Si le marathon budgétaire se poursuivra cette semaine à l’Assemblée comme au Sénat, certaines dispositions ont, déjà, été votées. Cependant, il est important de noter que ces nouvelles dispositions ne s’appliqueront que si le budget, dans sa globalité, est adopté par la représentation nationale lors du vote solennel. Rien n’est donc moins sûr, on fait le point pour les Français de l’étranger sur cette inflation fiscale qui peut frapper la France !
Le durcissement de l'"exit tax"
L’Assemblée a approuvé un amendement de Jean-Philippe Tanguy (RN) qui rétablit l' »exit tax », ou taxe d’expatriation, dans sa version d’origine. Cet impôt avait été créé sous Nicolas Sarkozy pour freiner l’évasion fiscale des actionnaires, avant d’être très fortement raboté par Emmanuel Macron en 2018.
Cet amendement a été soutenu par le RN et son allié de l’Union des droites pour la République (UDR), tandis que les macronistes, les centristes et la droite l’ont rejeté. La gauche s’est largement abstenue. La mesure doit rapporter 70 millions d’euros, selon la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin.
La hausse de la CSG sur les revenus du capital
Si vous avez des revenus issus d’un capital (actions, placements, immobiliers) et que vous résidez hors de l’Union européenne, vous êtes concerné(e). C’était l’une des propositions des socialistes pour financer la suspension de la réforme des retraites : après de vives tensions à gauche, les députés ont approuvé un amendement de Jérôme Guedj qui prévoit une hausse de la Contribution sociale généralisée sur les revenus du capital. Il s’agit de relever le taux de la CSG de 9,2% à 10,6% sur certains revenus de l’immobilier, de l’épargne et de placements (produits de contrats d’assurance-vie, dividendes, épargne salariale, Plans épargne logement), ou des plus-values immobilières et mobilières, comme les ventes d’actions.
Selon les socialistes, cela permettrait de rapporter 2,66 milliards d’euros supplémentaires aux caisses de la Sécurité sociale. Leur amendement a été soutenu par la gauche, une partie des macronistes et des centristes, tandis que LR et le RN s’y sont opposés.
Durcissement du pacte Dutreil sur la transmission d'entreprise
Créé en 2003, le pacte Dutreil allège la fiscalité lors des transmissions familiales d’entreprises. Les députés se sont écharpés sur son coût pour l’État et l’optimisation fiscale qu’il engendre, selon un rapport de la Cour des comptes à paraître.
Ils ont finalement adopté un amendement du macroniste Jean-René Cazeneuve pour mieux l’encadrer, en excluant les biens non professionnels afin d’éviter qu’il soit détourné pour réduire les droits de succession. Cette mesure a été soutenue par la gauche, mais elle a divisé les macronistes et a été rejetée par la droite, tandis que le RN s’est abstenu.
La taxe sur les holdings patrimoniales
Le patron des députés Les Républicains, Laurent Wauquiez, a obtenu l’adoption d’une version édulcorée de la taxe sur les holdings patrimoniales, à l’initiative de son groupe. Le gouvernement proposait à l’origine une taxe de 2% sur les holdings détenant au moins cinq millions d’euros d’actifs, avec de nombreuses exceptions, notamment l’exclusion des biens professionnels. Elle était censée rapporter un milliard d’euros. L’amendement adopté réduit le nombre de holdings concernées, en relevant le seuil de détention par une personne physique de 33% à 50%, et limite l’assiette de la taxe en listant les types de biens concernés. « A la fin, cette taxe n’est plus un gruyère, c’est une chips : ça ne concerne plus personne« , a fustigé le socialiste Philippe Brun.
L'alignement de l'abattement sur les successions pour les beaux-enfant
« L’idée est de moderniser notre fiscalité sur les successions pour prendre en compte les familles recomposées et donner un signal important et attendu de modernité« , a assuré le macroniste David Amiel. Le ministre délégué chargé de la Fonction publique et de la Réforme de l’État a repris à son compte un amendement du député Jean-René Cazeneuve visant à aligner l’abattement sur les successions pour les beaux-enfants sur celui des frères et sœurs, en passant « de 1 594 euros à 15 932 euros« . L’Assemblée nationale l’a adopté.
Participation minimale des étrangers non européens à leurs frais de santé
La création d’une participation minimale pour les ressortissants étrangers non-européens bénéficiant de la protection universelle maladie a été votée. Cette cotisation sera obligatoire pour l’ouverture et le maintien de leur droit à cette protection s’ils sont titulaires d’un visa long séjour « visiteur ». Cette mesure vise ouvertement les retraités américains installés en France, mais elle pourrait aussi frapper les conjoint(e)s des Français qui ont décidé de (re)venir en France pour passer leur retraite dans l’hexagone.
La hausse de la taxation du rachat d'actions
A l’Assemblée, les parlementaires ont aussi voté un amendement du Rassemblement national qui modifie profondément le taux applicable lors du rachat d’actions, en le portant à 33% au lieu de 8%. Cet amendement doit rapporter 8 milliards d’euros, selon le député RN Kévin Mauvieux. De son côté, La France Insoumise a réussi à faire adopter, lors d’un vote très serré, un amendement instaurant une taxe exceptionnelle sur les superdividendes.
La contribution sur les hauts revenus
La contribution différentielle sur les hauts revenus, instaurée en 2025 dans le budget du gouvernement Bayrou, a été prolongée. Au premier jour de l’examen du budget, les députés ont largement approuvé (279 pour et 25 contre) le maintien de ce dispositif jusqu’au passage du déficit sous les 3% du produit intérieur brut (PIB), ce qui pourrait intervenir en 2029, selon les objectifs du gouvernement. Initialement, ce dernier défendait une prolongation pour la seule année 2026.
Cette mesure fixe un taux minimal d’imposition de 20% pour les ménages dont les revenus dépassent 250 000 euros par an, soit 24 000 ménages, selon le gouvernement. Elle doit rapporter 1,5 milliard d’euros en 2026, d’après l’exécutif. C’est un alignement entre ceux restés en France, qui ne bénéficient donc plus des tranches basses du barème, sur l’impôt libératoire proposé aux non-résidents. Un appel du pied des députés au départ de France ?
L'impôt sur la fortune improductive
Une alliance de députés PS, RN et MoDem a approuvé une modification de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui intègre dans l’assiette de l’impôt « les actifs improductifs » tels que les « biens immobiliers non productifs, biens meubles corporels (objets précieux, voitures, yachts, avions, meubles meublants, etc.), actifs numériques, assurance-vie pour les fonds non alloués à l’investissement productif« , en excluant la résidence unique ou principale, comme le souhaite de longue date le Rassemblement national.
Si le PS s’est réjoui d’un rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), La France insoumise a au contraire jugé que l’impôt sur la fortune immobilière était « affaibli« . Le RN a salué le vote d’une mesure « inspirée » de son programme. Le décret d’application permettra d’affiner la portée du texte pour les expatriés. En l’état, selon les interprétations, la notion de résidence unique pour un foyer fiscal (là aussi, il sera pertinent de se pencher sur la définition de celui-ci, il semble ne pas exclure la possibilité d’être partiellement fiscalisé en France) pourrait répondre aux requêtes des Français de l’étranger. Ces derniers, à travers leur parlementaire, veulent voir la création d’une notion de résidence de repli (assimilable à une résidence principale). Avec cette interprétation, cela rétablirait une égalité entre les Français lors de la vente du bien principal et permettrait à ceux qui sont au seuil de l’ancien IFI de s’en éloigner.
L'impôt sur les bénéfices des multinationales
Les députés ont très largement approuvé un amendement de La France insoumise pour taxer les bénéfices des multinationales proportionnellement à leur activité réalisée en France et lutter contre l’évasion et l’optimisation fiscale. La mesure a recueilli les voix des différents groupes de gauche et celles du Rassemblement national, contre celles du camp gouvernemental (207 contre 89). Le gouvernement y était opposé. Cet « impôt universel » sur les multinationales, inspiré de l’association Attac et de l’économiste Gabriel Zucman, pourrait rapporter 26 milliards d’euros au budget de l’État, selon ses défenseurs. Pour le ministre de l’Économie, Roland Lescure, ce serait « 20 milliards d’ennuis » en plus pour la France, signataire de plus de 125 conventions fiscales avec 125 pays. En effet, il est garanti que ce texte est en contradiction avec le droit européen et/ou les conventions fiscales.
L’adoption de ce texte est, peut-être, la démonstration, la caricature, du problème français. Élus, comme nos compatriotes dans l’hexagone, n’ont pas intégré les nouvelles règles du jeu européen comme mondial. En 2025, sans sa zone d’influence héritée de la colonisation, sans présence militaire structurée hors de France (à quelques exceptions), intégré à l’espace commun européen, et exsangue de ses dettes, notre pays ne dispose plus des outils nécessaires à cette souveraineté mondiale à laquelle aspirent les députés ! Comme pour l’impôt universel, voulu par les extrêmes de l’Assemblée nationale, une telle mesure est inapplicable et ne répond pas aux urgences du moment.
Auteurs/autrices
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Directeur de publication et rédacteur en chef du site lesfrancais.press
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