L’Union européenne et la zone euro, après l’effet de stupeur, ont plutôt fait preuve de résilience au niveau institutionnel. Sur le terrain économique, la crise sanitaire actuelle constitue néanmoins un nouveau défi pour la zone euro qui a fêté ses vingt ans l’année dernière. Elle doit relever trois défis majeurs : la gestion de son excès d’épargne, les forces centrifuges qui l’animent et le risque de marginalisation dans les hautes technologies.
La question de l’excès d’épargne
Depuis la crise des subprimes, la zone euro a enregistré une croissance plus faible que celle des États-Unis. Ce déficit de croissance s’explique, en partie, par la survenue de la crise des dettes souveraines entre 2011 et 2013. Elle est aussi la conséquence d’un fort recul de l’investissement productif. Si le taux d’épargne a augmenté de 4 points de PIB de 2009 à 2019, ce surcroît a été essentiellement investi en dehors de la zone euro ou en obligations d’État.
Le taux d’investissement qui était de 25 % en 2007 est péniblement remonté à 23 % en 2019 après avoir atteint 20 % en 2013. L’excédent d’épargne dépasse 2 points de PIB. Quand, au début du siècle, celle-ci était inférieure d’un point de PIB à l’investissement. La progression du capital net est passée en volume de 2,5 % en 2008 à 1,2% en 2019. L’excès d’épargne est la conséquence du solde positif de la balance des paiements courants, résultat avant tout généré par l’Allemagne et les pays d’Europe du Nord.
Les excédents commerciaux sont peu réinvestis dans les entreprises et au sein de la zone euro. Ce phénomène s’est accentué depuis la crise de 2008. Par ailleurs, le vieillissement de la population tend à s’accompagner d’une hausse du taux d’épargne des ménages.
La faiblesse de l’investissement est étonnante au regard des besoins générés par la transition énergétique. Elle suppose entre 2 et 4 points de PIB d’investissement supplémentaires afin de tenter de respecter l’Accord de Paris sur les émissions des gaz à effet de serre.
La dangereuse divergence des États membres
L’unification monétaire a conduit à une spécialisation productive différente selon les pays qui amplifie leur hétérogénéité. L’Allemagne est devenue le centre industriel de la zone euro quand les pays latins se sont spécialisés dans le tourisme. Les écarts de revenus entre l’Allemagne et les États du Sud se sont creusés.
Cette divergence se traduit par l’accumulation des déficits et des dettes dans le Sud de l’Europe sans que des mécanismes de correction puissent les corriger. Au sein d’un État, de tels déficits existent mais sont compensés par le jeu des prestations sociales, des investissements et par la mobilité de la population. Cette divergence alimente le sentiment anti-européen. Au sein des États riches, l’effort consenti pour les autres est jugé trop important. De leur côté, la population des pays d’Europe du Sud estime que la politique européenne est responsable de l’austérité et du chômage.
Le plan de relance élaboré en réponse à la crise de la Covid-19 tire en partie les conséquences de cette divergence pernicieuse. La répartition des 750 milliards d’euros promis s’effectuera non pas en fonction du poids économique de chacun des États mais en fonction des besoins. Même si l’enveloppe budgétaire reste modeste au regard de la situation, celle-ci est un pas vers la mise en place d’actions de soutien à des États en difficulté.
Le décrochage technologique de la zone euro
Si en matière de télécommunication, l’Europe a su, des années 70 aux années 2000, être présente à travers des entreprises comme Nokia, Ericsson, Alcatel ou Siemens, le passage au tout digital ne lui a pas réussi. Des moteurs de recherche aux plateformes de services en passant par les réseaux sociaux, les entreprises américaines et chinoises se partagent le monde. Les barrières linguistiques, l’absence d’un réel marché unifié de capitaux et une moindre prise de risques peuvent expliquer le retard accumulé dans les techniques de l’information et de la communication.
Les dépenses totales de recherche et de développement s’élèvent en zone euro à 2,1 % du PIB contre 2,8 % aux États-Unis comme au Japon ou en Chine. Les investissements dans les techniques de l’information et de la communication atteignent 2 % du PIB aux États-Unis contre 1,1 % en zone euro.
Pour éviter sa marginalisation, la zone euro doit donc mettre en place une politique économique qui, à la fois, encourage l’investissement, favorise le secteur des hautes technologies et vise à réduire le décrochage du Sud par rapport au Nord. L’utilisation de l’excès d’épargne pour accélérer la montée en gamme de l’économie européenne et financer la transition énergétique constitue donc une réelle nécessité.
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