Européennes 2024 : le Green Deal, coeur battant d’élections cruciales

Européennes 2024 : le Green Deal, coeur battant d’élections cruciales

Entre les sceptiques et ceux qui veulent aller plus loin, le Green Deal concentrera les débats lors de la campagne des élections européennes à venir. La montée des droites radicales pourrait bien réduire considérablement ses ambitions.

En 2019, la Commission « Ursula von der Leyen » lançait en grande pompe le pacte Vert pour l’Europe (EU Green Deal, en anglais), somme de règlements, directives et initiatives visant à ce que les 27 atteignent collectivement la neutralité carbone en 2050.

Pour la gauche et les écologistes, les objectifs poursuivis sont insuffisants compte tenu de l’urgence climatique. Pour la droite et l’extrême droite, les ambitions sont trop attentatoires aux libertés et à l’économie.

Le 24 novembre, l’événement organisé par Euractiv France sur « le protectionnisme européen à l’aube des élections européennes » a préfiguré le débat majeur à venir lors de la campagne des élections européennes qui débutera officiellement début 2024 : l’avenir du Green deal européen.

Victoire culturelle des Verts

« Le Green deal européen est une bataille culturelle que les Verts ont gagnée », s’est félicitée en ouverture des débats Karima Delli, eurodéputée française du groupe Les Verts/ALE. Une victoire d’autant plus savoureuse qu’Ursula von der Leyen est issue de la droite (Parti populaire européen, PPE), de prime abord hostile au Pacte vert.

Ceci étant dit, le Green Deal en l’état n’est « pas suffisant pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris », plaide l’élue. À cette fin, l’UE devrait encore rehausser les objectifs de réductions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, juge-t-elle avec sa collègue et co-présidente de La Gauche au Parlement européen, Manon Aubry, également présente lors de l’événement.

Au demeurant, plusieurs législations clés, comme le développement d’une stratégie industrielle européenne, n’ont pas encore été adoptées, tandis que l’heure de la mise en œuvre globale se rapproche, a rappelé Terry Reintke, co-présidente des Verts au Parlement, à Euractiv.

Sauf que porter de telles ambitions pourrait s’avérer plus difficile qu’escompté. Les derniers sondages révèlent en effet un effondrement des forces écologistes et progressistes dans nombre d’États membres au bénéfice des conservateurs et des radicaux de droite.

Climat d’extrême droite

Samedi (2 décembre), deux partis politiques tchèques de droite radicale, l’un déjà membre du groupe européen Identité et démocratie (ID) et l’autre issu des rangs des Réformistes et conservateurs européens (ECR), ont clairement annoncé qu’ils s’allieront pour « renverser l’ensemble du Pacte vert » après les élections européennes.

Aux Pays-Bas fin novembre, lors des dernières grandes élections européennes en date, le parti d’extrême droite Parti de la liberté (PVV) a remporté les élections législatives. Son leader, Geert Wilders, a surpassé, et de loin, l’ancien commissaire européen au Climat, Frans Timmermans, rentré au pays pour mener la bataille derrière les socialistes et les écologistes coalisés.

Manifestement, l’architecte du Green Deal a subi un échec en forme de désaveu, puisque le « Trump batave » a fait campagne contre les politiques européennes, surtout climatiques et migratoires.

D’ailleurs, le RN ne serait pas étranger à sa victoire. Selon Gerof Annemans, leader de l’extrême droite belge (Vlaams Belang), la victoire de Geert Wilders, tant dans le style déployé que les thèmes de campagne évoqués, « c’est le marinisme qui s’exporte », en référence à Marine Le Pen, leader politique du RN.

Sans aucun doute, la focale que déploie le parti à la flamme contre le Green Deal, fait donc florès en Europe à mesure qu’elle se précise en France.

Dans les derniers sondages, Marine Le Pen, Jordan Bardella et les leurs sont crédités d’environ 28 % d’intentions de vote, devant les libéraux unifiés d’Emmanuel Macron (Renaissance) en perte de vitesse (19 %, contre 22,4 % en 2019), les insoumis de Manon Aubry sur une bonne lancée (8 %, contre 6,3 % en 2019) et des Verts qui accusent le coup (9 %, contre 13,5 % en 2019).

Pour Karima Delli, c’est une catastrophe : sans les Verts, le Green Deal est « absolument » voué à mourir, a-t-elle alerté. Pour Alexandre Loubet, directeur de campagne du RN aux européennes, c’est une aubaine : le Pacte vert est une « série de mesures qui rate sa cible et accélère la sortie de l’Europe de l’Histoire », a-t-il déclaré lors de l’événement d’Euractiv France.

Selon lui, le plan de l’UE souffre de trois écueils majeurs : un déni des réalités énergétiques, des mesures écologiques punitives et une idéologie de la décroissance.

Européennes 2024
En 2019, la Commission « Ursula von der Leyen » lançait en grande pompe le pacte Vert pour l'Europe (EU Green Deal, en anglais), somme de règlements, directives et initiatives visant à ce que les 27 atteignent collectivement la neutralité carbone en 2050. [Union européenne, 2021]

Le recul du Green deal  ?

Avec ce discours qui résonne crescendo chez les Français et les Européens, les craintes des écologistes et de la gauche se confirment. Certains textes du Green Deal sont si édulcorés par les groupes de droite (règlement sur la « restauration de la nature »), qu’ils sont abandonnés par les écologistes (règlement sur l’utilisation durable de produits phytopharmaceutiques — SUR).

D’autres, comme le règlement sur le contrôle des pesticides (REACH), ne figurent plus à l’agenda de la Commission européenne pour 2024.

Cette situation confirme, selon Mme Aubry, le « recul du Green deal » acté en mai par la « pause réglementaire » réclamée par Emmanuel Macron.

Une expression qui, selon le chercheur en transition énergétique à l’IDDRI, Andreas Rüdinger, s’intègre dans un corpus au côté d’expressions comme « reprendre le contrôle des prix » de l’électricité, distillée par le chef de l’État français en septembre dernier.

« Ce vocabulaire n’est pas anodin », note le chercheur, en amont de l’évènement. « Le gouvernement se montre de plus en plus soucieux de défendre une vision de l’écologie souveraine, pourvu qu’elle apparaisse comme la moins punitive possible ». Ainsi, « il chasse sur le terrain des extrêmes et des populistes », explique-t-il à Euractiv France, preuve s’il en est de la nécessité pour les libéraux de draguer un électorat de plus en plus séduit par la rhétorique conservatrice.

« Le discours contre « l’écologie punitive » est un discours qui a un écho dans l’opinion depuis quelques années », a expliqué Mathieu Gallard, directeur de recherche à Ipsos France, lors de l’événement d’Euractiv France.

De sondage en sondage, les Européens sont de moins en moins enclins à accepter des mesures écologiques contraignantes, ce qui correspond avec la montée d’un discours hostile au Green Deal, poursuit-il. En toile de fond, plane le spectre d’un mouvement « Gilet jaune européen », complète Théo Verdier, co-directeur de l’Observatoire européen à la Fondation Jean Jaurès, lors de l’évènement.

Élections cruciales

Sans nul doute, l’avenir du Green deal devrait donc structurer les élections européennes de 2024.

« Nous venons d’avoir exactement la tonalité des débats à venir », confirme en ce sens M. Verdier, d’autant que, pour une fois, « les sujets sont concernant pour les européennes » et « enchevêtrent le niveau local, national et européen ».

Ainsi, pour Karima Delli, « les européennes de 2024 sont les élections les plus importantes des 20 prochaines années », affirme-t-elle, s’insurgeant contre ce qu’elle dénonce comme un « double discours » teinté de « fake news » de l’extrême droite.

Pour l’heure, et bien que les projections soient sans équivoque, rien n’est joué : « les européennes sont des élections particulières avec lesquelles il faut être prudent. […] Les électeurs prennent leur décision tardivement », conclut Mathieu Gallard.

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