Tremblez punaises ! Et les buveurs de sang ?

Tremblez punaises ! Et les buveurs de sang ?

Les punaises de lit sont un fléau de l’humanité. Ce, depuis l’âge des cavernes, comme rats, morpions et autres commensaux. Le débat politique s’en est emparé. Des députés ont demandé la création d’un service public. Le réflexe : l’État. 70% des Français seraient favorables à une intervention étatique. Le Pouvoir avec un grand P, a remplacé Dieu dans la toute-puissance sans empêcher l’omniprésence du mal. Punaise !

La mairie de Paris, qui laisse pourtant proliférer les rats pour amuser les touristes, a saisi le gouvernement. Celui-ci répond aussitôt, – on ne le prendra pas au dépourvu – qu’un plan d’urgence est en cours d’élaboration. Depuis 2015. Avant, quand il y avait un problème, on créait une commission. Comme il y en a déjà trop, on fait des plans, toujours d’urgence. Et des lois, toujours urgentes elles aussi. Et des taxes, pour financer les plans. Ainsi le code de l’écologie est-il passé de 10. 000 articles à plus d’un million : La planète est sauvée.

Contrairement à ce que sous-entendent certains obsédés, les punaises ne voyagent pas du fait de l’immigration, mais plutôt des vacances. Elles ne sont l’apanage ni des pauvres, raison pour laquelle il faudrait faire appel à la solidarité nationale, ni des immigrés, raison supplémentaire pour fermer les frontières. Elles s’installent, comme les imbéciles et les voyous, autant dans les palaces que les campings.

Face à ce fléau, ne point attendre l’État, ni l’ONU ou l’OMS, mais suivre les quelques conseils donnés sur internet. Lavez, chauffez, vaporiser, congelez, mais agissez vous-mêmes. L’affaire devient internationale : L’Algérie annonce des mesures préventives contre une propagation depuis la France. On croit revivre la panique du Covid.

D’autres suceurs de sang s’activent impunément : La guerre, la maladie, la misère et la mort.

Pendant que l’Assemblée nationale et le gouvernement font assaut d’imagination contre les punaises, d’autres suceurs de sang s’activent impunément : La guerre, la maladie, la misère et la mort.

En Ukraine, l’hécatombe continue. Selon le New York Times 70 000 soldats ukrainiens auraient été tués, 120 000 côté russe. Les prisons se vident pour alimenter les troupes, et se remplissent de prisonniers politiques.

Une femme ukrainienne pleurant la mort de son mari, tué sur la ligne de front à Khakhiv en février. (Vadim Ghirda/AP)

Occupée en Ukraine, la Russie a abandonné l’Arménie. Presque en représailles, l’Arménie a décidé d’adhérer à la Cour Pénale Internationale, manière de s’affranchir de Poutine, et d’espérer qu’un jour, les Aliev, comme lui, seront arrêtés, leur fortune saisie. Espérance d’un progrès du droit ? Le nettoyage ethnique au Haut Karabakh s’est fait en une semaine. Des diplomates de l’Union européenne, de la Russie et des États-Unis se sont rencontrés en catimini pour convenir d’une protection humanitaire. Puissances démissionnaires.

Turquie, Syriens, Kurdes se bombardent. Le gendarme russe n’a plus les moyens de les calmer. Et Erdogan, dopée par la victoire de l’Azerbaïdjan, sapé par une inflation démoniaque, insulte l’Europe et se croit surpuissant. Tandis qu’Israël arme l’Azerbaïdjan, bombarde des sites iraniens et syriens pour couper l’approvisionnement du Hezbollah, le Hamas lance une attaque de 5000 roquettes, infiltre des pick-up dans les villes et tire sur les civils, prend des otages. Le terrorisme trouve des défenseurs, même en France.

Au Niger, un convoi humanitaire du PAM (ONU) est bloqué à la frontière. Les putschistes n’en veulent pas : Suspect ? Ils veulent leur dîme. Au Mali, la guerre a repris de plus belle dans le Nord.. Engrenage de guerres.

Aucun pays ne peut rien sans alliance. Les nôtres sont à la fois fortes et faibles. 

Que peut faire la France ? Seule, a priori rien. Aucun pays ne peut rien sans alliance. Les nôtres sont à la fois fortes et faibles.

La première alliance française, c’est l’Union européenne. Or L’Europe ne croit pas en elle-même. Slovaquie, Pologne, Hongrie et quelques autres, ne partagent pas cet esprit européen qui se veut universel et solidaire. L’Allemagne hésite. Sa propre coalition gouvernementale reste divisée sur la Chine, la Russie, les États-Unis, même la France.

En Ukraine, les États-Unis donnent le ton. Ce ne sont pourtant pas eux qui fournissent la principale aide, contrairement à ce que l’on croit. Le cumul des aides européennes dépasse le leur. La France n’est pas en queue de peloton : elle contribue pour 18% de ces aides, ce qui en fait un des premiers soutiens de l’Ukraine.

Apparaissent indécemment les punaises américaines : un accord politicien sur le budget, comme chaque année, suspend l’aide à l’Ukraine. Voilà la faiblesse de l’alliance américaine : celle de la débâcle afghane, celle du retrait de Syrie. La France et les Européens ont pu mesurer d’Obama à Trump que l’allié américain était incertain. L’attitude ambiguë au Niger, l’affaire des sous-marins l’ont confirmé. Mais peut-on agir sans eux? Ce serait stupide. Il faut se renforcer.

Y a-t-il des Européens pour défendre l’Europe ? 

Pourtant, ceux qui en Europe ne jurent que par l’alliance américaine devraient y songer. Les budgets militaires européens additionnés sont parmi les élevés du monde. L’Europe serait capable d’assurer sa défense seule. Mais y a-t-il des Européens pour défendre l’Europe ? Ils achètent américains, notamment le très cher et très fragile F35. Une façon de payer tribut.

La Communauté Politique Européenne s’est réunie à Madrid. L’élargissement de l’UE aux Balkans et à l’Ukraine était au menu. Ce serait la fin de l’Europe. S’il y a une communauté politique, c’est celle de l’Europe des Européens, celle des démocraties libérales et non illibérales. Pas celles des États où l’état de droit est flageolant, où la corruption – et les gangs criminels plus ou moins associés aux dirigeants — règne, y compris sur les trafics d’arme, de drogue, d’êtres humains.

Photo de famille de la troisième réunion de la Communauté politique européenne, le 5 octobre 2023 à Grenade en Espagne – Crédits : Javier Etxezarreta / Conseil européen

Soutenir l’Ukraine, très bien : en faire notre allié, lui envoyer plus d’armes et plus de chars et d’avions : non seulement il ne faut pas que la Russie gagne, mais il faut que Poutine perde. Que la guerre s’arrête au plus vite. C’est la condition minimale pour que se restaurent de nouveaux liens avec une nouvelle Russie. Mais on ne peut raisonnablement faire entrer l’Ukraine et les Balkans dans l’UE, tuer toute politique commune. L’Europe à 28 est sans colonne vertébrale. Il faut au moins deux Europe : Une alliance plus intégrée et une alliance plus souple. Ce devrait être la thèse française. Il faut resserrer l’Europe, pas l’élargir.

Un autre pays est un peu dans le même cas que la France. C’est le Royaume-Uni. Le roi Charles a rappelé la nécessité d’une convergence, d’une alliance de fait. Il faut répondre, vite.

La troisième faiblesse pour lutter contre la guerre, la misère et la maladie, c’est l’état de l’État.

Personne n’écoute un pays fragile sans force, notamment financière.

Pendant que l’Assemblée cherche les punaises, la dette française bat des records. Les taux d’intérêt sont passés de 0 à 5% en quelques mois. Le premier budget de la France ne sera plus l’éducation, ni la défense, mais le remboursement de la dette. Personne ne peut l’ignorer. Personne n’écoute un pays fragile sans force, notamment financière.

Difficile de se passer du gaz de l’Azerbaïdjan, du Qatar, de l’Arabie Saoudite, des commandes égyptiennes et indiennes quand on emprunte autant. L’indépendance financière est la première indépendance.

S’écharper à l’Assemblée nationale sur les punaises de lit, c’est une façon de remplir le vide politique, masquer l’absence de conscience économique, ignorer les menaces qui pèsent sur un modèle de vie, qu’on appelle la démocratie.

Une guerre d’intelligences 

Pendant ce temps, une femme iranienne emprisonnée reçoit le prix Nobel. Vingt ans après celui de Shirin Ebadi, autre militante iranienne, un an après la mort en garde à vue de Mahsa Amini. Une adolescente qui ne portait pas le voile, est morte cette semaine. « Entendez-vous, en Iran, le bruit sourd du mur de la peur qui se fissure ? Bientôt, nous entendrons celui de son écroulement grâce à la volonté implacable, la puissance et la détermination sans faille des Iraniens. » écrit-elle de la prison.

A la tribune de l’ONU, le chef d’une minable junte explique que « le modèle occidental est fini ». Qui a raison ? Le monde a besoin de héros. Les héros ne sont pas en occident, ils sont dans les pays « antioccidentaux ». Ils se battent pour la liberté. Quel autre modèle ? On n’a pas besoin de démocratie contre les punaises. Ne dormez pas bonnes gens : On a besoin d’aider ceux qui se battent, en Ukraine, en Iran, en Russie, oser la confrontation. C’est l’impunité qui permet la guerre. C’est le manque de courage qui fait la démagogie, le manque de foi dans la démocratie qui fait la joie des tyranneaux. Aucun d’entre eux ne doit se sentir tranquille. Ni au Niger, ni à Moscou, ni à Téhéran. C’est une guerre d’intelligences.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press

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