Le directeur de l’Alliance Française et de la Chambre Française de Commerce et d’Industrie (CCI) d’Anvers et du Limbourg, a démissionné de ses postes. Il venait d’avouer un détournement de fonds des associations dont ils avaient la charge. Nous nous sommes entretenus avec le Consul Général de France en Belgique, Raphael Trannoy et avec l’intéressé, Pierre Fruitier-Roth.
Un parcours sans faute
Ce jeune Français de Belgique fonda en 2010 une agora numérique, Wukali sur les thèmes de l’art français, à l’audience confidentielle. Il enchaina dès 2011 avec la création d’une entreprise personnelle dédiée à l’accompagnement stratégique des lobbyistes, EuroSidus.
L’art du lobbying, il le développa au fil des années pour finalement convaincre, en 2017, le conseil d’administration de l’Alliance Française d’Anvers de sa capacité à gérer ce symbole de la communauté française dans la ville de la N-VA (parti indépendantiste flamand). Tâche qu’il sembla réussir puisqu’on lui confia le soin de rénover l’antenne anversoise. Et c’est ainsi que le mardi 11 février 2020, la Maison de France à Anvers a été inaugurée par l’ambassadrice de France en Belgique, Madame Hélène Farnaud-Defromont en présence de Madame Cathy Berx, gouverneur de la province d’Anvers, de Monsieur Bart de Wever, bourgmestre de la ville d’Anvers et de Monsieur Pieyre-Alexandre Anglade, député des Français du Benelux.
Ce soutien massif, il le doit à une autre facette de sa personnalité qu’il a aussi développée, son engagement politique. En effet, Pierre Fruitier-Roth était aussi candidat sur la liste LREM aux élections consulaires, menée par Thierry Masson, un proche du député Anglade.
La Maison de France, en panne
Et c’est donc avec une façade resplendissante, pavoisée de majestueux drapeaux, que Pierre Fruitier-Roth a procédé en grandes pompes à l’inauguration de son « bébé »… Mais une fois le projet lancé, les subventions du Consulat versées, le soutien de la CCI d’Anvers, qu’il dirigeait aussi depuis 2018, acquis, la mécanique commença à se gripper.
Premiers symptômes : peu de livres dans la bibliothèque, des ordinateurs désuets, un personnel qualifié qui se faisait attendre.. En 8 mois, l’évolution de la nouvelle Alliance Française d’Anvers, qui porte ce projet, n’a pas été celle attendue.
Pourtant doté d’un budget confortable, dont 20 000 euros de subventions de l’Etat Français via le conseil consulaire (STAFE) et le Consulat, la Maison de France ne répondait pas au descriptif mis en avant par Pierre Fruitier-Roth.
Les premières questions furent donc posées par les administrateurs.. La Covid-19, les difficultés rencontrées par les Alliances Françaises à travers le monde, furent de bonnes excuses…
L’amour comme coupable
Puis les interrogations sont venues des comptables. En Belgique, les associations de droit belge (statut de l’Alliance Française Anvers) n’étaient pas, jusqu’à cette année, de « vraies » personnes morales comme dans les autres Etats de l’Union européenne. Il n’y avait donc que peu d’obligations quant à la gestion et à la présentation des comptes. Avec la réforme de 2020, désormais les ASBL (équivalentes aux Association Loi 1901 en France) peuvent faire faillite et emprunter en leur propre nom. En conséquence, il faut donc désormais préparer des comptes, les faire certifier et les publier.
C’est donc sous la pression d’un bilan à produire que Pierre Fruitier-Roth s’effondre et qu’il démissionne de tous ses mandats. Comme il nous l’a confié, « l’étau se resserrant », il n’avait pas le choix que d’avouer la captation de fonds à son profit. Il n’avait pas de solution de sortie, car le jeune directeur n’est pas un escroc professionnel mais un simple mythomane.
Pierre Fruitier-Roth se présente comme un amoureux transi, d’une jeune femme issue de la bourgeoisie anversoise et qui a, finalement, perdu pied. Pas de fausses factures, aucune rétro-commission, même pas de faux glissés dans la comptabilité pour se couvrir, il a tout simplement procédé à des virements bancaires de sommes indues.. Et sous quel prétexte ? Tenir le niveau de vie promis à sa nouvelle conquête.. (qui l’a quitté depuis).
Seul coupable ! Et seul responsable ?
Cette amourette aura donc coûté 20 000 euros à l’Alliance Française d’Anvers. Pour rappel, les Alliances Françaises sont des sociétés ou des associations de droit local qui sont affiliées à une fondation parisienne chapeautée par le Ministère des Affaires étrangères. Elles sont donc financées théoriquement sur leurs fonds propres.
Oui mais…. Elles sont aussi un outil majeur de stratégie de la diplomatie culturelle. Elles se sont implantées en plus de cent ans dans le monde et ont largement contribué au rayonnement de notre pays et à la multiplication des locuteurs francophones sur la planète.
A ce titre, Pierre Fruitier-Roth a obtenu le soutien plein et entier du Consulat. Surtout qu’il occupait aussi les fonctions de directeur de la CCI d’Anvers, qui est le pendant économique des Alliances Françaises (même fonctionnement de structures indépendantes réunies autour d’une fondation française).
Raphaël Trannoy, Consul général de France en Belgique, que nous avons eu au téléphone, a découvert la semaine dernière, à la suite de la démission de certains membres du conseil d’administration de l’association, les problèmes rencontrés par la Maison de France à Anvers. Depuis les réunions s’enchainent au Consulat. L’embarras est généralisé mais la réaction se veut exemplaire.
« Nous demanderons à ce que la plus grande transparence sur les comptes soit faite et nous en tirerons toutes les conséquences »
Raphael Trannoy, Consul général de France en Belgique
Mais est-ce suffisant ? Dès lors que l’argent public est en jeu, surtout à l’étranger, ne doit on pas mieux contrôler les dépenses ?
Quel avenir ?
Pierre Fruitier-Roth s’est engagé à rembourser toutes les sommes, grâce au concours de sa famille. Mais est-ce que cela sera suffisant en pleine crise de la Covid-19 et alors que l’institution est déjà en manque d’élèves ?
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