Télétravailler pour une entreprise française depuis l’étranger ? 

Télétravailler pour une entreprise française depuis l’étranger ? 

Le recours au télétravail a connu une forte expansion depuis la crise sanitaire de la Covid-19. Mais est-il possible en tant que Français de l’étranger de collaborer comme salarié(e) avec une entreprise française ? Car si Le télétravail présente de nombreux avantages tant pour les salariés que les employeurs et constitue un mode d’organisation du travail plus flexible, le recours au télétravail depuis l’étranger soulève certaines difficultés juridiques. 

Quelle loi est applicable au salarié qui télétravaille depuis l’étranger ?

La difficulté rencontrée provient du fait qu’à la différence des situations de détachement, le télétravail n’est pas directement prévu par les textes européens qui régissent les conflits de loi applicable au contrat de travail. En effet, en l’absence de clause de choix de loi dans le contrat de travail du télétravailleur, les mécanismes prévus par l’article 8 du Règlement (CE) n°593/2008 du 17 juin 2008 (dit Règlement « Rome I ») ne permettent pas nécessairement de déterminer la loi applicable puisque cet article renvoie :

– A la loi du pays dans lequel le salarié accomplit habituellement son travail, à défaut, à partir duquel, en exécution du contrat, le salarié accomplit habituellement son travail ;

– A la loi du lieu où est établi l’employeur, lorsqu’il n’est pas possible de déterminer la loi applicable sur la base du lieu d’exécution du contrat ;

– A la loi d’un autre pays, lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances de l’espèce que le contrat présente des liens plus étroits avec cet autre pays.

Ces critères ne nous semblent pas adaptés pour déterminer la loi applicable dans le contexte du télétravail. En effet, bien souvent, le lieu du domicile du salarié (donc le lieu à partir duquel il télétravaille) ne présente pas de lien avec les éléments de son contrat de travail. On peut penser, par exemple, au cas d’un salarié embauché en France pour prospecter uniquement des clients français mais ayant décidé de télétravailler depuis l’Angleterre.

Dans cette situation, l’exécution du contrat de travail présenterait très peu de lien avec l’Angleterre (hormis le lieu de résidence du salarié) et l’application de la loi anglaise au contrat de travail aurait peu de sens au vu de l’économie générale du contrat.

Quid du contrat de travail ?

Afin de se protéger contre ces incertitudes, l’employeur peut choisir d’intégrer une clause de choix de loi au contrat de travail, laquelle précisera la loi qui sera applicable à la relation de travail. Cet encadrement est néanmoins limité, puisque l’article 8§1 du Règlement Rome I prévoit que la loi choisie par les parties ne saurait faire obstacle aux « dispositions impératives » de la loi qui aurait été applicable au contrat à défaut de choix des parties. 

De nouveau, afin de déterminer quelle loi aurait été applicable à défaut de choix, il convient de faire application des mécanismes décrits ci-avant. Ainsi, même en présence d’une clause de choix de loi, le contrat de travail du télétravailleur peut être soumis à des dispositions issues de lois de pays différents (notamment par le jeu des « dispositions impératives » de la loi applicable à défaut de choix). Cette situation peut s’avérer difficile à gérer pour l’employeur, d’autant plus que la notion de dispositions impératives varie d’un pays à l’autre.

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Le recours au télétravail depuis l'étranger soulève certaines difficultés juridiques

La protection sociale ?

Au-delà des implications liées à loi applicable au contrat de travail, le télétravail depuis l’étranger peut entraîner un changement du régime de sécurité sociale applicable au salarié. A la différence des dispositions relatives au détachement de salariés, qui prévoient que les salariés peuvent rester affiliés au régime de sécurité sociale français pendant une durée de 24 mois, les textes applicables dans l’UE ne permettent pas de maintenir le salarié télétravaillant depuis l’étranger au régime français de sécurité sociale.

En effet, le salarié établi à l’étranger (mais non détaché) est en principe soumis à la législation de sécurité sociale du pays dans lequel il exerce une « partie substantielle de son activité », qui est fixée à 25% du temps de travail et/ou de la rémunération en vertu des règlements européens applicables.

Le recours au télétravail depuis un pays membre de l’UE ou lié par les règlements précités, dans une proportion supérieure à 25% du temps de travail, entraîne donc en principe une modification de l’affiliation du salarié au profit du régime de sécurité sociale de l’Etat de résidence. Dans le cas d’un recours au télétravail depuis un pays tiers à l’UE, la situation se complique davantage en l’absence d’une convention bilatérale conclue entre la France et l’Etat tiers de résidence venant résoudre la question de la loi applicable en matière de sécurité sociale.

Dans cette hypothèse, une affiliation volontaire à la Caisse des Français de l’Etranger (« CFE ») reste toutefois possible, afin de maintenir le rattachement du salarié au système de sécurité sociale français.

Une solution : Prévoir une charte

Le télétravail à l’étranger pour les salariés est encore quelque chose de rare et de mal encadré au sein des entreprises. Pour protéger vos conditions de travail, vous pouvez demander à votre employeur de faire figurer des clauses dans votre contrat ou même une charte spéciale télétravail. Par exemple, prévoir ce qui se passe en cas d’accident du travail, de maladie ou encore de maternité à l’étranger.

Par ailleurs, sachez que vos frais doivent être remboursés comme en France. Dans l’hexagone, votre employeur doit rembourser les frais que vous engagez pour votre travail : frais de déplacement, frais de connexion Internet, matériel nécessaire… Et d’après Indeed, il doit également le faire si vous êtes à l’étranger !

Où partir ?

Pour répondre à l’engouement des occidentaux pour le télétravail sous le soleil, de nombreux pays ont créé des visas spéciaux afin d’attirer les nomades numériques. On vous donne quelques exemples :

  • Géorgie : ici le visa s’appelle Remotely from Georgia, et est pour vous si vous prévoyez de rester plus de 180 jours, d’après le New York Times,repris par Courrier Expat.
  • Brésil : le visa Vitem XIV permet aux personnes “sans contrat de travail au Brésil, dont l’activité professionnelle peut être pratiquée à distance”de venir au Brésil. Entre autres, il sera demandé comme pièces justificatives une assurance santé et un contrat de travail, selon le gouvernement brésilien.
  • Île de la Barbade : le visa Welcome Stamp est proposé pour venir travailler pendant un an, d’après une agence touristique spécialisée de l’île. S’il est accessible à n’importe qui, il faut quand même justifier d’un salaire annuel d’au moins 50 000 dollars américains et payer le visa individuel 2 000 dollars, ce qui n’est pas pour tout le monde !
  • Dubaï : pendant une année, qui peut être renouvelée, vous pouvez venir télétravailler à Dubaï. Ce qu’il faut pour obtenir le visa ?Prouver que vous travaillez bien pour une entreprise située en dehors des Émirats arabes unis et gagner au moins 5 000 dollars par mois.

Quelles sont les conditions pour partir télétravailler hors de France ?

Évidemment, vous ne pouvez pas partir où vous voulez sans prévenir personne. Quelques obligations à prendre en compte :

  • Prévenir votre employeur : en étant sous contrat, vous vous devez de le prévenir et de lui demander son accord avant de prendre une telle décision. Bien sûr, si cela ne l’arrange pas pour le bon fonctionnement de l’entreprise que vous soyez à des milliers de kilomètres, il peut refuser.
  • Penser à la sécurité sociale : la couverture de protection sociale française du salarié qui part télétravailler à l’étranger ne perdure que s’il ne passe pas plus de 25 % de son temps de travail dans un pays de l’Union européenne. Au-delà, il faudra s’inscrire à l’organisme de protection sociale de votre pays de télétravail. Pour une destination hors UE, il faut voir s’il existe un accord bilatéral entre la France et le pays choisi.
  • Penser au décalage horaire : si cela ne fait pas partie des obligations légales, ne pas négliger non plus le décalage horaire ! Si vous devez vous lever au beau milieu de la nuit pour participer à des réunions en visio avec votre équipe en France, il vaut mieux le savoir avant de partir.

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