Un long parcours législatif s'annonce pour la "résidence d'attache"

Un long parcours législatif s'annonce pour la "résidence d'attache"

Ce mardi 4 avril 2023, le Sénat a adopté la proposition de loi créant une résidence d’attache pour les Français établis hors de France, portée par M. Ronan Le Gleut et plusieurs de ses collègues. Pourtant le gouvernement par la voix de Gabriel Attal s’y opposait, tout en précisant « accueillir favorablement la proposition« . Ce dernier désire mettre en place un groupe de travail afin de déminer les écueils juridiques possibles. Autre opposition à ce projet, la gauche dont les arguments étaient portés avec vigueur par Mélanie Vogel, la sénatrice EELV des Français de l’étranger.

« L’intention que sous-tend ce texte est évidemment louable, mieux je peux dire que celui-ci est accueilli de façon bienveillante »

Gabriel Attal, Ministre du Budget au Sénat le 04 avril 2023

Qu’est-ce qu’une résidence d’attache ?

La création d’un 3ème statut pour un bien immobilier, en plus de celui de résidence principale ou secondaire permettrait aux Français de l’étranger qui possèdent un bien immobilier en France d’en faire légalement un lieu où se replier en cas de crise dans leur pays de résidence. Ce statut de « résidence de repli », distinct donc de celui de résidence secondaire, ouvrirait une niche fiscale permettant d’éviter les taxes sur les résidences secondaires tout en permettant d’accéder aux aides à la rénovation et autres.

Comme l’a souligné Gabriel Attal, cette disposition concernerait 300 000 résidences. Précisons que la nationalité n’étant pas prise en compte dans la fiscalité, mais uniquement la notion de résident ou non-résident, parmi les biens potentiellement bénéficiaires de la disposition beaucoup appartiennent à des non-nationaux.

Illustration ©StockAdobe

Un flou juridique

C’est d’ailleurs ce point qui pose problème pour le ministre du Budget, en effet, il serait inconstitutionnel de mettre en place une disposition uniquement réservée aux nationaux, brisant l’égalité devant l’impôt garantie aux résidents en France. Cette loi poserait aussi des problèmes par rapport au droit européen, puisqu’il garantit une égalité de traitement de tous les citoyens des pays membres dans tous les Etats de l’Union européenne.

C’est sur cette base que Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics et Olivier Becht, ministre délégué chargé du commerce extérieur et des Français de l’étranger, ont annoncé le lancement d’un groupe de travail transpartisan chargé d’identifier les critères permettant de définir les contours de cette notion. Il rassemblera des personnalités qualifiées, des parlementaires et des représentants des Français de l’étranger, ainsi que les administrations concernées. La première réunion du groupe de travail se tiendra le 11 avril prochain, et rendra ses conclusions à l’été 2023.

Uniquement pour les Français installés dans des pays en crise ?

A l’origine, cette idée portée par Ronan Le Gleut, mais aussi imaginée par Frédéric Petit avec la résidence de repli dans le programme présidentiel de 2022, devait s’appliquer à tous les Français de l’étranger. Mais sous l’impulsion de Bercy, le périmètre d’application de la proposition de loi serait réduit aux Français résidant dans un pays dit en crise, soit classé rouge, voire orange par le ministère des Affaires étrangères. Une disposition que ne comprennent pas certains sénateurs et les élus locaux des Français de l’étranger comme Jérémy Michel, président du Conseil consulaire des Français de Belgique (qui seraient de fait exclus du dispositif).

« C est une position « tartuffe » du gouvernement et de Ronan le Gleut. La philosophie était de permettre aux Français de l’étranger de garder ou d’acquérir un bien en France pour pouvoir aussi s’y retrouver et consommer dans notre pays. En la ciblant uniquement sur les Français de l’étranger vivant dans les pays dits de « zones à risques », on détourne le débat en stigmatisant les « exilés » alors que la résidence d’ attache / de repli c’est avant tout le lien fort entre la France et nos compatriotes vivant hors des frontières. »

Jérémy Michel, président du Conseil consulaire des Français de Belgique

Cette modification de la définition du champ d’application de la résidence d’attache met le pays où vit le Français de l’étranger au coeur du dispositif et non plus la volonté de l’expatrié(e) de maintenir un lien fort avec la France. C’est un changement de paradigme par rapport aux premières propositions soutenues par de nombreux élus !

Quelles conséquences fiscales ?

Pour l’instant le débat n’est pas tranché, loin de là. Les possibilités sont nombreuses, exemption des taxes locales liées à la résidence secondaire, mais Gabriel Attal précise que les résidences détenues par des non-résidents rapportent plus de 340 millions d’euros aux pouvoirs locaux, ou simple dégrèvement au retour ? Le sujet de l’accès aux aides à la transition énergétiques et à la rénovation n’a pas été clarifié non plus.

Le texte a donc été aussi renvoyé à la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire du Sénat pour préciser tout l’impact fiscal et sur les droits sociaux que la création d’un tel statut de résidence d’attache entraînerait.

Une disposition qui desservirait l’ensemble des Français ?

Mais au-delà des considérations fiscales, pour les sénateurs de gauche ce statut nuirait à l’ensemble des Français. Comme l’a martelé Mélanie Vogel, sénatrice EELV des Français de l’étranger, lors de la séance publique de ce mardi 04 avril, ce texte faciliterait le maintien de biens immobiliers hors du parc locatif. Renforçant de fait les tensions sur le marché des locations, ce que déplore l’élue écologiste.

Mélanie Vogel
Mélanie Vogel au sénat ce 04 avril 2023

Un point qui sera donc étudié en commission mais évidemment, aussi, dans le groupe de travail parallèle initié par les ministres Gabriel Attal et Olivier Becht.

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