Atouts français

Atouts français

Dans le monde actuel, les petits Etats s’en sortent bien : Singapour, Corée, Islande, Suisse, Luxembourg, Norvège, Danemark, Costa Rica, Uruguay : ce ne sont pas chez les géants que l’on vit le mieux. Certes, les petits sont souvent des pays pirates, parasites utiles ou poissons pilotes,  toujours respectueux des requins du lagon : la Suisse, modèle en tout, a mis fin au secret bancaire sur injonction des Etats-Unis et s’oblige à leur acheter des avions inadaptés, façon originale de démontrer sa neutralité. 

Les petits savent à quel point ils sont dépendants des grands, mais essaient – s’ils le peuvent – de s’en affranchir un peu. Ce qui avantage les puissances dites « moyennes ». Ainsi les Emirats Arabes Unis ont-ils préféré le Rafale français aux avions américains, justement à cause des pressions américaines.

L’atout des puissances moyennes 

Bien sûr ce succès s’appuie sur une excellence française qui dépasse le domaine militaire : le Rafale est un avion connecté, qui communique avec le satellite militaire Syracuse, et désormais avec les trois satellites Scorpion, système de communication optimal dont seulement six pays au monde sont dotés. Au-delà du Rafale, la filière aéronautique française (Safran, Airbus), premier poste d’excédent du commerce extérieur français, a renforcé ses positions. Mais le Proche et Moyen-Orient ne représentent que 6% de ses ventes. 

La France n’est pas que le pays des ventes d’armes et du spatial. Les ventes de champagne battent des records. LVMH et L’Oréal sont premiers dans leur catégorie. La chimie et les exportations de parfum sont le deuxième poste d’excellence. L’agroalimentaire le troisième. L’industrie française se porte bien, à l’étranger : Engie va lancer un pôle d’hydrogène vert aux Emirats, Air Liquide en Arabie saoudite, Veolia  y investit à la fois dans l’eau de mer dessalée et le traitement des déchets toxiques issus du pétrole. Même la Ratp a conclu un mémorandum avec les Saoudiens pour concevoir la mobilité du site d’Al Ulla. Les succès français sont réels. 

Une puissance commerciale affaiblie mais réelle

Mais c’est en Europe que se joue l’essentiel. L’Union Européenne représente plus de la moitié de nos exportations. Six sur dix de nos principaux partenaires sont des pays de l’UE, l’Allemagne en tête. S’y ajoutent le Royaume-Uni et la Suisse, l’Europe hors UE. Etats-Unis et Chine sont les seuls en dehors du continent. Soit, la France a perdu des parts de marché, surtout en Europe. Mais sa chute est comparable à celles du Royaume-Uni, de l’Italie, du Japon. L’exception reste l’Allemagne. 

La part de marché mondiale de la France pour les biens et services reste stable à 3,5 %. Elle est encore le 6ème exportateur mondial. Elle est le pays européen qui a le plus de filiales à l’étranger : 46.488 filiales qui emploient 6.5 millions  de salariés dans le monde. Elle est aussi le 8ème investisseur mondial, essentiellement au Etats-Unis, aux Pays bas, en Belgique et au Royaume-Uni. En retour 16.800 entreprises étaient sous contrôle étranger en France, avec 2,2 millions de personnes, 13 % des effectifs salariés du privé. 

En Afrique, la part de marché de la France est tombée de 15 à 6%. L’Afrique subsaharienne ne représente que 2% de nos échanges. Le Moyen-Orient 2.6%. La Russie, 1.2%, pas plus que la Corée du sud, résultat de l’accord de libre échange signé avec elle. Par comparaison, la Suisse, représente 3.5%, le Royaume-Uni 6.2%. A l’évidence, les préoccupations du commerce ne reflètent pas celles de notre politique étrangère. Peut-être faudrait-il se soucier autant de trouver un accord avec les Britanniques qu’avec les Iraniens ?

Le poids de la démographie mondiale

En 2100, cinq des 10 pays les plus peuplés seront africains. Le Nigeria se projette à 790 millions d’habitants, le Congo à 286. La population chinoise, elle, baisserait  de moitié, 730 millions contre 1.4 milliards aujourd’hui.  Aucun pays européen ne fera partie du top 10, pas même la Russie, alors qu’il y en avait quatre dans les années 50. Autant dire que l’on n’a pas fini de parler de déclin, sauf, paradoxe pour les  anti-déclinistes- à envisager une immigration de masse, qui porterait le rebond de la population française et européenne. Bien sûr ce ne sont que des projections; mais les tendances sont là. 

La France est donc assurée de perdre encore des places. Elle a aussi de grandes chances de conserver une place exceptionnelle, disproportionnée par rapport à sa taille. Le déclin chinois est annoncé par sa démographie, comme l’est celui de la Russie. La démographie ne dit pas tout. Seulement les tensions et fractures futures.  

Le monde nouveau est de moins en moins celui des Empires. Les pays «moyens», membres d’alliances fortes pour garantir leur sécurité, comme ce peut être le cas des pays européens, sont les mieux à même de tirer partie des bouleversements du monde. A condition, bien sûr, de conserver leur indépendance, de rester à la pointe des découvertes technologiques, et de garder une influence sur les affaires du monde. Tout cela est à portée de la France.

La bataille de l’influence

Le ministre des Affaires étrangères, en réunissant la semaine dernière les 150 conseillers culturels et de coopération du ministère l’a parfaitement expliqué : « derrière la bataille de l’influence, il y a une bataille des modèles politiques et humains ». La France « doit défendre son modèle de façon plus assumée, plus offensive ». L’influence serait donc un nouveau champ de bataille, « au même titre que le cyber, les océans ou l’espace ».

Ce qui suppose de renforcer l’enseignement du français. Jean-Yves Le Drian de rappeler, tout en repoussant l’échéance, l’objectif  de « doubler les effectifs des élèves scolarisés des écoles françaises dans le monde ». La France dispose du premier réseau éducatif au monde, avec 545 établissements à l’étranger et 380.000 élèves, dont les deux-tiers d’étrangers.

La langue, le livre, la création artistique, le cinéma, sont autant de facteurs d’une diplomatie d’influence qui anime un art de vivre et une façon de voir le monde, d’anticiper ses métamorphoses. Autant d’éléments constitutifs d’un french style, d’une French touch, qui sont les signes du Made in France. Si demain, par sa taille, le France devient un « petit » Etat par rapport aux géants, elle peut conserver son indépendance par son économie, fondement de la puissance, ses alliances, et son influence culturelle, tant ce sont, quoiqu’on dise, les idées, et surtout les idées neuves, qui gouvernent le mode, plus que le nombre. Jamais, dans l’histoire, le nombre ne l’a emporté sur l’innovation. Encore faut-il se placer dans le courant novateur.

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