Ursula von der Leyen, le discours sur l’état de l’Union 2023

Ursula von der Leyen, le discours sur l’état de l’Union 2023

Il n’y avait pas d’énormes surprises dans ce discours sur l’état de l’Union 2023. La présidente Ursula von der Leyen invite l’Europe à « répondre à l’appel de l’histoire ». Dans les 300 jours qui nous séparent des élections européennes de juin 2024, la tâche est encore importante : finir la négociation du pacte migratoire, achever le chantier législatif du « Pacte vert », décider rapidement d’une révision budgétaire pour soutenir l’Ukraine (50 milliards d’euros), les technologies propres, la gestion des frontières… Sans compter la prise en compte des enjeux éthiques et industriels de l’intelligence artificielle, la lutte contre l’inflation, la réforme du marché de l’électricité et la gouvernance économique de l’Europe (les critères de Maastricht).

Ursula von der Leyen annonce, du reste, que la Commission organisera « une conférence internationale sur la lutte contre le trafic de migrants ». Pourquoi y penser si tard alors que les flux sont intenses depuis la crise syrienne de 2015 ?

Voici les points forts à retenir de son discours.

Ne pas opposer compétitivité et « Pacte vert »

Dans l’esprit de la présidente de la Commission, l’énorme train de mesures pour lutter contre le réchauffement climatique n’est pas antinomique d’une amélioration de la compétitivité européenne. Elle ne se renie pas. Au contraire, si l’Europe doit rester dans la course, c’est parce qu’elle sera en mesure d’innover dans les « technologies propres ». « Au cours des cinq dernières années, le nombre d’usines sidérurgiques propres dans l’UE est passé de zéro à 38, insiste-t-elle. Nous attirons désormais plus d’investissements dans l’hydrogène propre que les États-Unis et la Chine réunis. »

Depuis quelques mois, sa famille politique, le PPE (Parti populaire européen) commence à traîner des pieds sur le « Pacte vert », en considérant qu’une approche par trop « idéologique » finirait par faire le jeu de nos compétiteurs, chinois et américains. C’est particulièrement vrai du secteur automobile, si cher aux Allemands. Ursula von der Leyen a pris en compte cette préoccupation.
« Il s’agit d’une industrie cruciale pour l’économie propre, avec un énorme potentiel pour l’Europe », lance-t-elle. « Mais les marchés mondiaux sont désormais inondés de voitures électriques chinoises moins chères. Et leur prix est maintenu artificiellement bas grâce à d’énormes subventions publiques. Cela fausse notre marché. Et comme nous n’acceptons pas cela de l’intérieur, nous n’acceptons pas cela de l’extérieur. Je peux donc annoncer aujourd’hui que la Commission lance une enquête antisubvention sur les véhicules électriques en provenance de Chine. L’Europe est ouverte à la concurrence. Pas pour un nivellement par le bas. »

Alléger le fardeau des petites et moyennes entreprises

Autre critique formulée par le PPE : les électeurs et les PME ne suivront pas le virage du « Green Deal » s’il est synonyme de surcoût et d’un surcroît de démarches administratives. Là aussi, von der Leyen donne des gages et promet de les associer à la mise en œuvre du « Pacte Vert » à travers. Elle nommera « avant la fin de l’année », « un envoyé européen pour les PME » qui relèvera directement de son autorité. On peut douter raisonnablement de l’efficacité de cette annonce un peu gadget qui dénote surtout de son penchant pour « l’hyperprésidence ». Le pauvre homme sera rapidement débordé, mal vu des États membres où les administrations sont jalouses de leur pouvoir, et finalement relégué au rang d’ambassadeur fictif…

Mais elle promet aussi de veiller à ne pas surlégiférer dans les domaines qui touchent aux PME et TPE. « Pour chaque nouveau texte législatif, nous effectuons un contrôle de compétitivité par un comité indépendant », annonce-t-elle. « Et le mois prochain, nous présenterons les premières propositions législatives visant à réduire de 25 % les obligations de déclaration au niveau européen. »
Ursula von der Leyen annonce qu’elle confie à Mario Draghi, l’ancien président du Conseil italien, la confection d’un rapport sur la compétitivité européenne. Une idée saluée par Manfred Weber, le président du PPE. Ce n’est pas un geste innocent. Mario Draghi plaide en faveur d’un nouvel emprunt commun qui succéderait et pérenniserait Next Generation EU (NGEU). « Les coûts d’emprunt de l’Union sont inférieurs aux coûts d’emprunt moyens pondérés de ses États membres, et ils sont presque identiques à ceux du mécanisme de financement mis en place pendant la crise, le MES, détaillait-il, lors d’une conférence en juillet. […] Cela suggère que les investisseurs ont largement confiance dans la capacité de l’Union à extraire de chaque pays participant le futur flux de recettes nécessaire au service de la dette sous-jacente. Cela signifie que nous disposons d’un potentiel inexploité d’intermédiation de la dette et de réduction des coûts d’emprunt globaux de l’Union. »

Ursula von der Leyen Ce 13 septembre 2023, Ursula von der Leyen a prononcé un discours sur l’état de l’Union.

Les agriculteurs enfin pris en compte

Dans tous ses discours sur l’état de l’Union, Ursula von der Leyen n’avait jamais prononcé un mot pour le monde agricole alors que la PAC représente encore plus d’un tiers du budget de l’Union. Sa famille politique attendait ce geste. Il est arrivé. L’impératif de « sécurité alimentaire » que la guerre en Ukraine comme la pandémie ont mis en valeur revient en haut de la pile des dossiers. « Je profite de cette occasion pour exprimer ma gratitude à nos agriculteurs, pour les remercier de nous fournir de la nourriture jour après jour, » lâche-t-elle. Voilà qui fera rosir de plaisir les caciques du PPE, et en particulier l’ancien président Joseph Daul, agriculteur de son état et qui avait montré, en juillet dernier, une certaine frustration à son égard. En année électorale, ça ne peut pas faire de mal.

Concrètement, quoi de neuf ? Là encore, elle en revient à ses principes : la préservation du climat et l’agriculture ne peuvent pas être opposées. Si les sécheresses se multiplient, les rendements agricoles en souffriront. Et le revenu paysan s’effondrera. Le « Pacte Vert » n’est pas l’ennemi des agriculteurs bien que l’UE leur demande de se passer, de plus en plus, des engrais chimiques, des pesticides, de restaurer des haies, de prendre garde à la qualité des cours d’eau… « Nous devons travailler de concert avec les hommes et les femmes du secteur agricole pour relever ces nouveaux défis. C’est la seule façon de garantir l’approvisionnement alimentaire pour l’avenir. Nous avons besoin de plus de dialogue et de moins de polarisation. » Elle annonce un « dialogue stratégique sur l’avenir de l’agriculture dans l’UE », mais pas de pause dans la réglementation, à ce stade.

À la recherche d’une solution contre l’inflation

À vrai dire, Ursula von der Leyen n’a pas encore de solution contre cette inflation élevée et persistante contre laquelle la BCE lutte comme elle peut. La présidente von der Leyen constate néanmoins que les outils mis en place pour lutter contre l’affolement des prix de l’énergie ont fonctionné, en dépit du piège tendu par Poutine à l’Allemagne concernant sa dépendance au gaz. « La bonne nouvelle est que l’Europe a commencé à faire baisser les prix de l’énergie, se réjouit-elle. […] Beaucoup pensaient que nous n’aurions pas assez d’énergie pour passer l’hiver. Mais nous y sommes parvenus. Nous avons utilisé la masse critique de l’Europe pour faire baisser les prix et sécuriser notre approvisionnement, note-t-elle. Il y a un an, le prix du gaz en Europe dépassait les 300 euros par MWh. Il est désormais autour de 35. Nous devons donc réfléchir à la manière dont nous pouvons reproduire ce modèle de réussite dans d’autres domaines tels que les matières premières critiques ou l’hydrogène propre. »

Réformes institutionnelles et élargissement

Ursula von der Leyen ne brade pas le processus d’adhésion à l’UE qui reposera, comme jusqu’ici, sur les mérites propres à chaque État candidat, Ukraine, Moldavie ou les pays des Balkans occidentaux. Donc, pas d’adhésion hâtive et en bloc. Pas de date cible comme le suggérait Charles Michel (2030). Néanmoins, la dynamique doit être relancée et les réformes internes à l’Union pour absorber les nouveaux venus ne peuvent pas être constamment différées.

« Nous ne pouvons pas – et nous ne devons pas – attendre que le traité soit modifié pour avancer dans la voie de l’élargissement, souligne-t-elle. Une Union adaptée à l’élargissement peut être réalisée plus rapidement. Cela signifie répondre à des questions pratiques sur la manière dont fonctionnera une Union de plus de 30 pays. Et notamment sur notre capacité à agir. »

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