A l’étranger, des Français comme les autres ?

A l’étranger, des Français comme les autres ?

Les Français de l’étranger sont-ils des privilégiés ou des victimes?

A écouter certains politiques, ils bénéficieraient des services de l’Etat français, notamment de la protection et de l’assistance, sans pour autant participer à la vie de la Nation et payer des impôts comme ceux restés en France. C’est sur ce préjugé que fut créée l’exit tax, que l’idée d’un impôt fondé sur la nationalité s’insinue. A lire le Rapport ministériel sur la fiscalité des Français de l’étranger, on est surpris par le refus catégorique d’envisager une taxation des revenus comme pour les autres contribuables ou de revenir à la situation antérieure.

De même qu’on reste stupéfait par l’attitude de l’administration qui consiste à demander aux Français de l’étranger de faire des recours contentieux pour que soit appliquer le droit. Indéfendable aussi le paiement de la CSG par les Français résidents hors de l’Union européenne alors que les principes juridiques de la Cour de Justice, quelle que soit sa compétence territoriale, parlent pour tous.

 

Expatriés privilégiés ?

Tout cela indique simplement que les Français de l’étranger sont considérés comme des privilégiés, non seulement par quelques politiques, mais surtout par l’administration. Ce qui est une dévalorisation de notre pays, puisque l’on considère comme chanceux ceux des Français qui n’y vivent pas. Etrange autodénigrement. Soit : la plupart des pays peuvent être considérés comme des paradis fiscaux par rapport à la France : par le montant des impôts, par les prélèvements sociaux, par la complexité de la règlementation. Cela ne fait pas des Français de l’étranger des profiteurs. Encore moins des suspects (Voir l’article de Fréderic Elbar sur l’automatisation de transfert des données bancaires).

D’autant qu’ils paient les impôts dans leur pays de résidence, et qu’ils paient aussi sur leurs revenus français. (Voir l’article de Jean Calvignac : « un deal possible ? »). Qu’enfin l’expatriation a un coup, surtout si, ce qui est le cas de la quasi totalité d’entre eux, on garde des attaches avec la France, qu’on envisage d’y retourner un jour. Qu’enfin, les Expatriés n’ont pas accès aux services publics, aux équipements, aux aides que fournit la puissance publique sur le sol national.

Plusieurs actualités récentes témoignent de ce mépris ou de cette méprise. Un avocat pugnace vient de faire annuler par le Conseil d’Etat la disposition qui demandait aux Français de retour en France de produire un test PCR. Le fond de l’argumentation est le droit, pour tout Français, de revenir en France, et le principe d’égalité entre les citoyens. Deux points de droit, de principe, qui doivent réjouir tous les expatriés. (Voir l’article de Fabien Ferasson, « l’obligation de tests PCR retoquée par le Conseil d’Etat »)

Les écoles françaises à l’étranger commencent à savoir à quelle sauce elles vont être mangées. Des 100 millions promis par le gouvernement, la moitié seulement sera donnée. Si l’on cherche un service public gratuit pour les Français, c’est bien l’école. Sauf pour les expats. (Voir l’article de Loïc Pautou, l’impact du Covid 19 sur le réseau scolaire français).

Actuellement, beaucoup de consulats sont fermés, Covid oblige. Le retour en France est compliqué. Les écoles ouvrent dans des conditions incertaines. Les frais scolaires augmentent de près de 30%. Les ressources des expatriés sont amputées, puisque tous les pays sont en crise. Ils ne bénéficient pas des programmes sociaux de leurs compatriotes restés en France. Les subventions aux associations sont été presque supprimées. L’accès au fonds d’aide est si compliqué que les crédits sont inutilisés. Le traitement réservé au Ministère des Affaires étrangères depuis des années traduit une jalousie infondée.

 

Vivre en France, une chance ?

Il serait facile de poursuivre la liste des revendications, des plaintes ou des demandes. L’essentiel n’est pas là. Ceux qui ont fait le choix de partir l’ont fait en prenant leur risque. Mille raisons y poussent. Non que la France ne soit pas belle, que la vie n’y soit pas agréable, ou qu’elle représenterait un enfer que quelques-uns seulement aurait la chance de fuir! – non, au contraire : Vivre en France est une chance. Mais le goût de l’autre, de l’ailleurs, de l’aventure, la chance, la vie, poussent à aller loin. Les expatriés ne veulent être ni des victimes, ni des privilégiés. Des Français comme les autres qui ne demandent ni avantage ni punition.

Il est injuste qu’ils soient considérés comme des privilégiés, et qu’en conséquence ils deviennent victimes de traitements discriminants, vexatoires. Ils sont une chance pour la France, son rayonnement, sa sécurité, son influence, son commerce, son économie, sa culture, sa langue. Nombreux sont les jeunes français, qui tôt ou tard, partiront, reviendront, essaimeront, s’appuieront sur le réseau France, sur la diaspora française. La France est grande parce qu’elle se pense universelle. Qui, mieux que les expats, peut faire vivre cette universalité ?

 

Laurent Dominati

Fondateur de lesfrançais.press

Ancien Ambassadeur de France, ancien Député de Paris

 

 

 

 

 

 

 

 

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