Cherche désespérément des bras !

Cherche désespérément des bras !

En France, plus de 200 000 emplois ne seraient pas pourvus dans le secteur de l’hébergement et de la restauration. Des restaurants, des hôtels pourraient ainsi rester fermés durant cet été faute de main d’œuvre. 83 % des chefs d’entreprises interrogés dans le cadre de l’enquête Viavoice et du Cabinet Les Temps Nouveaux pour Sopra Steria Next et « Les Echos » affirment éprouver des difficultés pour recruter. Ils mettent également en avant un réel déficit de compétences. Ce taux atteint 94 % dans la construction.

Après des années de chômage de masse, la France pourrait connaître un manque de bras

La guerre en Ukraine ne semble pas, pour le moment, changer la donne. Après des années de chômage de masse, la France pourrait connaître un manque de bras. Le pays devra gérer la stagnation voire le déclin de la population active. Les prochaines années seront marquées par des départs massifs à la retraite qui seront à peine compensés par l’arrivée de jeunes actifs. Par le jeu de la démographie, le travail disponible sera rare sauf à accepter des flux migratoires plus élevés. Il ne faut pas oublier que la croissance est le produit du facteur travail, du facteur capital et du progrès technique.

Les périodes d’expansion reposent toujours sur une montée en puissance du facteur « travail ». Pendant la période des Trente Glorieuses dans les années 1950/1970, le temps de travail annuel en France était de 1 900 heures en moyenne. Il est aujourd’hui de 1 450 heures, soit une réduction de près de 25 %. Les gains de productivité ont permis cette diminution du temps de travail mais ils ont tendance à se raréfier. Si la productivité du travail augmentait de 4 % dans les années 1960, aujourd’hui, elle peine à dépasser 1 %.

Pour augmenter la croissance, la France se doit d’augmenter son taux d’emploi

Si le manque de main d’œuvre perdurait, la croissance de la France en serait affectée. Or, celle-ci est nécessaire pour assainir les comptes publics et pour financer les retraites, la dépendance, la santé, les dépenses d’éducation ou celles liées à la transition énergétique. Faute d’emplois, le déficit commercial qui atteint 100 milliards d’euros en rythme annuel sera difficilement comblé. Le souhait de réindustrialisation risque de ne pas être transformé par absence d’ingénieurs ou de techniciens. Avec le vieillissement de la population, les besoins de personnel dans les secteurs de l’aide à domicile ou de la santé seront également en forte hausse.

Pour augmenter le niveau de la croissance, la France se doit d’augmenter son taux d’emploi qui est particulièrement faible, 67 % contre 76 % en Allemagne. Cet écart s’explique par le fait que de nombreux jeunes et séniors ne sont pas en emploi en France. Pour rattraper ce retard, un effort en matière de formation est nécessaire.

Au-delà du taux d’emploi, l’attractivité de certains postes est en jeu. Les actifs, surtout depuis la crise sanitaire et dans un marché tendu, refusent les postes à forte pénibilité et contraintes. À la différence des salariés de l’industrie, terrain historique des conflits sociaux, ceux du secteur tertiaire ont, en règle générale, accès à moins d’avantages sociaux et ont moins de possibilité de mobilité interne, notamment par la formation. La question de la rémunération est un sujet éminemment sensible.

Coût du travail élevé, salaires bas

La France figure parmi les pays dont le coût du travail est l’un des plus élevés. Dans le même temps, de nombreux salariés éprouvent d’importantes difficultés financières pour faire face notamment aux dépenses de logement. La priorité donnée aux prestations par rapport au salaire direct conduit au ressentiment pour les salariés modestes.

Une amélioration de la compétitivité permettrait une augmentation non inflationniste des salaires. Elle suppose la poursuite de l’effort d’investissement des entreprises.

La valeur travail

L’autre voie serait d’augmenter le volume annuel de travail des salariés ; celle-ci pousserait naturellement à la hausse les rémunérations. L’assainissement des comptes publics, le financement des retraites, la transition énergétique ne seront financés que par le travail des salariés et des non-salariés. Avec la fin de l’argent facile, les fondamentaux de l’économie s’imposeront avec force. La valeur travail risque d’être la plus recherchée et la plus utile, témoignant de l’actualité de la formule de Jean Bodin, philosophe du XVIe siècle, en économie « il n’y a de richesses que d’hommes ».

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