Bloc notes de Francois Léotard : Les grands hommes sont de petits mecs…

Bloc notes de Francois Léotard : Les grands hommes sont de petits mecs…

Les grands hommes sont de petits mecs… Trump, Bolsonaro, Johnson, tous les sauveurs du peuple, dirigeants polonais, Hamad le Syrien, tueur de père en fils, son voisin Erdogan, et aussi Maduro et tant d’autres, tous mâles, sont de petits mecs.

Remarquez, ils sont généralement soutenus par leurs propres peuples… Ils en parlent avec emphase, un luxe de superlatifs, des compliments et surtout des mensonges. Quand on ne sait pas trop quoi dire, mentir devient une seconde nature. Rester au pouvoir, insulter, travestir… c’est une « vie de garçon »… On s’y amuse, on s’y plait. Parfois on torture un peu… ou beaucoup. On est entre copains sur la grande scène du monde. Le populisme se porte bien, c’est bon à savoir… Le pouvoir aussi. Il faut reconnaître que c’est une affaire de mâles. Ils s’éclatent dans leurs jeux de soldats de plomb. Dans la petite Europe Ursula et Angela sont des exceptions. Nous les aimons comme tout ce qui est rare, d’un prix cher payé. Elles sont bousculées. Vont-elles bien ? On retient son souffle… Antigone n’est pas loin… Et l’internationale de tous les Créon s’amuse… La Force est avec eux…

Nous croyons le savoir : « Un homme sur deux est une femme »… Mais là aussi il y a des « gestes barrière » : non, non, elles sont capricieuses, futiles, fragiles, etc. Il faudra bien qu’un jour la mémoire du monde se réveille…

Confinement – Déconfinement : une petite épreuve

Évoquons un instant la période de déconfinement. Celle-ci, bien modeste dans notre longue histoire, n’avait rien de bien extraordinaire par rapport à toutes les épreuves que notre pays a pu traverser : les guerres, les pestes, les révolutions, la faim, la peur, l’occupation, etc. Mais nous avons le sens du tragique… Il était sans doute nécessaire de dramatiser puisque le drame fait partie de la psychologie nationale. Il touche en même temps le corps, l’esprit, l’avenir et l’espoir. Il se fit donc « dans le ciel un silence d’environ une demi-heure » nous dit l’Apocalypse selon Saint-Jean. Ce silence a duré deux mois soulignant les différences sociales, régionales, intellectuelles et morales. Par rapport à ces différences il fallait « faire nation » selon le Président de la République. Apparemment ce n’était pas le cas. Ce n’était ni naturel, ni spontané, ni volontaire, ni collectif… On a « fait avec » et il semblerait que nous nous retrouvions aujourd’hui sur nos deux pieds : la République et l’argent. Or les deux sont malades.

Ne pas oublier – Ne pas craindre

La République a oublié ce qu’elle gagnerait à être : plurielle, décentralisée, complexe, modeste, proche et attentive. D’un seul coup on a découvert en même temps : les infirmières, les régions, les arbres, le langage et le rêve… Tout ce qui fait du bien à l’avenir. La France est un pays de terroirs, de terrains, d’enclos, de libertés cachées, de résistance. Elle n’était plus un concept mais un espoir. Pour ce qui concerne l’argent nous avons toujours du mal à en parler, sauf sous des noms d’emprunt : l’économie, l’entreprise, la dette, le salaire, etc. Sous ces mots le veau d’or de la Bible était toujours présent : nous l’adorions comme le début et la fin de toutes choses. Même le mot frugalité nous semblait suspect, emprunté comme un costume trop étroit.

La crise que nous venons de quitter, à pas lents et bien provisoirement, nous semble aujourd’hui un moment étrange. A travers elle nous avons deviné qu’il existerait peut-être un autre monde, bien différent de celui d’aujourd’hui, mais mal dessiné, un peu brumeux, sans doute lointain… Nous ne devrions pas avoir peur de cette ombre que nous avons du mal à nommer et que nous aimerions mieux connaître. Les mots se suivent et se méconnaissent : avenir, espoir, rêve, désir ? Laissons-les cheminer en nous. Ils sont peut-être, chacun, des mots fraternels. Nous avions oublié qu’ils étaient si proches de nous.

François Léotard 

Homme politique français, député du Var et maire de Fréjus pendant près de vingt ans, il fut ministre de la Culture et de la Communication de 1986 à 1988 et ministre d’État, ministre de la Défense de 1993 à 1995. Depuis, il est l’auteur chez Grasset de plusieurs romans, dont La couleur des femmes (2002), La Vie mélancolique des méduses (2005), Le Silence (2007), et de récits qui furent des succès de librairie, entre autres : A mon frère qui n’est pas mort (2002) et Ça va mal finir (2008).

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire