UE : la rigueur budgétaire oppose Paris et Berlin

UE : la rigueur budgétaire oppose Paris et Berlin

L’Allemagne a plaidé lundi (17 janvier) pour le retour de la rigueur budgétaire dans l’UE face aux appels à la souplesse de la France, laissant augurer des discussions difficiles sur la réforme du pacte de stabilité qui contraint les dépenses des Vingt-Sept.

Le mécanisme, qui limite les déficits publics à 3% et la dette à 60% du Produit intérieur brut (PIB), « a prouvé sa flexibilité pendant la crise. Mais maintenant il est temps de reconstruire des marges de manoeuvre budgétaires, c’est pourquoi je défends fortement une réduction de la dette souveraine », a déclaré le ministre allemand des Finances, Christian Lindner.

Le dirigeant libéral, âgé de 43 ans, participait à Bruxelles à sa première réunion avec ses homologues de la zone euro. Il a repris la ligne ferme de son prédécesseur Olaf Scholz, successeur d’Angela Merkel à la Chancellerie.

« L’Europe doit continuer à marcher ensemble dans les années à venir et nous y parviendrons (…) sur la base de notre pacte de stabilité et de croissance », a d’ailleurs assuré ce dernier en visite au même moment à Madrid.

« Je ne pense pas qu’on puisse de façon réaliste s’attendre à des changements fondamentaux sur les critères de dette et de déficit, pour lesquels il faudrait une modification des traités », a poursuivi M. Lindner.

S’il reconnaît le besoin d’une relance des investissements, il estime qu’elle ne serait pas contradictoire avec une réduction de la dette publique et insiste sur la mobilisation des capitaux privés grâce à des réformes structurelles.

La Commission européenne a lancé en octobre une consultation publique sur l’évolution du pacte de stabilité, espérant aboutir cette année à un consensus parmi des Etats membres divisés sur le rythme de réduction des déficits publics après la pandémie.

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des finances et de la relance – IAEA ImageBank

Pas d’avancée avant juin 

M. Lindner a affirmé qu’il s’attendait à ce que ce débat « démarre réellement en juin », quand la Commission aura présenté ses propositions.

Paris a fait de l’avènement d’un « nouveau modèle de croissance » l’un des sujets prioritaires de sa présidence du conseil de l’UE au premier semestre, avec notamment un sommet en mars à Paris qui y sera consacré.

« La croissance vient avant la stabilité. Il faut un pacte, il faut des règles communes, mais ce doit être un pacte d’abord de croissance », a estimé lundi le ministre français de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire, qui a jugé « obsolète » la règle limitant la dette publique dans une interview à des médias européens publiée dimanche soir.

« Il n’y a aucune raison que l’UE ait un niveau de croissance en moyenne de 1,2%-1,3% quand les Etats-Unis sont à 2,5% », a affirmé M. Le Maire à Bruxelles, assurant que cette croissance « avec plus d’investissements, plus de justice, plus d’innovation » pouvait être « un objectif partagé avec nos amis allemands ».

Le débat sur le pacte de stabilité, amorcé avant la crise sanitaire, avait dû être suspendu début 2020 en raison de la Covid-19 qui a entraîné une récession historique.

Pour éviter un effondrement économique, l’Union européenne a temporairement suspendu ses règles budgétaires. Avec le retour de la croissance, se pose la question de sa remise en place prévue début 2023.

Les pays du Sud, comme l’Espagne, l’Italie, la Grèce ou le Portugal, dont la dette s’est envolée pendant la crise, réclament plus de souplesse. Ils redoutent qu’un strict retour au pacte de stabilité entraîne une réduction brutale de l’investissement public, au risque de replonger l’Europe toute entière dans la récession. Comme ce fut le cas après la crise financière de 2008.

Mais les pays du Nord dits « frugaux », dont l’Allemagne et les Pays-Bas, s’inquiètent de devoir payer pour les excès supposés de leurs voisins du Sud.

Le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, a appelé à trouver « le bon équilibre » entre « réduction de la dette » et « flexibilité nécessaire pour la relance ».

Interrogé sur l’existence d’un consensus en faveur d’une réduction de la dette, Christian Lindner a estimé qu’il existait bel et bien. « Mais il peut y avoir des différences sur ce qu’on entend par consolidation budgétaire », a-t-il reconnu dans un sourire.

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