Tous n’en mourront pas mais tous seront frappés.

Tous n’en mourront pas mais tous seront frappés.

Le coronavirus est un esprit malin : Même ceux qui l’ignorent peuvent en mourir.

Premier mort, et de taille : l’OPEP. La réunion de Vienne s’est terminée sur un échec fatal pour l’Organisation, déjà fragile. Le but de la réunion était de parvenir à une baisse de la production, en accord avec la Russie, pour éviter une baisse des prix. Les Russes ont refusé, considérant qu’ils pouvaient tenir avec un baril à 40 $. Comme les Etats-Unis inondent le marché mondial de pétrole de schiste (Ils sont les premiers producteurs de pétrole du monde), les efforts ne peuvent peser que sur l’OPEP et la Russie. Celle-ci a toujours considérer que le pétrole ne pouvait descendre durablement en dessous de 50 $ le baril, parce que les petits producteurs américains ne sont plus rentables en dessous de ce chiffre. Sauf que les techniques de forage ont changé, le pétrole abonde, la demande chinoise s’effondre.

Les Saoudiens, les grands régulateurs, ont baissé leurs prix immédiatement. Tous les pays liés au pétrole vont souffrir. Déjà, prenant ses précautions sur le front intérieur, le Prince Ben Salman a enfermé trois membres de sa famille qui pourraient lui faire de l’ombre. La crise vient, on verrouille. Comme en Chine, en Russie, ou en Iran. Jusqu’où peut-on aller dans le contrôle quand l’économie s’effondre et que le virus gagne ?

Les conflits ne s’arrêtent pas pendant la crise.

Ils s’accentuent, selon la vieille loi qu’une crise en appelle d’autres. Le Liban est en faillite. Les Israéliens (qui n’ont toujours pas de gouvernement stable malgré les élections) frappent régulièrement les unités iraniennes en Syrie. Frappe aussi les Syriens, engagés contre les Turcs, qui se trouvent face à leurs nouveaux amis Russes. Virus de la guerre qui détruit aussi les hôpitaux, crée des orphelins et des réfugiés. Les Turcs s’en servent pour menacer l’Union européenne d’une nouvelle crise migratoire. Celle-ci parait plus unie pour répondre. Mais la coalition qui gouverne l’Allemagne est fragile, et la crise migratoire pourrait l’achever.

Pendant ce temps, aux Etats-Unis, la campagne électorale commence vraiment. Il ne reste que trois postulants : Sanders, Biden, et Trump. Aucun ne compte revenir sur le désengagement américain. Toutes les audaces électorales seront possibles. Les turbulences de cette année seront plus fortes que les années passées, c’est dire.

L’Europe doit gérer une sorte de refondation, avec sa nouvelle frontière britannique et ses difficiles frontières balkaniques. Sans oublier la Méditerranée, avec l’Algérie au bord de la rupture, l’Italie malade, la Grèce convalescente.

Le réflexe, face au coronavirus, est de s’enfermer, de voir le moins de monde possible. Si on verrouille la porte, il rentrera par la fenêtre. Le chacun pour soi se voit à l’œil nu. Même ceux qui ne l’ont pas seront rattrapés par les désordres qu’il va accentuer.

Les deux seuls pays en Europe capables de se coordonner pour faire face à une crise économique, sociale de grande ampleur sont la France et l’Allemagne. Face à la crise italienne qui s’annonce, le solo américain, les menaces turques, les fragilités de la Méditerranée, les raidissements et les bouleversements probables, France et Allemagne seront-ils capables de mettre en place des politiques communes ? Des politiques nouvelles ?  Comme la capacité de persuasion de la France s’est émoussée, que sa capacité financière est nulle, reste l’Allemagne. La France peut-elle encore dire aux Allemands qu’ils n’ont aucune chance de rester riches et indépendants tout seuls ?

Chaque crise est une chance pour ceux qui la surmontent. Mais pour la dépasser, il faut –un peu– se dépasser. C’est-à-dire sortir de ses habitudes, de sa zone de confort. La crise du coronavirus est un accélérateur, de raidissements, de conflits, de violences, de recherches, de coopérations, de nouveaux investissements. Il ne faut pas seulement une politique de prévention, mais une politique de guérison.

Laurent Dominati

A.Ambassadeur de France

A. Député de Parsi

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