La réponse de l’Europe à la guerre de la Russie en Ukraine a dominé le discours annuel de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mercredi (14 septembre), mais elle a fourni peu de contenu en ce qui concerne plusieurs dossiers importants et des questions urgentes auxquelles le bloc fait face.
« La solidarité de l’Europe avec l’Ukraine restera sans faille », a déclaré la chef de la Commission, promettant plus de finances pour reconstruire le pays et de maintenir en place les sanctions de l’UE contre la Russie.
Parmi les annonces les plus intéressantes, la Commission a annoncé qu’elle se rendrait à Kiev juste après son discours, sa troisième visite depuis le début de l’invasion, pour discuter de l’accès de l’Ukraine au marché unique de l’UE.
Alors que certains en Europe, pointant du doigt l’énorme flambée des prix de l’énergie, ont fait remarquer que les sanctions de l’Union européenne à l’encontre de la Russie frappaient davantage l’Occident, Mme von der Leyen a maintenu que les sanctions faisaient effectivement mal à la Russie.
L’Europe s’est diversifiée en s’éloignant de l’énergie russe, a-t-elle ajouté, mais Moscou continue de « manipuler activement » le marché. Les prix du gaz ont plus que décuplé par rapport à la période précédant la pandémie de Covid-19.
Mais dans un discours censé servir de boussole politique pour guider le bloc au cours des 12 prochains mois, Mme von der Leyen a été étonnamment avare d’annonces politiques conséquentes.
La Commission européenne a fait marche arrière par rapport aux projets antérieurs de plafonnement du prix du gaz russe, proposant à la place de mettre en place un nouveau groupe de travail. Celui-ci sera composé de représentants des Etats membres de l’UE et tentera de négocier des accords avec les principaux fournisseurs tels que la Norvège.
Avant mercredi, plusieurs fonctionnaires européens ont confié à EURACTIV qu’ils n’étaient pas satisfaits du faible niveau de consultation du cabinet de Mme von der Leyen avec les divers départements politiques de son exécutif.
EURACTIV s’est penché sur la question et a dressé une liste des sujets manifestement absents.
Défense absente
La défense, qui est habituellement un point fort de l’ancienne ministre allemande de la Défense, était largement absente de son discours.
C’est d’autant plus surprenant sachant que les progrès en matière de défense européenne pourraient être considérés comme un succès, comparé aux années de tâtonnements laborieux dans les efforts pour donner au bloc un véritable angle étranger et de défense.
En tirant rapidement des leçons de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les dirigeants de l’UE ont convenu en mars de « soutenir fermement l’investissement » dans les capacités de défense et d’« augmenter substantiellement » les dépenses de défense dans l’ensemble de l’Union.
L’UE a également brisé un « tabou» de longue date en acceptant d’utiliser ses ressources pour fournir des armes à un pays tiers par le biais de la « facilité européenne pour la paix » (FEP).
La sécurité alimentaire en note de bas de page
Alors que la sécurité alimentaire et l’agriculture ne figuraient pas dans le discours principal, Mme von der Leyen a mentionné le secteur dans sa réponse aux interventions des chefs de groupes — mais n’a pas apporté grand-chose de nouveau.
Réaffirmant que les sanctions de l’UE à l’encontre de la Russie n’étaient pas la cause des perturbations dans le secteur alimentaire, elle a fermement désigné la Russie comme la cause de la crise alimentaire mondiale.
« Poutine a créé la crise alimentaire — l’Europe et les Nations unies s’efforcent d’y mettre un terme. »
Mme von der Leyen a également insisté sur les engrais, confirmant que la contribution de solidarité proposée par la Commission européenne, présentée le 9 septembre dans un document officieux énumérant les mesures d’urgence potentielles pour relever les défis du marché de l’énergie, peut être utilisée pour soutenir la production d’engrais.
Mais Mme von der Leyen a souligné que la priorité doit être accordée à la réduction de l’utilisation de ces intrants.
« Plus nous économisons, moins nous payons, et moins nous utilisons d’engrais à base de combustibles fossiles, moins nous sommes dépendants des intrants fossiles », a-t-elle expliqué, soulignant la nécessité d’agir « plus rapidement que jamais ensemble » afin de créer une agriculture durable et résiliente.
L’année a été marquée par des inquiétudes concernant à la fois l’offre et les prix des denrées alimentaires. Le secteur a croulé sous la pression de la flambée des prix des engrais, de l’électricité et des emballages, tout en étant confronté à l’une des pires sécheresses de ces derniers temps. Parallèlement, les consommateurs continuent de souffrir de la hausse des prix des produits alimentaires.
L’environnement pas pris en compte
La nouvelle législation européenne sur le climat et l’environnement, actuellement en cours de négociation par le Parlement européen et les pays de l’UE, a été éclipsée par l’urgence de s’attaquer à la crise énergétique.
Si la neutralité carbone a été brièvement évoquée, Mme von der Leyen a omis de préciser que l’Union européenne entendait atteindre cet objectif d’ici à 2050 et n’a pas mentionné l’objectif européen de réduction des émissions pour 2030.
Si les solutions à long terme, comme la gestion plus durable des terres et la protection de la biodiversité, ont été brièvement mentionnées, le discours s’est largement concentré sur la gestion des crises urgentes auxquelles l’Europe est confrontée. C’est le cas de la crise énergétique et des mesures réactionnelles pour faire face aux conditions météorologiques extrêmes, notamment les nouveaux avions de lutte contre les incendies.
Au sujet de l’avenir de l’énergie, il a été question d’accroître les énergies renouvelables et de garantir un approvisionnement en matières premières pour cette technologie. Cependant, Mme von der Leyen n’a pas abordé en détail la résolution des nombreux problèmes auxquels est confronté le secteur des énergies renouvelables.
Par exemple, elle a appelé les pays de l’UE et le Parlement européen à « accélérer » leur travail pour adopter des mesures visant à réduire la dépendance au gaz russe, qui incluent l’accélération des permis pour les énergies renouvelables, mais n’a pas abordé les problèmes plus larges du secteur, comme la chaîne d’approvisionnement défaillante.
Seuls des clins d’œil vers le numérique et les transports
La chef de la Commission européenne a mentionné la nécessité de protéger les démocraties européennes contre les interférences étrangères, allant du financement opaque des chercheurs à la diffusion de la désinformation en ligne.
Pourtant, les affaires numériques ont été largement absentes lors de son discours annuel, notamment la cybersécurité, qui est une préoccupation croissante compte tenu des tensions géopolitiques avec la Russie.
Le discours de Mme Von der Leyen a fait une référence fugace à la politique des transports de l’UE, mais n’a pas donné de détails sur les mesures et les plans phares de l’UE dans ce domaine.
On aurait pu s’attendre à une analyse plus directe de la campagne de la Commission en faveur du passage aux véhicules électriques ou des mesures prises par Bruxelles pour décarboniser le secteur de l’aviation de l’Union.
Mais dans un discours dominé par la question de l’Ukraine, il était peut-être inévitable que les dossiers « Fit for 55 » — autrefois le principal sujet de conversation de la bulle bruxelloise — passent au second plan.
En revanche, la quête de l’Europe pour arracher à la Chine le contrôle, au moins partiel, du marché mondial des matières premières a fait l’objet d’une discussion assez détaillée — une question pertinente pour le secteur européen des transports mais aussi pour la position de l’Union sur la scène mondiale.
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