Assemblée des Français de l'étranger : une session concrète ou de simples chimères ?

Assemblée des Français de l'étranger : une session concrète ou de simples chimères ?

La 38ème session de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) s’achève après un « marathon » comme l’a indiqué la présidente, Hélène Degryse. En effet, nombreux ont été les sujets abordés au cours de cette semaine. 

Session de clôture à l’AFE ce 31 mars 2023 ©LFP

Les restitutions des commissions thématiques montrent l’étendu des points qui concernent les Français de l’étranger. C’est dorénavant devant le Ministre délégué chargé du Commerce extérieur, de l’Attractivité et des Français de l’étranger, Oliver Becht, que les conclusions des travaux de l’AFE sont dorénavant présentées. Au-delà du prestige d’un tel exercice, c’est surtout un signe particulier à une question qui revient sur beaucoup de lèvres : « Quel impact les travaux de l’AFE ont-ils concrètement ? »

Rosiane Houngbo-Monteverde

Parmi les principaux thèmes abordés, Rosiane Houngbo-Monteverde (Bahreïn), présidente de la Commission des Lois, des règlements et des affaires consulaires a appelé à la vigilance concernant l’évolution des difficultés d’accès aux services publics consulaires. Pour faire face à cette situation, elle suggère la mise en place d’une co-création entre les élus et l’administration pour renforcer les dispositif actuels et les améliorer en s’appuyant sur les expériences de terrain. 

Jean-Hervé Fraslin
Jean-Hervé Fraslin

Le partage de cette connaissance des réalités locales fait aussi écho aux travaux de la Commission de l’Enseignement, des affaires culturelles, de la francophonie et de l’audiovisuel extérieur présidée par Jean-Hervé Fraslin (Madagascar) qui demande aux différents conseils consulaires d’organiser des réunions spéciales dans leur pays pour répondre de façon concertée à la consultation lancée par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sur l’avenir de l’enseignement français à l’étranger.

Jean-Luc Ruelle

Les perspectives d’avenir ont également été au centre des discussions de la Commission du Développement durable et du commerce extérieur présidée par Jean-Luc Ruelle (Côte d’Ivoire). « Les résultats catastrophiques du commerce extérieur nous incitent à travailler pour trouver d’autres solutions », aussi les membres de cette commission ont-ils demandé le lancement d’une étude sur les freins immatériels au commerce extérieur afin d’entrevoir des nouvelles pistes à l’amélioration de la situation.

Nouvelles pistes également à privilégier du côté de la Commission de la Sécurité et des risques sanitaires, où le président Avraham Benhaim (Angola) a interpellé le Ministre Olivier Becht sur la nécessité de la lutte contre la cybersécurité, notamment sur la sécurisation des informations disponibles sur nos téléphones portables, et soumet aussi l’idée de réfléchir à une transformation du dispositif des îlotiers dont les derniers crises ont montré la possible obsolescence.

Renaud Le Berre

Obsolescence sur laquelle s’est aussi penchée la Commission des Finances, du budget et de la fiscalité, par la voix de son président Renaud Le Berre (Espagne). En effet,  la rénovation d’un certain nombre de bâtiments du réseau de l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) semble nécessaire et cette commission produit actuellement un rapport sur la situation financière de cette structure.

Florian Bohême

Enfin, la Commission des Affaires sociales et du monde combattant, de l’emploi et de la formation s’est attelée aux aides sociales dont le président Florian Bohême (Cambodge) a rappelé la nécessité d’augmenter les crédits pour faire face aux demandes croissantes des Français vivant à l’étranger. Cette même commission a également demandé la création d’un guide sur le « Vivre son handicap à l’étranger » et le souhait d’avoir des représentants des Français de l’étranger à la table de la prochaine conférence nationale sur le handicap. Pour le moment aucun élu représentant nos compatriotes à l’étranger n’est invité à participer à ces travaux. 

Un ticket gauche-droite à l’AEFE 

En revanche un nouveau siège a été créé pour les Français de l’étranger au sein de l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger). Après un long processus, c’est finalement Mélanie Montinard (Brésil), étiquetée à gauche, qui a été désignée par les membres de l’AFE pour intégrer le Conseil d’Administration de cette agence.

Elle y représentera l’ensemble des Conseillers des Français de l’étranger et aura pour suppléant Franck Ferrari (Russie), adhérent LR. Rappelons que c’est un amendement du sénateur Ronan Le Gleut (LR) qui avait permis de créer ce nouveau poste. Siège gadget ou réelle utilité ? Quel poids cette nouvelle représentante aura-t-elle dans les orientations de l’AEFE ? Vous pouvez compter sur Lesfrançais.press pour faire ce suivi.

Une nouveauté de cette session : les discussions d’urgence 

Cette session marque l’apparition d’une nouveauté dans les travaux de l’AFE : la création des débats et discussions d’urgence suivis du vote d’une motion. En accord avec les groupes politiques, deux d’entre eux ont pu inaugurer ce dispositif.

Pour « Solidaires et Indépendants », Pierre Leduc (Nouvelle-Zélande) a ainsi proposé à l’AFE un texte visant à renforcer la prise en charge des Français établis hors de France contraints de quitter leur pays de résidence en cas de catastrophe. Ce texte a pour objectif de faciliter le rapatriement en France de nos compatriotes confrontés à ces situations d’urgence : accès à la sécurité sociale, possibilité de logement, suivi psychologique…

Pour le groupe « Union des Républicains, des Centres et des Indépendants » (URCI), un sujet d’urgence défendu par Daphna Poznanski-Benhamou (Israël et Territoires palestiniens), a porté sur l’intégration des Français de l’étranger dans la Convention citoyenne sur la fin de vie, créée en France en décembre 2022. La motion demande aussi la constitution d’une base de données des dispositifs existants sur l’accompagnement de la fin de vie dans les différents pays. Votés à l’unanimité par les élus de l’AFE, que deviendront ces deux textes ? lesfrancais.press interrogera les auteurs de ces résolutions d’ici la prochaine session. 

Quel impact pour les travaux de l’AFE ? 

Baptiste Heintz

La liste des sujets et des travaux orchestrés durant cette session est longue. Mais celle-ci restera t-elle au stade des (bonnes) intentions ? L’impact des travaux réalisés par l’AFE est au cœur des préoccupations des élus de cette assemblée. Baptiste Heintz, président du groupe Écologie & Solidarité, élu de la Côte d’Ivoire, a ainsi rappelé que son groupe « pousse avec les autres groupes l’exigence de suivi des résolutions adoptées par cette assemblée », il demande ainsi « que les résolutions adoptées fassent l’objet d’un rappel en début de session, en présence du ministre délégué aux Français de l’étranger. »

Du côté de Thierry Masson (Belgique), président du groupe Indépendants, Démocrates et Progressistes (IDP) cette question sur le suivi des travaux est aussi une préoccupation et il appelle à « travailler sur la façon dont sont rédigées et proposées les résolutions de l’AFE ». 

Au groupe Union des Républicains, des Centres et des Indépendants, Gérard Signoret (Mexique) demande au Ministre Olivier Becht de « ne pas décevoir avec des fausses promesses et des chimères ».

L’AFE, une oubliée du projet de la réforme des retraites ?

La réforme des retraites concerne les Français de l’étranger, et au-delà des divergences d’opinions, Baptiste Heintz a rappelé une des compétences de l’AFE qui aurait été oubliée par le gouvernement. Ainsi, son groupe « joindra un mémoire à la saisine du Conseil constitutionnel par les groupes de gauche au Sénat, notamment au motif que le projet de loi de finances de la sécurité sociale aurait dû selon l’article 11 de la loi du 22 juillet 2013 faire l’objet d’une information de l’AFE suite à quoi elle aurait pu rendre ses observations. » Cette action pourrait avoir une résonance pour les prochains projets de lois si jamais le Conseil constitutionnel donne raison à cette initiative.

Interpellations de l’administration 

Si la possibilité d’interpeller le Conseil constitutionnel est rare pour les élus de l’Assemblée des Français de l’étranger, les questions à la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) sont inclues dans l’ordre du jour de l’AFE. Ainsi un échange avec la directrice de la DFAE, Laurence Haguenauer, s’est tenu au cours de cette session. La directrice a d’ailleurs rappelé « la chance d’avoir un réseau d’élus de terrain » et s’est également félicité de la « collaboration » de ces derniers avec le réseau consulaire dont elle a la charge « au bénéfice » des Français de l’étranger. Les sujets abordés allant de la prise de RDV dans les consulats, en passant par la lutte contre les violences faites aux femmes, le télétravail, la couverture sociale, l’identité numérique… et bien d’autres sujets.

Vous pouvez retrouver l’intégralité de ces questions en cliquant sur le bouton ci-dessous : 

Vous y trouverez aussi les réponses de l’administration, quand elles sont publiées. C’est d’ailleurs la lecture de ces réponses ou l’absence de ces dernières qui permettent aussi d’évaluer l’influence de l’AFE sur la scène politique.

Un ministre des promesses tenues ? 

Devant tant de propositions, d’idées, de suggestions, de résolutions adoptées, d’avis partagés… Olivier Becht réceptionnant ces différents travaux a voulu rassurer les élus sur les suites qui seront données à ceux-ci.

Olivier Becht ce 31 mars 2023 à l’Assemblée des Français de l’étranger

Le Ministre délégué des Français de l’étranger a ainsi indiqué « que toutes les résolutions trouveront une réponse ».  Et concluant cette 38ème session de l’Assemblée des Français de l’étranger, Olivier Becht a partagé sa propre vision : « nous sommes de passage en tant qu’élu, en tant que ministre, mais tant que nous sommes là, nous y sommes pour servir nos compatriotes à l’étranger, et le meilleur moyen de servir, est de tenir nos engagements »… Aux français.press nous avons envie d’écrire « Chiche ! » 

Auteur/Autrice

  • Jérémy Michel a travaillé de nombreuses années pour des élus et a coordonné les affaires publiques européennes d'une grande entreprise française. Installé à Bruxelles depuis 2000, il est actuellement coach et consultant.

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