Ce lundi 10 mai, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire. Calendrier de déconfinement, fin des mesures d’exceptions, transfert de la compétence de gestion des flux intra et extra européens à l’Union Européen et son certificat numérique, les sujets ne manquaient pas. Mais vendredi, à la demande de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE), qui préparait cette possibilité depuis début mars, le gouvernement a fait déposer un nouvel amendement permettant de décaler les élections consulaires si la situation sanitaire du pays d’accueil ne permettrait pas leur organisation en toute sécurité.
Une décision qui bouscule le calendrier électoral et qui aurait pu être anticipée selon la plupart des acteurs de la sphère politique des expatriés.
« Je suis extrêmement étonnée que cet amendement n’intervienne que quelques jours avant le début des opérations de vote – alors que nous avions des mois pour prévenir cette situation et en discuter – sans même préciser les circonscriptions qui sont concernées.«
Evelyne Renaud-Garabedian, Sénatrice des Français établis hors de France
Des élections en septembre ?
L’inattendu amendement 146 de l’article 11 de la loi ouvre la possibilité de désynchroniser les élections pour les circonscriptions dans lesquelles la situation sanitaire et les mesures prises conduiraient à l’empêchement de son organisation.
Le mandat en cours des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires dans les circonscriptions où l’élection consulaire des 29 et 30 mai 2021 n’a pas pu être organisée du fait de la situation locale, est prorogé jusqu’à la date de l’élection partielle qui devra être organisée dans les quatre mois suivant la publication de la présente loi
Amendement 146 de l’article 11 de la loi relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire
Premier point qui inquiètent les cadres des partis impliqués à l’étranger : les critères retenus.
Entre les manquements à la neutralité de l’Etat dans cette élection, l’impossibilité d’établir des procurations en raison des suppressions des tournées consulaires, l’impreparation d’un Ministère qui n’a pas été en mesure de nous confirmer la vaccination des agents consulaires et des assesseurs, et maintenant des annulations de scrutin à 3 semaines… Tout cela est mal géré par Jean-Baptiste Lemoyne (Secrétaire d’Etat aux Français établis hors de France et du tourisme). Nous exigeons la plus grande transparence sur les pays concernés, les critères retenus, et des explications sur l’impreparation d’un scrutin dont les conditions particulières étaient connues.
Cecilia Gondard, Présidente de la fédération des Français de l’étranger du parti socialiste
Pourtant, selon Anne Genetet, députée des Français d’Asie et d’Europe orientale (LREM), en charge des élections consulaires pour le parti présidentiel, les critères sont bien connus et transparents. Les élections pourraient être reportées, uniquement, s’il est impossible d’ouvrir au moins un bureau de vote dans la circonscription concernée. Cette éventualité ne se présenterait que dans deux situations :
- La mise en place d’un confinement strict dans le pays d’accueil (impossibilité pour les électeurs comme pour les fonctionnaires de rejoindre le bureau de vote)
- La mise en place de mesures de limitation des déplacements restreignant ces derniers aux motifs impérieux pendant les heures d’ouvertures des bureaux de vote
Au final, toujours selon Anne Genetet, c’est une vingtaine de circonscriptions consulaires sur 130 qui devraient voir leurs élections décalées au mois de septembre 2021. On pense bien sûr à l’Inde, mais peut être aussi à la Tunisie voir le Canada anglophone (qui décidera le 20 mai de continuer ou non son confinement ferme).
La liste définitive des circonscriptions qui verront leurs élections déplacées à la fin de l’été sera communiquée par la DFAE le 21 mai au matin. Soit quelques heures avant le début du vote électronique qui est prévu le 21 mai à 12h (CET).
« La DFAE fait preuve d’agilité et de souplesse«
Anne Genetet, Députée des Français d’Asie et d’Europe orientale (LREM)
Si le gouvernement et sa majorité applaudissent la réactivé de l’administration, pour d’autres cette annonce est trop tardive.
« Si ce texte était annoncé dés le 10 mars dernier, on peut s’interroger sur son caractère désormais tardif. Nous sommes à 3 semaines du vote à l’urne, à 11 jours du vote internet.«
Mehdi Benlahcen, Président du groupe Solidarité et Ecologie – ADFE à l’Assemblée des Français de l’étranger
Une décision non concertée
Dans le milieu des Français de l’étranger, l’annonce dans le bulletin officiel du projet gouvernemental, ce lundi 10 mai au matin, a surpris plus d’un acteur que ce soit parmi les candidats ou les parlementaires.
« Plutôt que de prendre tout le monde par surprise, le gouvernement aurait pu prévenir les parlementaires des Français de l’étranger en amont. Nous suivrons avec attention le débat en séance à l’Assemblée nationale, avant l’examen du texte au Sénat le 17 mai.«
Ronan Le Gleut – Sénateur pour les Français établis hors de France, inscrit au groupe « Les Républicains »
Si la décision peut sembler immanent politique, elle a aussi peut être des raisons « techniques ». En effet comme indiqué dans l’extrait ci-dessous, l’administration ne cache pas qu’elle craignait que les fonctionnaires dans ces pays fassent jouer leur droit de retrait.
Pour éviter cette possible dégradation, les syndicats appelaient à une vaccination d’urgence des agents consulaires, qui leur a été refusée comme le rappelle Florence Poznanski, responsable des Français établis hors de France pour La France Insoumise.
« La perspective d’un large droit de retrait des agents pose question. Cela signifie que le gouvernement n’a pas été en mesure d’apporter les conditions de protection suffisantes et cela vient en conséquence d’un an de conditions excécrable de travail pour les agents«
Florence Poznanski, responsable des Français établis hors de France pour La France Insoumise
Quelles conséquences ?
La première et la plus évidente, c’est que tous les expatriés ne seront pas appelés à voter du 21 au 26 mai par voie électronique ou le 30 mai à l’urne.
Il y aura donc de nouveaux Conseils consulaires et d’anciens Conseils consulaires, chacun avec des prérogatives différentes durant tout l’été. En effet, la réforme du statut des élus locaux des expatriés s’appliquera de plein droit pour les conseils « rafraichis » tandis que pour les circonscriptions n’ayant pas renouvelé leurs élus, le conseil fonctionnera selon les anciennes règles. Il y aura donc une différence de traitement pour les décisions qui devront être prises au cours de l’été.
Les conseillers AFE renouvelés qu’en octobre 2021 ?
L’autre conséquence c’est le report des élections des conseillers envoyés à l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE). Cette élection est indirecte, comme pour le sénat, ce sont les 500 élus des Conseils consulaires et les délégués des Français établis hors de France qui votent pour des représentants envoyés à cette assemblée forte de 90 membres.
Le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger élus en 2014 expire dans le mois suivant la dernière élection partielle des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires, dans le cas où la situation locale n’aurait pas permis l’élection renouvelant leur mandat en application de l’article 1er de la présente ordonnance dans la totalité des circonscriptions
Amendement 146 de l’article 11 de la loi relative à la gestion de la sortie de la crise sanitaire
A la lecture de cet alinéa, on comprend donc que l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) ne sera pas renouvelée avant octobre. Date à laquelle normalement, elle se réunit en session plénière à Paris. En effet, toutes les élections doivent s’être déroulées pour que s’ouvrent les élections pour l’AFE.
Et le Sénat ?
L’autre élection qui découle du renouvellement des élus locaux des expatriés, ce sont les sénatoriales. Déjà reportées une fois, du fait de l’annulation des consulaires de 2020, elles doivent se tenir cet automne. Si 20 circonscriptions sont décalées en septembre, c’est entre 20 et 65 grands électeurs qui rejoindront le corps électoral au dernier moment. Pour la majorité, à travers Anne Genetet, ce petit nombre de conseillers et délégués n’est pas suffisant pour modifier le scrutin.
Tous ne sont pas d’accord avec cette analyse, les recours se préparent déjà.. que ce soit pour le Sénat ou pour ces élections consulaires. Une élection de plus en plus complexe, alors que la situation est connue depuis plus d’un an.
Laisser un commentaire