Orchestrée par Camille Cottin (Madame Connasse, 10%), la cérémonie de clôture du 77ème Festival de Cannes 2024 a eu lieu ce samedi 25 mai à 19h (CET) dans la mythique salle du Grand Théâtre Lumière. De l’arrivée très attendue de George Lucas à la Palme d’or remise au cinéaste Sean Baker, on fait le point pour les Français de l’étranger. Pour tous ceux qui n’ont pas pu se rendre à Cannes mais qui ont la passion Cinéma chevillée au corps, retrouvez un panaché des œuvres présentées à Cannes ces dernières années sur la plateforme mondiale et gratuite, TV5MONDEplus.
Une édition politique…
Une consigne a été passée d’éviter les signes partisans sur tapis rouge du Festival International du Film (FIF). « C’est légitime, je comprends, si tout le monde amène son drapeau ça va être la Coupe du monde de foot« , commente l’acteur palestinien Aram Sabbagh. Cependant, des références discrètes au conflit entre l’armée d’Israël et le Hamas palestinien dans la bande de Gaza sont apparues, sous forme de badges. Et Cate Blanchett a soulevé un pan de sa robe, verte en dessous, ce qui a été interprété comme un rappel des couleurs du drapeau palestinien.
Mais la quintessence du volet politique, ça a été les incertitudes sur la venue de l’Iranien Mohammad Rasoulof. Le 13 mai 2024, Mohammad Rasoulof fuyait son pays clandestinement, à pied, en passant par les montagnes, avant de rejoindre l’Allemagne puis la France. En Iran, le réalisateur est actuellement condamné à huit ans de prison, avec coups de fouet et confiscation de ses biens. Un sort partagé par de nombreux artistes iraniens, comme par exemple l’actrice Golshifteh Farahani avant lui, condamnée en 2008 pour avoir foulé le tapis rouge de l’avant-première du film Mensonges d’État sans porter le voile. “Lorsque je me suis permis d’apparaître la tête découverte, à 24 ans, à New York, le soir de la première du film de Ridley Scott dans lequel je jouais, tout le pays m’est tombé dessus. C’est comme si j’avais lancé une bombe atomique. Personne ne m’a soutenue. Personne !” se souvenait-elle en 2022 dans un entretien accordé au journal Le Monde. Depuis, l’actrice est condamnée à l’exil. C’est donc sans surprise qu’on la retrouvait en plein Festival de Cannes 2024, accompagnant Mohammad Rasoulof lors de sa montée des marches pour le film Les Graines du figuier sauvage, qui s’attaque avec véhémence au régime dictatorial en Iran, à travers un drame familial aux allures de thriller. “Mon cœur est dans un état très ambivalent, a affirmé Rasoulof après avoir remporté le Prix spécial. Mes interprètes qui sont encore en Iran sont actuellement interrogés par les services secrets à cause de mon film. Je suis triste et chagriné par la catastrophe que vit mon peuple chaque matin, ce peuple qui vit sous le régime iranien qui l’a pris en otage”.
… Et sociétale ?
Le Festival n’avait pas commencé que tout le monde prédisait une édition sous tension, entre appels à la grève et rumeurs de dénonciations dans un contexte #MeToo. Au final, il n’en a rien été. Aucune accusation n’a été proférée lors du Festival. Cette année, « il n’y a pas de polémiques qui viennent du festival. On a précisément pris soin de faire en sorte que l’intérêt majeur de ce pourquoi nous sommes tous ici reste le cinéma« , a souligné M. Frémaux, le directeur général du FIF à l’AFP.
Par contre, le jury a décidé de mettre à l’honneur, Karla Sofía Gascón, première femme transgenre sacrée meilleure actrice à Cannes. Dans le long-métrage présenté en Compétition officielle, elle a deux visages, deux corps, qu’elle incarne avec grâce et puissance, dans une composition qui émeut. Emilia Pérez est, de loin, l’un des protagonistes les plus captivants de cette 77ème édition. Dans un discours émouvant, Karla Sofía Gascón a longuement remercié Jacques Audiard, son réalisateur dont elle a loué la passion, l’amour et la créativité. “Tu es le meilleur cinéaste du monde, s’est-elle écriée. « Meilleur que George Lucas !” mais aussi les autres interprètes dont Zoe Saldana, et surtout les femmes trans “qui souffrent tous les putains de jour” a-t-elle affirmé, les larmes aux yeux.
La Palme d’honneur à George Lucas
Le cinéaste américain George Lucas (Star Wars, Indiana Jones) a quant à lui reçu une Palme d’honneur lors de la cérémonie de clôture du Festival, ce 25 mai 2024. L’occasion de mettre à l’honneur, d’un côté un empire hollywoodien bâti en l’espace de 40 ans, de l’autre une institution japonaise, à qui l’on doit des univers foisonnants et colorés. “Je ne savais pas ce qu’était un réalisateur, ni même un producteur. Tout ce que je savais, c’est que je voulais faire des films, peu importe ce que cela voulait dire” raconte-t-il dans une archive datée de 1969 avant d’arriver sur la célèbre scène du Grand Théâtre Lumière, au cœur du Palais des Festivals.
Et c’est son ami Francis Ford Coppola lui-même qui lui a remis la Palme d’honneur, saluant leur relation qui s’étend sur plusieurs décennies. Dans un discours émouvant, ce dernier est revenu sur leur rencontre, alors que Lucas était étudiant en cinéma à l’Université de Californie du Sud, tandis que lui-même poursuivait un cursus similaire à l’école concurrente – l’Université de Los Angeles. “J’ai depuis suivi toute sa carrière, parsemée d’idées brillantes” a souligné Coppola. George Lucas poursuit en se remémorant leurs premiers pas de cinéastes au Festival de Cannes, alors sélectionnés au cœur de la Quinzaine : “Il pleuvait des cordes, nous nous faufilions dans les salles sans y être invités, s’est amusé l’Américain. Aujourd’hui, la boucle est bouclée”.
La Palme d’or pour Sean Baker
“Ce que je voulais, c’était transposer l’histoire de Cendrillon dans les États-Unis d’aujourd’hui” expliquait Sean Baker, sourire aux lèvres, le lendemain de la projection officielle d’Anora. Le cinéaste a de quoi être de bonne humeur : son film, le troisième présenté au Festival de Cannes depuis ses débuts, a récolté une ovation inédite, et un accueil critique sans pareil depuis le début de cette 77ème édition. Un bon signe…pour la Palme d’or.
Et en effet, hier, celle-ci lui a été remise des mains de George Lucas. Baker l’a accueilli, à la fois tremblant et solaire, avant d’annoncer dans son discours qu’il s’agissait là du plus grand rêve de sa vie. Il en a profité pour saluer ses influences majeures, à savoir les films de Francis Ford Coppola et ceux de David Cronenberg, mais aussi à souligner l’importance cruciale offerte par les salles de cinéma, taclant au passage les plateformes de streaming. Mais surtout, le cinéaste en a profité pour remercier les femmes de sa vie : sa mère, mais aussi Samantha Quan, sa femme ainsi que sa productrice, et Mikey Madison, son actrice principale, lumineuse dans le rôle d’Ani. Si on le connaissait jusqu’ici pour ses portraits de parias, Sean Baker déplace le regard avec Anora, en partant d’un club de strip-tease, pour bâtir une critique acerbe des ultra-riches, à travers la mésaventure d’une travailleuse du sexe dans un New York âpre et glacial. L’occasion pour le réalisateur d’apporter un nouveau regard sur les récits des travailleuses du sexe, à qui il a également témoigné de sa reconnaissance en acceptant sa première Palme d’or.