Un nouveau décret pour les professeurs en dents de scie

Un nouveau décret pour les professeurs en dents de scie

Le nouveau décret relatif aux « modalités de recrutement » des professeurs français à l’étranger est paru le 17 juin dernier au Journal officiel. Pour les concernés, il a des airs d’occasion manquée.

Après quatre mois d’âpres négociations et discussions entre les membres des comités techniques de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), le Quai d’Orsay a signé un texte à trous qui laisse un goût amer dans la bouche des professeurs. Si une avancée majeure est à noter, d’importants reculs le sont davantage.

Jusqu’alors, les contrats des enseignants français à l’étranger étaient encadrés par le décret 2002-22. Un texte caduque qui différenciait de manière trop stricte les professeurs dits expatriés et les dits résidents. Les premiers avaient des missions de formation et bénéficiaient des aides au déplacement, contrairement à leurs collègues. Les seconds, avaient des missions d’enseignement, et devaient prouver d’un rapprochement de conjoint ou de trois mois de résidence dans le pays. Sans quoi ils étaient d’abord embauchés en contrat de droit local durant cette même période de temps. Ils étaient des « faux-résidents ». Or, qui dit contrat de droit local, dit non cotisation pour la retraite et salaire moins élevé.

Depuis 2002, ces contrats de faux-résidents étaient une poudrière prête à exploser. C’est finalement une ancienne professeur en Allemagne qui a craqué l’allumette meurtrière en 2018. Elle a saisi la Cour d’appel de Nantes et deux ans plus tard le verdict tombe : l’AEFE est condamnée pour « détournement de pouvoir et de procédure ». En février 2022, l’Agence sonne le glas des faux-résidents et ce dès la rentrée de septembre. Il faut donc rédiger un nouveau décret.

Or, à cette période de l’année, la phase de recrutement pour septembre a d’ores et déjà commencé, et des faux-résidents recrutés. Tout est mis sur pause. Pour les ministères de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’Éducation nationale, l’urgence est d’écrire ce texte. Les syndicats de professeurs l’entendent d’une autre oreille. Ils voient l’opportunité de prendre le temps de faire un texte solide où leurs droits seront défendus et valorisés.

Un nouveau décret unanimement rejeté par les professeurs

Dans le décret 2022-896, rien de tout cela n’apparaît, au contraire. S’ils pensaient obtenir des avancées, ils ont majoritairement obtenu des reculs. « C’est un passage en force qui rejette le dialogue social et donne le ton du nouveau gouvernement » invective Jérôme Nassoy, membre du SNES hors de France.

A commencer par la disparition des Commissions consultatives paritaires centrales ou locales (CCPC et CCPL) qui permettaient aux syndicats d’avoir un droit de regard sur le recrutement de leurs collègues, et donc d’empêcher l’embauche par copinage. Car comme le spécifie Jérôme Nassoy, membre du SNES hors de France, « bien que ça ne soit pas la règle, il y a déjà eu des tentatives des personnels de recruter des connaissances et donc de ne pas respecter les règles. » Les CCPC injectaient donc de la transparence dans le recrutement. Sans elles, les professeurs craignent ne plus rien pouvoir contrôler.

Par ailleurs, il regrette qu’aucune réponse ne soit apportée vis-à-vis des prestations familiales. Parmi elles, les professeurs demandaient une refonte du système de l’indemnité spécifique à la vie locale (ISVL), calculée par rapport à l’endroit de résidence. Or, avec la hausse du coût de la vie, l’inflation et la crise Covid, cette aide apparaît en décalage avec la réalité et ne suffit plus. Aujourd’hui, des fonctionnaires rencontrent des difficultés pour vivre et scolariser leurs enfants dans les établissements où ils exercent. Néanmoins, ledit décret 2022-896 ne fait pas état de l’ISVL.

Il ne revient pas non plus sur le bornage de la durée des détachements. Avant 2019, les instructeurs pouvaient partir s’installer à l’étranger sans avoir de limite de temps. Mais depuis cette fameuse année, les nouveaux détachés ne peuvent rester que six ans maximum. « Comment se construire une famille quand nous savons que notre vie sur place a une date de péremption ? » se demandent-ils alors.

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Grève au Lycée français international de Bangkok le 19 mai 2022 contre le décret en cours de rédaction © SNES hors de France

Une avancée notable

Comme spécifié précédemment, dans l’ancien décret les résidents étaient distingués des expatriés. Dans le texte paru le 17 juin ce n’est plus le cas : tout le monde est dit détaché. Cependant, trois corps différents sont maintenus car les indemnités octroyées sont inégales. Effectivement, les professeurs en mission de formation et d’encadrement correspondent aux catégories 1 et 2, et perçoivent des aides au déplacement supérieures à la catégorie 3, à savoir ceux en mission d’enseignement.

Malgré tout, les professeurs se félicitent de cette avancée car jusqu’ici ils n’avaient pas la moindre aide au voyage et au déménagement comme le spécifie Adrien Guinemer de l’UNSA éducation. Avant d’être nuancé par Jérôme Nassoy qui estime que l’Agence était obligée de modifier cette règle afin de pouvoir recruter du personnel venant de France.

A ce propos, l’AEFE est toujours en période de recrutement pour septembre 2022. Mais grâce à sa décision de recruter massivement du personnel en disponibilité sur place, elle a réussi à réduire drastiquement le nombre de postes à pourvoir pour la rentrée. Effectivement, le 24 mai dernier il en restait encore 350, contre 66 d’après le compte-rendu du comité technique de l’AEFE du mardi 21 juin.

Téléchargez le décret 2022-896 du 16 juin 2022

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