A 10 semaines des élections consulaires, la rédaction du site Lesfrancais.press lance une série de rencontres avec les élus représentant les Français de l’Etranger. Députés, Sénateurs, mais aussi ceux que vous, électeurs inscrits sur la liste électorale consulaire, allez renouveler le 17 Mai : les conseillers des Français de l’étranger ,dans chacune des circonscriptions consulaires. En charge localement d’animer et de gérer la vie commune des expatriés français, ils vont aussi élire parmi eux les Conseillers de l’Assemblée des Français de l’Etranger (AFE). Informant et conseillant le gouvernement, ils sont vos relais à Paris. Après le format avec le président du Groupe d’Union de la Gauche à l’AFE, Mehdi Benlahcen, suivi d’Alexandre Château Ducos, Conseiller élu à l’AFE et Co-secrétaire EELV (Europe Ecologie Les Verts) de la région Hors de France, nous recevons, aujourd’hui, Meyer Habib – Député des Français de l’Etranger ( VIII Circonscription : Chypre, Grèce, Israël, Italie, Malte, Turquie, Saint-Marin, Saint-Siège et Territoires palestiniens). Dans les prochains jours, pour vous informer au mieux avant vos élections, nous recevons d’autres acteurs de la vie politique des Français de l’Etranger, comme Florence Poznanski pour LFI, La sénatrice LR Joelle Garriaud-Maylam, etc..
La communauté des Français de l’Etranger une « force » qui évolue
Lesfrancais.press : Après une phase d’accroissement inédite de la communauté des Français de l’étranger au cours des années 2010, le phénomène s’est tassé depuis l’élection d’Emmanuel Macron. Dans certains pays, un reflux s’est même amorcé. Comment expliquez-vous cette évolution et quelles perspectives anticipez-vous pour notre communauté ?
Meyer Habib :
La tendance générale reste à l’accroissement de la population des Français de l’étranger. Cependant, la situation varie d’un pays à l’autre. Dans ma circonscription, la majorité des Français ne sont pas des expatriés mais des binationaux (Franco-italiens, Franco-grecs, Franco-israéliens …), qui résident en principe indéfiniment dans leur pays. Ceux-là n’ont guère vocation à retourner en France, sauf cas exceptionnels.
Des milliers de Français ont été rayés des LEC ces dernières années sans même le savoir.
Après, il est très important que nos autorités consulaires mènent régulièrement des campagnes efficaces d’inscription sur les listes. Des milliers de Français ont été rayés des LEC ces dernières années sans même le savoir. C’est particulièrement flagrant en Israël où 28% des inscrits ont été supprimés du jour au lendemain fin 2018. J’invite tous les Français à s’inscrire ou réinscrire, c’est essentiel pour être bien représentés et entendus.
Lesfrancais.press : Cependant les Français de l’étranger sont particulièrement dynamiques et trouvent souvent la réussite à l’étranger. Comment expliquez-vous cette situation souvent à l’opposé du stéréotype véhiculé par nos compatriotes ? Le bagage scolaire et universitaire, l’approche culturelle…
Meyer Habib :
Il y a bien sûr la qualité de la formation. L’enseignement français, nos universités et grandes écoles restent parmi les meilleures du monde. Par ailleurs, l’expatriation est une prise de risque, qui attire des profils particulièrement entreprenants, parfois découragés, hélas, par les entraves persistantes à la liberté d’entreprendre dans notre pays, qu’il s’agisse de la fiscalité, de la rigidité du droit du travail ou le poids de la bureaucratie. Enfin, les Français de l’étranger peuvent s’appuyer sur un réseau de conseillers consulaires généralement compétents et d’excellentes écoles françaises pour les enfants, ce qui est un atout considérable au quotidien.
Lesfrancais.press : Le risque d’une « diaspora » qui réussit, n’est-ce pas l’effilement du lien avec la France ? Mais pour nous, Français de l’étranger, qui avons parfois un moindre attachement communautaire, comment entretenir une « envie de France » ?
Meyer Habib :
Ne l’oublions jamais : les Français de l’étranger sont une richesse immense pour notre pays ! Les facteurs qui permettent de développer les liens de nos compatriotes établis hors de France à la métropole sont nombreux. Je tiens à souligner le rôle crucial du tissu associatif. Les associations sont à la fois un vecteur d’intégration – par exemple le réseau « accueil » à travers le monde – mais aussi et surtout de maintien du lien avec la communauté et la culture françaises.
les Français de l’étranger sont une richesse immense pour notre pays !
A cet égard, je regrette vivement qu’une des premières mesures du quinquennat Macron fut de supprimer la réserve parlementaire. A l’été 2017, j’étais le seul député des Français de l’étranger à défendre cette enveloppe budgétaire destinée à soutenir la vie associative locale. Pour nous, Français de l’étranger, en l’absence de maire, de département, de région, ces subventions remplissaient une fonction essentielle.
La mise en place du dispositif STAFE (soutien au tissu associatif des Français de l’étranger) n’a pas du tout compensé la suppression de la réserve. Non seulement, les crédits ont été réduits du tiers, mais surtout la procédure d’allocation exclut de fait l’immense majorité des petites associations qui font vivre la France hors de ses frontières.
Fiscalité, Education, Retraite, des défis toujours à relever
Lesfrancais.press : A mi-mandat, que retenir de l’action de la majorité présidentielle ? Au cœur des préoccupations des Français transfrontaliers, on retrouve la réforme de la fiscalité ! Les transfrontaliers seront particulièrement impactés par la réforme avec des impositions qui vont exploser. Quelle solution pourrait-on imaginer pour limiter les effets négatifs de cette réforme sur les Français de l’étranger ?
Meyer Habib :
Adoptée en catimini par la majorité LREM-Modem sur amendement gouvernemental au projet de loi de finances 2019, la refonte des modalités de calcul de l’impôt sur les revenus des non-résidents est une injustice fiscale contre les Français de l’étranger. Une nouvelle injustice qui se surajoute à toute une série de mesures défavorables adoptées ces dernières années souvent avec la complicité tacite des députés des Français de l’étranger issus de la majorité ! Je pense notamment aux prélèvements CSG-CRDS sur les revenus immobiliers, supprimés sous la pression de la Cour de justice de l’Union européenne pour les résidents UE mais maintenus pour les autres…
je reste mobilisé pour une véritable réforme de la fiscalité des non-résidents
En l’état, le nouveau barème forfaitaire – qui devait entrer en vigueur dès janvier 2020 – aurait entraîné une explosion de la fiscalité des non-résidents déclarant leurs revenus en France, frappant d’abord les plus modestes. De toute évidence, les conséquences concrètes du nouveau dispositif n’avaient pas été anticipées par le gouvernement.
Dès le 19 septembre 2019, en amont du débat budgétaire, j’ai écrit au Ministre de l’Action et des comptes publics pour lui demander de retirer cette mauvaise réforme. En décembre, j’étais le seul député des Français de l’étranger à plaider à nouveau pour son retrait en dernière lecture du projet de loi de finances.
En définitive, la majorité LREM-Modem a abouti à un compromis incertain et en demi-teinte :
- Moratoire jusqu’au 1er janvier 2023 concernant la suppression du caractère libératoire de la retenue à la source spécifique applicable aux salaires et pensions de source française versés aux non-résidents ;
- Réalisation d’une étude d’impact à la fin du premier semestre 2020 afin de s’assurer que les contribuables concernés ne soient pas pénalisés par l’évolution des règles et pour corriger les éventuels effets pervers du nouveau système pour l’exercice fiscal 2021. Je suivrai étroitement les résultats de cette étude d’impact et vous tiendrai informés.
Pour ma part, je reste mobilisé pour une véritable réforme de la fiscalité des non-résidents, un impôt plus juste et plus lisible pour tous. Les Français de l’étranger ne sont ni des vaches à lait ni des variables d’ajustement budgétaire. Ils sont en droit d’attendre une véritable égalité fiscale.
Lesfrancais.press : Quelle est votre anticipation de cette réforme pour les Français de l’étranger ?
Meyer Habib :
Réformer les retraites était absolument indispensable. Créé il y a plus de 50 ans, le système actuel des retraites est devenu au fil du temps à la fois injuste, illisible, inadapté et non viable sur le plan financier. Hélas, le texte que nous examinons ces jours-ci maintient un certain nombre de régimes spéciaux et n’apporte pas vraiment de garantie sur le financement. Il est très probable qu’il faille recommencer l’exercice dans quelques années… Un exercice qui n’est pas simple quand on voit la stratégie d’obstruction de la France insoumise et ses alliés communistes, qui est totalement antidémocratique.
Pour les Français de l’étranger, qui ne peuvent faire pression par la grève ou des manifestations, le projet de loi est particulièrement anxiogène. Le nouveau système qui prévoit rachat de points retraite ou affiliation volontaire pendant les périodes d’expatriation crée de la complexité et risque fort, in fine, de pénaliser nos compatriotes expatriés.
Lesfrancais.press : Autre sujet qui est important pour chaque Français : l’éducation. Au cœur du brassage républicain, l’AEFE et consorts se retrouvent aujourd’hui confrontés à une baisse des dotations. Imaginez-vous une nouvelle correction et dans le cas contraire, pensez-vous qu’il est temps de laisser une place plus importante au secteur privé ?
Meyer Habib :
L’éducation est au cœur des préoccupations de nos compatriotes résidant hors de France et nous avons la chance d’avoir un maillage de près de 500 établissements scolaires dans 137 pays. Je tiens à cet égard à saluer le travail remarquable accompli tant par l’AEFE que par les enseignants et personnels des écoles françaises à l’étranger. Les excellents résultats scolaires enregistrés attestent de la qualité de l’enseignement dispensé. Je rappelle que 97,2 % des élèves de terminale ont obtenu le baccalauréat en 2019 !
Pour les Français de l’étranger, l’accès à l’éducation ne doit pas être une question d’argent !
En octobre 2019, le gouvernement a présenté son plan stratégique pour l’éducation française à l’étranger intitulé « développer l’enseignement français à l’étranger : un nouvel élan ». La stratégie est ambitieuse, fixant des objectifs comme doubler le nombre d’élèves du réseau à l’horizon 2030, développer l’éducation numérique et mieux associer l’ensemble des acteurs, y compris les parents d’élèves qui jouent un rôle de premier plan sur le terrain.
Toutefois, les moyens budgétaires mobilisés ne sont pas à la hauteur de ces ambitions. Ainsi, la hausse de 25M€ de crédits pour l’AEFE à mettre en rapport avec les 33M annulés en 2017 et une explosion des dépenses (outils d’éducation numérique, sécurité des établissements…) risquent d’entraîner une nouvelle hausse des frais de scolarité.
Un point important : le réseau des lycées français à l’étranger doit rester ouvert à tous les Français. Pour les Français de l’étranger, l’accès à l’éducation ne doit pas être une question d’argent ! Les frais de scolarité ne doivent être un facteur d’exclusion des familles les plus modestes, voire de la classe moyenne, trop riches pour être éligibles aux bourses et pas assez pour s’acquitter de montants de plus en plus élevés.
Aussi, à chaque débat budgétaire, je défends le budget des bourses scolaires et plaide pour des critères d’attribution plus justes. J’interviens aussi régulièrement sur des dossiers individuels.
J’ai également des craintes quant au maintien de la qualité de l’enseignement. Le Ministère de l’Education nationale promet 1000 enseignants titulaires de plus à l’horizon 2030, pour 9000 actuellement. Avec l’objectif de doublement des effectifs, cela signifie une explosion des contrats locaux avec un risque de dégradation de la qualité.
Cela fait des années que je dénonce à chaque débat budgétaire la paupérisation du réseau alors que l’école est un investissement d’avenir ! Hélas, je crains qu’on aboutisse à une privatisation totale de l’enseignement français à l’étranger. Pour les Français de l’étranger, ce serait une grave rupture d’égalité devant le service public !
Lesfrancais.press : Quelle est votre position sur la refonte du mode de scrutin aux élections législatives pour les Français de l’étranger dans le projet de loi portant sur la réforme des institutions?
Meyer Habib : Cette réforme ne me semble plus du tout à l’ordre du jour.
Sur le fond, cette refonte du mode de scrutin pour les Français de l’étranger avec circonscription unique et proportionnelle était une hérésie. Cela aurait pour effet de déconnecter les élus du terrain, ce qui est leur raison d’être ! Les députés des Français de l’étranger perdraient l’essentiel de leur légitimité et deviendraient des godillots, totalement soumis à la discipline de parti.
Cette refonte du mode de scrutin pour les Français de l’étranger avec circonscription unique et proportionnelle était une hérésie
Par exemple, ces derniers jours, je reçois des dizaines de messages de Français d’Italie au sujet de l’épidémie de Coronavirus. Pensez-vous que je pourrais être aussi présent avec une circonscription unique à l’échelle mondiale ?
Evidemment que non. Ce projet de réforme est une aberration intellectuelle et politique.
Depuis mon élection, j’ai toujours été un député libre, attaché avant tout à défendre les Français de l’étranger et ma circonscription. J’ai été « constructif », c’est-à-dire pragmatique, avant l’heure. Député d’opposition, quand un projet est bon pour la France, je le vote ! Déjà sous l’ancienne législature, j’ai notamment voté la loi « Macron » car ce texte était bon pour la croissance économique et la dynamique des entreprises.
L’Alliance du Centre et de la Droite confirmée à l’étranger
Lesfrancais.press : Vous avez réussi l’exploit de conserver votre circonscription lors des législatives de 2017 ? Votre engagement, votre proximité, votre indépendance sont pour certains la clé de votre succès. Cependant, votre parti ou même Agir, n’ont pas su suivre votre impulsion. Comment expliquez-vous que des mouvements comme le vôtre n’arrivent pas à convaincre à l’étranger ?
Meyer Habib :
Je suis UDI, pas Agir. Agir fait partie de la majorité. Je suis député d’opposition, une opposition constructive, proche des LR. 10 des 11 députés des Français de l’étranger ont été battus dans le sillage du tsunami Macron au lendemain de la présidentielle. Réélu avec près de 60% des voix, je remercie les électeurs pour leur confiance, que j’interprète comme une reconnaissance du travail accompli.
A mon sens, être député, c’est d’abord rester soi-même, aimer les gens qu’on représente, aller à leur rencontre, les écouter, porter leur voix dans l’hémicycle et défendre leurs droits sans dogmatisme. J’ai beaucoup regretté que certains collègues députés – en particulier députés des Français de l’étranger – de grande qualité aient fait les frais de ce « dégagisme ». La qualité des travaux parlementaires en a souffert.
Lesfrancais.press : Allez-vous personnellement soutenir des listes lors des élections consulaires ? Sénatoriales ?
Meyer Habib :
De façon générale, je suis fidèle à ma famille politique et soutiens, sans m’impliquer personnellement dans la campagne faute de temps, les listes de la droite républicaine et du centre droit. Député d’opposition, je ne soutiendrai pas, dans ma circonscription, les listes affiliées à LREM, ni de gauche évidemment.
Dans la circonscription consulaire de Milan, j’apporte mon soutien total à la liste de mon suppléant et ami Alexandre Bézardin, qui est un remarquable conseiller consulaire, compétent, expérimenté, dévoué et disponible. Très sollicité en Israël, j’ai décidé de ne pas soutenir de liste en particulier. L’important est que les conseillers consulaires fassent du vrai travail pour les administrés, pas seulement en période électorale, ou dans les quelques mois suivants l’élection, mais pendant les six ans de mandat !.
Tout en respectant les autres listes, je voterai aux sénatoriales sans hésitation pour la liste LR conduite par le sénateur sortant Christophe-André Frassa avec Jacky Deromedi.
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