La population mondiale s’est engagée dans un processus de vieillissement, phénomène unique dans l’histoire de l’humanité tant par son ampleur que par sa rapidité. Ce vieillissement qui touche tous les continents est, en théorie, synonyme de ralentissement économique et d’augmentation des besoins de financement public.
Le vieillissement démographique se caractérise par la hausse de la proportion des plus de 65 ans au sein de la population et par le recul de la croissance du nombre de personnes en âge de travailler (20-64 ans).
14% de la population mondiale aura plus de 65 ans en 2040
Au niveau mondial, la proportion des plus de 65 ans est passée de 6 à 10 % de 1990 à 2020 et devrait atteindre plus de 14 % en 2040. Le taux de croissance de la population active qui était supérieur à 2,25 % en 1990 n’était plus que de 1 % en 2020. Il ne s’élèverait qu’à 0,6 % en 2040 (sources ONU). Au Japon, pays le plus avancé dans le processus de vieillissement de sa population, la proportion de plus de 65 ans s’élevait en 2020 à près de 30 % et devrait atteindre 35 % en 2040. L’Union européenne suit de près avec des chiffres respectifs de 20 et 30 %. Parmi les pays avancés, les États-Unis ont la dégradation la moins marquée avec une part des plus de 25 ans qui se maintiendra autour des 20 % à l’horizon 2040. En Chine, les plus de 65 ans sont passés de moins de 5 % en 1990 à 12 % en 2020. Ils représenteront 25 % de la population chinoise en 2040. Les pays africains seront les seuls à compter moins de 5 % de plus de 65 ans en 2040.
Une diminution de la population active devrait provoquer l’inflation
De 2020 à 2040, les populations actives diminueront au Japon, en Europe, en Chine, en Russie et en Amérique latine. Elles continueront à croître rapidement en Afrique (+2 % par an) et aux États-Unis (+0,5 % par an). Le vieillissement de la population est censé générer de nombreux effets économiques. En théorie, il conduit à une hausse de l’inflation. La baisse du nombre d’actifs favorise la progression des salaires. Celle-ci est également alimentée par l’augmentation de la demande de services. Les entreprises compensent la baisse de la population active par une recherche de gains de productivité. Pour le moment, ces aspects annoncés du vieillissement ne sont pas visibles. Au Japon, l’inflation est aux abonnées absentes depuis plus de trente ans. En Europe, la menace, de ces dernières années, a été non pas la hausse des prix mais la désinflation. Compte tenu des tonneaux de liquidités injectées dans l’économie mondiale et les goulots d’étranglement qui apparaissent au sein du marché du travail, l’inflation pourrait revenir dans les prochaines années même si, au Japon, les salaires augmentent faiblement malgré la contraction de la population active.
Les rapports de force entre capital et travail sont défavorables au second depuis plusieurs années avec la désindustrialisation et l’ubérisation des activités. La flexibilité du travail joue à l’encontre des revalorisations salariales. La baisse de la population active a été freinée au Japon comme au sein des autres pays occidentaux par le relèvement de l’âge effectif de départ à la retraite.
Dans un monde en vieillissement, le taux d’épargne devrait diminuer. Les retraités sont supposés puiser dans leur patrimoine pour maintenir leur niveau de vie. Par ailleurs, pour verser des revenus à un nombre croissant de retraités, les fonds de pension sont amenés, logiquement, à céder des actifs. La diminution des flux d’épargne devrait provoquer une hausse des taux d’intérêt et une baisse de l’investissement. Pour le moment, aucun mouvement de désépargne n’est constaté. Au contraire, le taux d’épargne à l’échelle mondiale tend à augmenter. Il est passé de 24 à 27 % du PIB de 1990 à 2019 (source FMI). Au lieu de monter, les taux d’intérêt diminuent tant en raison de l’abondance de l’épargne que des politiques monétaires expansionnistes mises en œuvre par les banques centrales.
Le recul de l’investissement pourrait être provoqué par une moindre demande de capital. Celle-ci serait imputable à la diminution de la population active et au moindre besoin d’infrastructures (établissements d’enseignement, logements, etc.). Cet argument est à relativiser car, en contrepartie, les besoins en hôpitaux, en maisons de retraite ou en EHPAD augmentent.
Creusement des dépenses publiques : un quart du PIB
D’autres facteurs plus importants joueront sur l’investissement dans les prochaines années comme la digitalisation et la transition énergétique. La seule grande certitude en ce qui concerne le vieillissement concerne les finances publiques. Ces trente dernières années, les dépenses publiques de retraite et de santé ont augmenté à l’échelle mondiale de plus de deux points de PIB. En France, les dépenses liées au vieillissement sont responsables de plus de la moitié de l’augmentation des dépenses publiques constatée entre 2000 et 2019. La crise sanitaire a prouvé la sensibilité des finances publiques aux dépenses de santé. Compte tenu de l’évolution de la composition des populations, ces dernières ne peuvent qu’augmenter rapidement jusqu’au milieu de ce siècle.
Les dépenses de santé et de retraite représentent le quart voire plus du PIB en France, en Allemagne, aux États-Unis ou au Japon. Dans les pays à faible protection sociale comme la Chine, les ménages sont contraints d’épargner fortement, jusqu’à 40 % de leur revenu, pour faire face aux éventuelles dépenses. Cette épargne élevée pèse par ricochet sur la consommation.
Le vieillissement des populations est un phénomène mondial qui a déjà commencé à se faire ressentir comme le prouve la crise sanitaire. Au-delà des aspects économiques, le vieillissement soulève des questions sociologiques et politiques parmi lesquelles figurent la répartition des charges entre les générations et l’adaptation de la société (travail, équipements collectifs, etc.). Si dans le passé, une part non négligeable des coûts liés au vieillissement était prise en charge par les familles (obligation légale), avec la montée de l’individualisme, la déstructuration des familles, la mutualisation et socialisation de ceux-ci devrait se poursuivre. Il est imaginable qu’une mobilisation plus importante du patrimoine soit demandée à ceux qui en sont pourvus afin d’alléger la facture sur les actifs.
Face à la problématique de l’augmentation des dépenses de retraite, le report de l’âge de départ à la retraite est apparu comme la solution la plus efficace, bien que difficile à adopter. Or, ce report n’est pas sans limite. Le vieillissement de la population active entraîne une augmentation des dépenses de santé, d’invalidité voire de chômage. Il peut provoquer un transfert de charges entre les régimes de la Sécurité sociale. Il suppose en outre une adaptation du monde professionnel afin de garantir un taux d’emploi élevé au-delà de 50 ans.
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