Un nouveau round de dette commune pour l'UE

Un nouveau round de dette commune pour l'UE

Alors que l’attention des dirigeants européens, réunis à Bruxelles lors d’un Conseil européen extraordinaire, s’éloigne des questions purement économiques pour se pencher sur la réforme du pacte migratoire, des références à la « solidarité » économique au sein de l’UE, et la possibilité d’un nouveau round de dette commune ont été retirées du projet de déclaration commune.

Face au Inflation Reduction Act américain, un plan d’investissement massif pour soutenir le développement d’une économie verte outre-Atlantique, qui met en péril la compétitivité de l’industrie européenne, la Commission européenne a présenté le 1er février dernier, en guise de réponse, un ambitieux Plan industriel vert (Green Deal Industrial Plan).

A la carte, assouplissement et simplification des aides d’État, dont les modalités les plus urgentes devraient être approuvées par les chefs d’États lors du Conseil européen extraordinaire des 9 et 10 février.

Dans le même temps, la Commission européenne a promis d’engager une réflexion plus longue sur le financement de projets stratégiques verts – et la mise en œuvre d’un fonds de souveraineté européen est à l’étude, dédié au financement des industries et projets les plus innovants en faveur du climat.

Seulement, les Etats membres s’écharpent sur la pertinence d’un tel fonds et, surtout, les modalités de financements. En effet, si l’Elysée confirmait dès mercredi (8 février) qu’une référence au principe d’un fonds serait présente dans les conclusions – exercice de communication de la part des dirigeants européens, qui résume les décisions actées pendant le Conseil -, l’Allemagne refuse de donner plus de garanties à ce stade.

EURACTIV Allemagne a pu avoir accès au dernier jet de ces conclusions, dans lequel la référence à la « solidarité » économique et les quelques mots de « réponse politique européenne efficace de l’UE » face à l’IRA ont été supprimés.

La phrase « à cette fin, le Conseil européen invite la Commission et le Conseil à faire avancer les travaux en s’appuyant notamment sur le succès du programme SURE », présente dans des versions précédentes, a aussi disparu.

Le programme SURE, qui fait partie de la réponse européenne face à la crise de la Covid-19, permet à la Commission européenne d’emprunter sur les marchés financiers dans des conditions particulièrement favorables, afin d’octroyer des prêts à taux réduits aux Etats Membres tout en gardant le contrôle sur les niveaux de dette.

En pratique, cela consiste en de la dette commune, contractée par la Commission européenne « au nom » des Etats membres. Une pratique tout à fait nouvelle dans l’histoire économique européenne – et que l’Allemagne voit d’un très mauvais œil.

La dernière version des conclusions du sommet vu par EURACTIV Allemagne ne fait référence qu’aux « fonds européens existants », qui « devraient être déployés de manière plus flexible, tandis que les options visant à faciliter l’accès au financement devraient être explorées ».

De quoi doucher les attentes les plus ambitieuses de certains Etats membres, dont la France, qui voyaient en ce nouveau fonds de souveraineté un outil permettant un nouveau round de dette commune.

Si les conclusions mentionnent effectivement la volonté des Etats membres de créer ce fonds de souveraineté, c’est bien du bout des lèvres. « Le Conseil européen prend note de l’intention de la Commission de proposer un fonds de souveraineté européen avant l’été 2023 en vue de soutenir les investissements dans les secteurs stratégiques », peut-on lire.

« L’Europe n’a aucune raison de se cacher », a déclaré le chancelier allemand Olaf Scholz, mercredi (8 janvier), en référence aux milliards d’euros disponibles en vertu du Plan industriel du pacte vert de l’UE. [EPA-EFE/CLEMENS BILAN]

Olaf Scholz fait preuve d’optimisme

Cette position très gardée est conforme à celle de l’Allemagne, première économie de l’UE, qui s’est opposée à tout nouvel emprunt commun et a fait valoir que la réorientation des fonds européens existants suffirait à soutenir la compétitivité industrielle.

C’est ce qu’a réaffirmé le chancelier social-démocrate Olaf Scholz devant le Bundestag (Parlement allemand), mercredi (8 février), à la veille de la réunion du Conseil européen.

« Le plan de relance, que nous avons créé lors de la pandémie de coronavirus, représente à lui seul 250 milliards pour la décarbonation de l’industrie européenne », a déclaré M. Scholz. Et d’ajouter que « seule une petite partie de cette somme a été dépensée jusqu’à présent. »

Il a également déclaré que « l’Europe n’a aucune raison d’avoir honte », mettant en exergue les 20 milliards d’euros supplémentaires du programme « REPowerEU », qui a pour but de renforcer l’indépendance de l’UE vis-à-vis des importations russes de combustibles fossiles.

Le chancelier allemand a aussi évoqué les 26 milliards d’euros de garanties européennes pour les investissements privés et publics du programme « InvestEU », ainsi que les 40 milliards d’euros pour la recherche et l’innovation. Enfin, il a mis l’accent sur les ressources existantes du Fonds de cohésion de l’UE et des recettes du système d’échange de quotas d’émission.

Ces chiffres sont à comparer aux 370 milliards de dollars (344 milliards d’euros) prévus par l’IRA américain, a précisé M. Scholz.

« Aussi nécessaire soit-il de faire face aux conséquences de cette politique [l’IRA américain] pour l’Europe », a déclaré M. Scholz, il a souligné qu’il n’était pas nécessaire de se livrer à de sombres prédictions.

Les règles relatives aux subventions nationales devront néanmoins être assouplies et les périodes d’approbation plus rapides, a-t-il averti.

« Afin de renforcer la position de l’Europe dans la concurrence mondiale, nous devons, premièrement, prendre au sérieux cette flexibilisation annoncée des règles européennes en matière d’aides d’État, en particulier dans les secteurs dont nous avons besoin pour la transformation », a-t-il indiqué.

« Et deuxièmement, nous développerons nos capacités de production européennes pour les technologies de pointe et les technologies propres, par exemple dans les secteurs de l’énergie, de la construction et des transports », a lancé M. Scholz. Il a également fait part de son soutien au « Plan industriel du pacte vert » présenté par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

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