Des visas d'un nouveau genre, pour les nomades numériques

Des visas d'un nouveau genre, pour les nomades numériques

Alors que des débats sur la pérennité du télétravail commencent à émerger, le développement du travail à distance ces dernières années a entraîné la mise en place d’un nouveau type de visa. Ceci dans le but d’attirer des nomades numériques, et pourquoi pas, de les inciter à poser leurs valises. 

Les visas pour les nomades numériques

En 2023, l’Espagne a rejoint la longue liste de pays ayant créé un visa conçu pour les « nomades numériques » ou « télétravailleurs de caractère international ». Celui-ci a été créé dans le cadre de la loi « Start-ups », entrée en vigueur en Espagne le 22 décembre 2022. Comme son nom l’indique, celle-ci vise à soutenir l’écosystème des start-ups, entreprises innovantes de création récente qui évoluent notamment dans le secteur des nouvelles technologies. Ce texte crée un visa dédié aux nomades numériques et aux télétravailleurs non-européens, soumis à quelques conditions : notamment la possession d’un diplôme du supérieur, ainsi qu’une attestation de l’entreprise pour laquelle l’activité est exercée dans un autre pays. Jusqu’à un maximum de 20% de l’activité peut être exercée en Espagne, si vous avez un statut de travailleur indépendant. Dans tous les cas, vous devrez aussi disposer d’un revenu équivalent au double du salaire minimum espagnol. 

Parmi les pays cherchant à faciliter la venue de ces travailleurs d’un nouveau genre, il y a aussi le Canada, l’Afrique du Sud ou encore l’Uruguay, qui a créé en mai 2023 un visa pour les nomades numériques d’une durée de six mois, et pouvant aller jusqu’à un an. Ainsi, d’après une étude de l’organisation mondiale du tourisme, ce sont près de 50 pays qui proposent désormais des visas spécifiquement dédiés aux nomades numériques. C’est l’Estonie qui fut le premier pays à mettre en place un tel type de visa, en 2020.  Le Portugal offre quant à lui un visa d’une durée de deux ans. Il a été le premier pays à lancer un programme de villages pour les nomades numériques, en 2020, sur l’île de Porto Santo et Madère.

La course à l'attraction des nomades numériques

Bien sûr, l’intérêt de ces pays pour les nomades numériques, ainsi que les facilités qu’ils mettent en place pour les attirer, n’est pas dénué d’arrière-pensées.

Selon Prithwiraj Choudhury, professeur à la Harvard Business School qui étudie les évolutions du travail, on assiste aujourd’hui à une véritable compétition pour attirer les talents travaillant à distance grâce aux outils numériques. En effet, de nombreux pays en espèrent des retombées positives, et cherchent à faciliter leur présence, en toute légalité. Il met en avant que ceux-ci ne prennent pas d’emplois locaux, participent au fonctionnement de l’économie locale, et peuvent potentiellement collaborer avec des entreprises locales. Dans un article paru en 2022 , il expliquait que le nomadisme numérique « peut aider les travailleurs à accéder à l’information et aux ressources qui peuvent les aider à développer de nouvelles idées et projets, bénéficiant aux travailleurs nomades comme à leurs organisations ».

Et pour se projeter sur ces terres d’accueil pour les « remote workers » les plus performants, les outils ne manquent pas. Ainsi, le site VisaGuide.World , spécialisé dans les visas, a établi un classement des pays les plus accueillants pour les nomades numériques, en se basant sur une série de critères : l’accès à internet, l’accès aux soins de santé, le coût de la vie et les incitations fiscales. Les cinq premiers pays du classement sont l’Espagne, l’Argentine, la Roumanie, les Émirats Arabes Unis et la Croatie.  

Du conseil en faveur du nomadisme numérique

Sur le site « the Nomad worlď » qui promeut un événement du même nom, organisé au Portugal, Gonçalo Hall se présente comme « travailleur à distance et évangéliste », consultant et conférencier sur le futur du travail, à la tête de différents projets. Le principal, c’est Nomadx : une plateforme destinée aux nomades numériques, leur proposant différents services de soutien et de mise en réseau avec les autres nomades. Ainsi, après sept ans d’activité, il peut se targuer d’avoir développé plusieurs « nomad digital villages ». D’abord au Portugal, avec celui de Lisbonne, celui de Caparica (une ville portuaire à 20 minutes de Lisbonne), et celui de Ponta do Sol, sur l’île de Madère. Il a également exporté son savoir-faire : au Brésil, avec le « nomad village » de Pipa, et au Cap Vert, où il a mis en place un programme de travail à distance. Aux travailleurs intéressés par les charmes de l’île aux fleurs, il offre la possibilité d’obtenir un visa d’une durée de six mois, renouvelable. Selon Gonçalo Hall, « la stratégie de la plupart des pays est d’attirer des travailleurs à distance ayant d’importants revenus ». En effet, précise-t-il, si « tous les nomades numériques sont des travailleurs à distance », ce sont « seulement moins de 0,1% des travailleurs à distance qui sont des nomades numériques ». Ainsi, pour lui, cette catégorie correspond aux personnes restant sur place entre un et six mois, durée après laquelle la personne devient immigrée. Prenant acte d’un regain d’attractivité dans le sillage du développement du télétravail, le Portugal a d’ailleurs mis en place fin 2022 le « Portugal Digital Nomad Visa ». Ouvert aux travailleurs à distance gagnant au moins quatre fois le salaire minimum portugais, il offre une durée de séjour d’un an, et une option de longue résidence, d’une durée de deux ans.

À titre de comparaison, en France, la loi « immigration » sur laquelle les Sages du Conseil constitutionnel doivent se prononcer d’ici le 26 janvier, prévoit un titre de séjour « talent », limité à quatre ans, réservé à des diplômés de niveau bac + 5 ou équivalent, ou conditionné à la demande d’une entreprise innovante reconnue par un organisme public, dans le cadre d’un projet de recherche. Mais dans le texte sorti de la commission mixte paritaire, aucune référence aux nouvelles mobilités du travail, permises par le numérique.

Auteur/Autrice

  • Etienne Antelme

    Etienne Antelme est journaliste indépendant. Après un parcours de formation en sociologie, ses centres d'intérêt et son envie d'écrire l'ont amené vers le journalisme. Avec comme points d'ancrage principaux la culture, les multiples "mondes" du travail, ou encore l'économie sociale et solidaire, il écrit pour différents médias web et print.

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