gaulle, avec Giscard, son ministre, le plus « libéral » des Présidents -si l’on se souvient du plan Rueff, des budgets en excédent, des prélèvements obligatoires à 32%- était un dirigiste qui croyait à « l’ardente obligation du plan ». Les prix, en France n’ont été débloqués qu’avec Barre. Croire que la France est un pays libéral relève donc d’un mirage tapi dans l’inconscient collectif : la peur du grand méchant loup ou la peur de la liberté après les excès révolutionnaires  et le meurtre du père monarque.

Parmi les pays développés, la France est le moins libéral du monde, ce qui explique son génie, « l’exception française », ou plutôt sa gêne face au monde moderne. Les pays moins étatistes connaissent de meilleurs résultats, notamment pour le pouvoir d’achat : Allemagne, Suisse, Pays-Bas, Autriche,  Slovénie, Corée, Canada … En France, on serait riche à partir de 3673 euros net. En Suisse, on est pauvre en dessous de 3800. De quel coté combat-on mieux la pauvreté ? 

En deux siècles, la révolution libérale a fait reculer la misère, l’ignorance et la servitude comme jamais dans l’Histoire. Quelle décadence !

Une des tristes drôleries de cette campagne est que chacun y va de son chèque pour le pouvoir d’achat, oubliant que ce sont ceux qui le reçoivent qui le paient. Les gouvernements ne décident pas du pouvoir d’achat. Sauf en menant, pas à pas, une politique « sérieuse »  qui permet à l’économie nationale de produire des richesses supplémentaires, d’être plus productive, plus « compétitive », horrible mot. Comme on ne peut l’être dans tous les domaines, chacun se spécialise, ce qui permet une meilleure allocation des ressources, une meilleure efficacité, grâce à l’échange. Au niveau mondial, cette affreuse « logique libérale », a permis à des centaines de millions de personnes de sortir de la famine et de l’extrême pauvreté en quelques années. En deux siècles, la révolution libérale a fait reculer la misère, l’ignorance et la servitude comme jamais dans l’Histoire. Quelle décadence !

Aujourd’hui l’épidémie, la peur et la guerre, interrompent les échanges. Résultat de cette dé-mondialisation, la faim revient, l’extrême pauvreté s’accroit. Ceux qui ont le souci des pauvres et des pays pauvres devraient se poser en premiers défenseurs de la « logique libérale », ce qui était d’ailleurs le cas à la fin du XIXème en Amérique latine comme en Angleterre. Au contraire, l’illibéralisme triomphe. 

Orban le libéral est devenu anti libéral. Medvedev, considéré en son temps comme le libéral du Kremlin, écrit : « Je les déteste. Ce sont des bâtards et des dégénérés.»  Qui ? Les Occidentaux. « La pensée libérale est devenue obsolète » martèle Poutine. Idée bien partagée en Europe, en Pologne, en Hongrie, en Italie et en France, où droite et gauche nationalistes et protectionnistes s’allient contre « le libéralisme anglo-saxon », oubliant que la pensée libérale était aussi française, latine, et grecque.

La haine, aussi aristocratique que populaire, de ce parvenu : le bourgeois. Quelle pauvreté intellectuelle ! 

Programmes et promesses s’en ressentent. Interdire, surveiller, contrôler, taxer, détaxer, subventionner, favoriser, discriminer : à l’Etat, au gouvernement, d’imposer le Bien. En Chine, la société de surveillance fonctionne. Le carnet citoyen, celui du bon comportement, est jalousé par bien des pays. Derrière la détestation des États-Unis, qui conduit à exonérer tout dictateur de ses crimes parce qu’il est anti américain, une vieille revanche nationaliste, mais aussi un mépris, une mode culturelle : la haine, aussi aristocratique que populaire, de ce parvenu : le bourgeois. Quelle pauvreté intellectuelle ! Et puis, cet inconscient collectif, bien bourgeois justement, qui craint la liberté et ses dérèglements. Tout cela légitime une mise au pas. L’écologie en est parfois l’excuse ou l’’instrument. Sous couvert de modernité, l’ultra conservatisme. 

Et puis le retour de la guerre oblige à se rassembler autour du château fort. Dans les moments de crise, comme avec la Covid, l’attention aux libertés passe au second plan. Alors, gare à la guerre. C’est sur les guerres et le Fisc que se construisent les Etats.

La crise écologique ne se fera pas contre la croissance, mais grâce une nouvelle croissance portée par les ruptures technologiques

Encore que : l’affaiblissement des armées obligera les Etats à se concentrer sur ce qu’eux seuls savent faire : la Défense et la Sécurité. Avec la Justice ! Le coût de la transition énergétique suppose de créer de nouvelles ressources ou de s’appauvrir. Pas de transition énergétique sans performance économique, sans investissement, sans croissance : la crise écologique, contrairement à ce qui est affirmé, ne se fera pas contre la croissance, mais grâce une nouvelle croissance portée par les ruptures technologiques. Et l’innovation suppose une pensée libre, le droit à l’erreur.

Et puis la mondialisation reprendra sous la pression des pays pauvres. Le remède aux blocages et aux hausses des prix ? Echange et concurrence, comme de juste. 

Enfin reste ce ressort enfoui au plus profond de chacun, ce « retour du refoulé » que craignent tous les pouvoirs : le désir de liberté, la volonté d’être autonome, la joie de s’émanciper. Ce n’est pas un désir de consommer plus, mais la volonté d’être un peu plus libre, notamment en gagnant mieux sa vie.  Logique libérale ? La liberté fonctionne selon un système intuitif : chacun comprend que ceux qui veulent son bien par la contrainte ne sont pas de vrais amis.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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