Avec la présentation des projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale pour 2022, la campagne présidentielle commence. Ces deux textes n’ont pas vocation à être appliqués dans leur intégralité. Ils sont tout à la fois des bilans et des documents électoraux. Ils concluent un mandat qui aura été marqué par une succession de crises : gilets jaunes, grèves contre la réforme des retraites et, évidemment, l’épidémie de Covid-19.
Si depuis le début de la Vème République, aucun mandat présidentiel n’échappe aux colères du temps, ce quinquennat aura battu tous les records en la matière. Une montée aux extrêmes des crises frappe le pays depuis 2005, année marquée par les violences dans les banlieues et le rejet du référendum européen.
Insatisfaction croissante
Cette succession rapide de crises n’est pas sans lien avec la dépression larvée de l’opinion. Elle nourrit l’insatisfaction croissante des Français vis-à-vis de leurs conditions de vie. D’après un sondage OpinionWay-Square pour Les Échos et Radio classique, 56% d’entre eux estiment que leur pouvoir d’achat est en baisse depuis 2017, même si les statistiques officielles soulignent le contraire.
Malgré une contraction du PIB de 8% en 2020, le niveau de vie des ménages a même, selon l’INSEE, continué à progresser. Le même constat vaut pour les inégalités, le sentiment de leur progression n’étant pas corroboré par les chiffres. La France est le pays de l’OCDE où l’écart, après prestations sociales et impôts, entre les 10% les plus riches et les 10% les plus modestes est le plus faible, mais une majorité pense l’inverse.
Les allocations et les dispositifs d’assistance n’ont jamais fait le bonheur des peuples. Ils soulagent les familles en difficulté mais ils ne sauraient être une fin en soi. La cristallisation de la pauvreté, l’incapacité à en sortir, constituent une source réelle et légitime d’anxiété.
A tort ou à raison, une part importante des Français, essentiellement ceux appartenant aux classes moyennes, craint d’être confrontée au déclassement à plus ou moins court terme.
Les crises passées, l’épidémie de Covid-19 qui n’en finit pas, et la menace environnementale, obscurcissent l’horizon des citoyens. Le mal-être de la population est également imputable aux difficultés qu’elle rencontre pour se loger décemment à un coût raisonnable. La sous-estimation du problème du logement et les problèmes qui y sont liés comme le coût des transports ou l’insécurité, minent le moral de nombreux Français.
Tout est menace, tout est sujet d’anxiété
En 1945, après la Seconde Guerre mondiale, le pays était certes tout à la fois partiellement détruit, appauvri, soumis à des rationnements, mais une volonté forte émergeait pour changer la situation afin de construire un monde meilleur. Aujourd’hui, les larmes et le sang semblent s’imposer sans fin car tout est menace, tout est sujet d’anxiété.
Dans un tel contexte, la tentation du repli, du rejet de tout changement, ne peut que se diffuser au sein de l’opinion. La défiance à l’encontre des pouvoirs publics se nourrit de ces apparentes contradictions et incompréhensions. Comment expliquer aux Français qu’il est nécessaire d’équilibrer les régimes de retraite en déficit d’une dizaine de milliards d’euros quand, au cœur de l’épidémie de Covid-19, des centaines de milliards d’euros semblent tomber du ciel ? En quoi une dette qui enfle depuis 1980 est-elle un problème ? Les notions de crédibilité et de compétitivité ont pour un grand nombre de citoyens perdu de leur valeur ou toute signification. Il n’est pas aisé de leur faire comprendre que l’argent reste une ressource rare. La parole publique peine à porter, à être crédible, alors que depuis une trentaine d’années les canaux d’information et de désinformation se sont multipliés.
La Présidentielle contribue à dessiner la trajectoire des possibles pour un pays
La campagne présidentielle n’a pas vocation à résoudre tous les problèmes, le Président de la République n’étant pas, par nature, un messie pouvant à lui seul transformer le plomb en or. Néanmoins, la Présidentielle contribue à dessiner la trajectoire des possibles pour un pays, à fixer un cadre d’action pour les pouvoirs publics. Elle est un moment d’affirmation des visions et de débats, du moins il convient de l’espérer, afin que la France et surtout les Français reprennent confiance en leur destin et puissent abandonner ce sentiment de défaitisme qui est le plus grand danger auquel nous sommes confrontés.
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