Tensions sur l'apprentissage du Turc en France et conséquences sur les lycées français en Turquie.

Tensions sur l'apprentissage du Turc en France et conséquences sur les lycées français en Turquie.

L’enseignement du turc dans les écoles de la république française, c’est un peu comme l’institution de l’islam turc dans les mosquées françaises. L’État français «sous-traite» à l’État turc qui choisit et salarie lui-même les fonctionnaires (enseignants ou imams) qu’il envoie en France. Ainsi, la France ne débourse pas un sou et la Turquie peut garder la main sur la communauté immigrée d’origine turque.

Lancé par Jack Lang en 1995, ce dispositif souffre aujourd’hui de soupçons de dérives communautaristes et de la dégradation des relations franco-turques. Certes, la France n’a pas comme les Pays-Bas en 2004 interdit l’enseignement du turc (et de l’arabe) dans le primaire et le secondaire. Il y a d’ailleurs un beau projet expérimental de classes bilingues turc/français dans l’Académie de Besançon, intelligemment piloté par Ergun Simsek. Mais dans l’Ouest de la France, le lancement d’une classe de 6e bilingue comprenant pour moitié des élèves franco-turcs, pour autre moitié des élèves français sans attache particulière avec la culture turque s’est heurté à l’incompréhension des autorités académiques.

«Le problème fondamental, c’est que l’enseignement du turc en France est bicéphale, c’est-à-dire qu’il est enseigné soit comme une langue étrangère soit comme une langue et culture d’origine», explique Mehmet Ali Akinci, professeur d’université, spécialiste reconnu du bilinguisme.

Avec du côté «turc langue étrangère», une toute petite équipe (six Franco-turcs et une Française) de professeurs certifiés pour quelques 3.200 élèves de lycée. Et du côté «turc langue et culture d’origine», autour de 200 enseignants (les «Elco») envoyés de Turquie pour cinq ans maximum, choisis et payés (2.105 euros) par le ministère de l’Éducation nationale turque. Eux s’adressent aux 19.261 élèves de primaire et de collège. De façon plus informelle, il arrive aussi aux Elco d’aider les nombreux adolescents qui veulent passer le bac de turc mais ne peuvent suivre de cours dans leur lycée faute d’enseignants.

L’instauration des Elco remonte à 1978. Elle ne concerne pas que les Turcs mais également les Algériens, les Croates, les Espagnols, les Italiens, les Marocains, Les Serbes et les Tunisiens, ainsi que le montre le graphique, ci-dessus, du ministère de l’Éducation nationale.

Macron ne veut plus des fonctionnaires turcs dans les écoles françaises

le Quai d’Orsay et le ministère de l’Éducation nationale n’ont toujours pas droit de regard sur le choix de ces fonctionnaires turcs (203 pour cette rentrée de septembre 2019) qui vont pourtant travailler plusieurs années au sein des écoles publiques françaises.

De l’avis général, ces «enseignants Elco» arrivés de Turquie maîtrisent de moins en moins bien la langue française, voire ne la maîtrisent pas du tout.

«Ils proviennent d’établissements publics. Ils sont professeurs des écoles, en collège et parfois en lycée et ne sont pas vraiment formés pour enseigner à des enfants bilingues», confirme Mehmet Ali Akinci.

Il semble que le recrutement de ces Elco soit de plus en plus difficile. (Cette année, cinq postes n’auraient pas été pourvus). Certains de ces professeurs sont même issus des Imam Hatip (écoles publiques formant des prédicateurs et imams) tandis que des parents d’élèves se sont plaints ici ou là que l’enseignant en charge de leur enfant n’était même pas professeur de turc ou de langues (français, anglais…).

Seulement le fossé se creuse entre régression du service public français et émergence d’un État turc se dotant d’importants outils d’expansion culturelle et d’influence. Exemple: lors des épreuves du baccalauréat 2015, le texte proposé au commentaire des 4.276 candidats traitait de «ce qu’est et de ce que n’est pas la laïcité». Il invitait à réfléchir sur son application comparée en France et en Turquie. Levée de boucliers; des élèves turcs dénoncent ce sujet «vraiment trop dur» et «vraiment très politique».

Emmanuel Macron, selon nos confrères du Point, s’apprête à annoncer la fin du système des Elco pour la Turquie.

La situation pour les parents d’élèves, le corps professoral comme l’encadrement, n’est plus tenable. La pression a monté crescendo depuis plusieurs années…Le ministère s’apprêterait à rompre les accords avec son homologue turque… Quelles conséquences pour les lycées français en Turquie ?

La France ne compte deux établissements français gérés par l’Agence pour l’enseignement du français (AEFE) à l’étranger : le lycée Pierre Loti à Istanbul et le Lycée Charles de Gaulle à Ankara mais en plus de ces lycées, une dizaine d’« écoles françaises et francophones », majoritairement situées à Istanbul sont listées par l’ambassade, notamment la Petite Ecole qui a reçu l’agrément de l’éducation nationale turc ET française.

Alors qu’au début de l’année, les premières tensions apparurent suite au refus de la France de laisser des lycées turcs se créer en France. Inspections surprises, présence policière accrue dans l’environnement proche des élèves et du corps professoral, etc.. On peut craindre une reprise voir une intensification de ces pressions…

Le gouvernement français parie sur la présence de nombreux enfants de dirigeants du parti au pouvoir pour apaiser les tensions.. La diplomatie par l’éducation, une vieille tradition française.

 

 

 

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