Changement de cap économique au Royaume-Uni et en Italie

Changement de cap économique au Royaume-Uni et en Italie

Deux ans et demi après la survenue de l’épidémie de Covid et six mois après le début des hostilités en Ukraine, deux nouvelles Premières Ministres ont décidé de modifier en profondeur la politique économique au Royaume-Uni et en Italie, optant notamment pour des programmes de réduction des impôts. 

Au Royaume-Uni, Liz Truss propose des baisses d’impôts importantes. Elle a ainsi décidé de supprimer la majoration de l’impôt sur les bénéfices des entreprises et la hausse des cotisations sociales ainsi que celle de la taxe verte sur l’énergie. Elle a également annoncé des réductions d’impôts pour les familles. Le taux de l’impôt sur les sociétés qui était remonté à 25 % reviendra à 19 %. Toutes les mesures devraient porter sur 2,3 % du PIB du Royaume-Uni. 

Des baisses d’impôts pour stimuler l’offre

En Italie, Giorgia Meloni, et la coalition de droite et d’extrême droite, propose d’instituer une imposition forfaitaire sur les revenus à 15 %. Actuellement, le taux marginal de l’impôt sur le revenu est de 42 % et le taux de l’impôt sur les sociétés est proche de 28 %. 

L’esprit de ces mesures est proche de celui qui avait cours au temps de Reagan et de Margaret Thatcher. Elles s’inscrivent également dans un courant de nature populiste qui traverse l’Europe, de la Suède à l’Italie en passant par le Royaume-Uni, même si dans ce dernier pays il n’y a pas, en tant que tel, de parti d’extrême droite, au pouvoir. Le retour à une vision qualifiée par certains de néolibérale est censé stimuler l’offre et permettre d’autofinancer les baisses d’impôts. 

Ces deux pays sont confrontés à un affaissement de leur croissance potentielle. En Italie, son attrition est provoquée par le déclin démographique et par l’absence de gains de productivité. En 2022, le PIB italien a à peine retrouvé son niveau de 2010. 

Après avoir connu une des plus fortes contractions de PIB au sein de l’OCDE, le Royaume-Uni éprouve de réelles difficultés à revenir au niveau de 2019, handicapée par le Brexit et l’absence de main-d’œuvre. Si la stimulation de l’offre peut apparaître légitime pour accroître la croissance potentielle, elle risque de buter sur la problématique de l’emploi.

Le poids de la dette, la menace des taux d’intérêt

Les deux pays sont confrontés à des déficits budgétaires importants : près de 6 % du PIB en Italie, près de 9 % au Royaume-Uni. Les dettes publiques s’élèvent respectivement à plus de 150 % et 96 % du PIB. Au mois de juillet, l’organisme public de prévision budgétaire britannique (OBR) demandait au gouvernement non pas de baisser mais d’augmenter les impôts. Au rythme actuel, selon cet organisme, la dette publique du Royaume-Uni atteindra 267 % du PIB dans 50 ans. 

Depuis des années, la dette publique italienne est un sujet de tension entre les gouvernements de la Péninsule et les autorités européennes qui demandent des réformes de structure et des économies. 

Les taux d’intérêt de ces deux pays progressent assez vivement. Pour les obligations d’État à dix ans, ils atteignent 4,1 % pour le Royaume-Uni et 4,5 % pour l’Italie, soit un écart de 2 et 2,5 points avec l’Allemagne. La baisse de la pression fiscale ne fera qu’aggraver les déficits et aboutira à une nouvelle hausse des taux d’intérêt. La question de la soutenabilité de la dette se posera avec d’autant plus d’acuité que les besoins en dépenses publiques sont en forte augmentation : éducation, dépenses militaires (objectif de 2 % du PIB pour Italie, contre 1,5 % en 2022), soutien du pouvoir d’achat entamé par la hausse du prix de l’énergie), participation des États aux investissements de transition énergétique. 

Le risque de l’inflation

La trajectoire des finances publiques italiennes pourrait amener les autorités européennes à remettre en cause le versement des aides et prêts prévus dans le cadre du plan Next Generation. Elle peut également provoquer des tensions sur la mise en œuvre du programme de stabilisation des spreads de taux d’intérêt (TPI, Transmission Protection Instrument). 

Pour le Royaume-Uni, la sanction prend la forme d’une dépréciation de la livre sterling passée de 1,7 dollar à 1,1 dollar de 2015 à 2022, et de la poursuite de la hausse des taux d’intérêt. Le contexte économique et géopolitique est peu favorable à une politique de stimulation fiscale. Les deux pays sont, en effet, confrontés à une inflation provoquée par l’augmentation des coûts et aussi par des pénuries. 

En baissant l’impôt sur le revenu, la demande sera favorisée, ce qui pourrait accentuer les tensions inflationnistes. La baisse de l’impôt sur les sociétés pourrait avantager l’offre mais ses effets sont incertains et longs à se dessiner. La politique fiscale en Italie et au Royaume-Uni pourrait donc alimenter l’inflation et non la combattre.

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