Singapour, le violoncelle et l'ambassadeur

Singapour, le violoncelle et l'ambassadeur

Marc Abensour vient de quitter ses fonctions d’ambassadeur de France dans la cité-Etat de Singapour. Un départ en musique, salué par tous, à l’image de l’action de ce diplomate qui occupa ce poste pendant 6 ans, une exception dans le monde feutré du Quai d’Orsay alors que la durée d’un mandat usuel d’un ambassadeur est normalement de 3 à 4 ans maximum.

Un diplomate de carrière

A l’heure où le gouvernement veut réformer le corps diplomatique pour permettre à l’exécutif de nommer des ambassadeurs ou autres responsables de la diplomatie française des personnalités en dehors des fonctionnaires ayant réussi le concours, Marc Abensour est un diplomate de carrière, pur produit de la méritocratie française. Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé de philosophie, il a été étudiant d’échange dans le département des études sur l’Asie orientale à l’Université d’Harvard en 1993/1994.

Comme chaque nouveau diplomate, Marc Abensour a commencé par une immersion sur le terrain en étant successivement en poste en tant que premier secrétaire à l’ambassade de France en Chine de 1996 à 2000 et à l’ambassade de France aux Etats-Unis de 2000 à 2002. L’Asie, il en fit son dada, en choisissant en 2003 de postuler au poste de sous-directeur d’Extrême-Orient qu’il occupa jusqu’en 2005. Puis il s’occupa au ministère des Affaires étrangères des questions industrielles et des exportations sensibles de 2005 à 2008, là aussi, comme sous-directeur.

Puis de 2008 à 2012, il a été Représentant permanent adjoint de la France au Conseil de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), où il a notamment contribué au processus par lequel la France a repris toute sa place au sein de l’organisation. Pour cela, il bénéficia de la confiance de Nicolas Sarkozy, alors Président de la République.

Et pourtant, lors de l’arrivée de François Hollande, son talent continua d’être reconnu. En effet, il fut nommé directeur pour les affaires internationales, stratégiques et technologiques du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité Nationale (service du Premier ministre) en 2012 et 2013 avant de conseiller le ministre de la Défense en 2014.

Fort de son expérience professionnelle qui couvre principalement les affaires asiatiques et les questions politico-militaires, il fut nommé en 2016 ambassadeur à Singapour, par François Hollande, avant d’être confirmé par Emmanuel Macron.

Singapour, une cité-Etat étonnante

Tout d’abord, penchons-nous sur Singapour. Cette cité-Etat est peu connue des Français, et ce alors que les Français y sont de plus en plus nombreux. Les entreprises françaises basées à Hong-Kong, lassées des incertitudes politiques, des difficultés économiques liées à un confinement qui ne finit pas, ont été nombreuses à partir pour Singapour… Et l’ambassadeur n’y est pas pour rien !

Et pourtant, Singapour n’est pas forcément la destination « rêvée » pour les occidentaux. Son écosystème est fondé sur la « méritautocratie » soit un savant mélange entre méritocratie individuelle et autocratie collective. La société y est dominée par la figure tutélaire du « père de la nation », Lee Kuan Yew, Premier ministre pendant plus de trente ans à partir de 1959. Un leader dont les débuts furent marqués par un projet avorté de fusion avec la Malaisie en 1963, puis une guerre contre l’Indonésie en 1965.

Si Singapour est un pays minuscule (seulement 50 kilomètres sur 26), son positionnement fondé sur la stabilité, la quiétude et l’innovation permanente remporte un vif succès. Singapour est, en effet, avec Israël, par bien des côtés son jumeau, même si les autorités locales se voient plutôt comme la « Suisse de l’Asie du Sud-Est », le petit pays le plus avancé au monde en technologie et particulièrement en intelligence artificielle. Une technologie qui est sa colonne vertébrale, tant en termes de gouvernance – la fameuse « Smart Nation data-driven » – que de business et même de soft power, quand on constate que l’Égypte utilise une plateforme de popularisation de l’AI conçue par la National University of Singapore.

L’action de Marc Abensour

Dans des domaines comme la smart city, la fintech, la santé, la 3D et la réalité virtuelle, ainsi qu’en matière d’enseignement supérieur et de recherche, Marc Abensour a renforcé la présence française et le rayonnement de ses entrepreneurs.

Il a aussi accompagné L’ESSEC et L’INSEAD dans le déploiement de leur cursus, comme Sciences Po qui a mis en place un double diplôme. Toujours dans l’éducation, il a guidé de grandes universités afin de créer des partenariats d’échange et de recherche avec des universités singapouriennes. Autre succès à son action, Le CNRS, qui avec son projet sur l’accompagnement du vieillissement, a rejoint CREATE, un programme de très grande envergure et d’excellence qui rassemble les plus grands instituts mondiaux de recherche.

Marc Abensour lors de la réception du 14 juillet 2019

Autre volet qui fut prioritaire pour Marc Abensour, l’entreprenariat. Dans cette optique, il facilita le développement de La French Tech , qui fut lancée en présence du Président de la République et qui depuis a générè de nombreuses opportunités pour les entreprises françaises.

Ce lourd planning ne l’a pas empêché de participer pleinement à la vie de ses compatriotes installés sur place. Il s’appuya sur eux pour réussir sa mission, une attitude qui mérite d’être soulignée et qui devrait être généralisée à la vue du succès du mandat de Marc Abensour. Attaché à Singapour, il enregistra, avec l’ambassade, un concerto au violoncelle, qu’il offrit aux Français sur place et à tous les francophiles via la page Facebook de l’ambassade. Une humanité que tous les Français de l’étranger voudraient retrouver chez leurs consuls ou ambassadeurs.

Écoutez le concert de Marc Abensour

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