Russie : les premières sanctions de l'UE

Russie : les premières sanctions de l'UE

Mardi 22 février, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont adopté à l’unanimité une première série de sanctions à l’encontre de la Russie : ajout d’hommes et de responsables politiques sur la liste noire de l’UE, interdiction de négocier la dette souveraine russe sur les marchés financiers européens et restrictions des importations et des exportations avec les entités séparatistes pro-russes d’Ukraine.

Ces mesures, prises en concertation avec les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada, « feront mal à la Russie, très mal », a déclaré Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’Union, à la presse à l’issue de la réunion extraordinaire.

Cette série de mesures intervient en réponse à la décision du président russe Vladimir Poutine, prise lundi 21 février, de reconnaître l’indépendance des régions de Donetsk et de Louhansk, contrôlées par des séparatistes pro-russes, puis d’y déployer des troupes, tout en continuant à nier toute intention d’envahir l’Ukraine. Ces actions ont amené les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne à discuter d’éventuelles mesures punitives.

La reconnaissance officielle par la Russie de deux régions séparatistes dans l’est de l’Ukraine est « illégale et inacceptable », ont déclaré lundi le président du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en exposant dans une première déclaration les propositions relatives à la première étape du paquet de sanctions.

Ce paquet vise spécifiquement les personnes et entités qui ont joué un rôle dans la décision illégale de reconnaître les régions séparatistes et concerne notamment les 351 membres de la chambre basse du parlement russe ayant voté en faveur dune reconnaissance. Les dix-sept autres membres de cette chambre, qui se sont quant à eux abstenus et se sont opposés à une reconnaissance, ne sont pas concernés par les sanctions.

En revanche, Vladimir Poutine ne figure pas sur la liste des sanctions, a confirmé M. Borrell.

La liste comprend vingt-sept personnes et entités « qui jouent un rôle dans l’atteinte ou la menace de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance de l’Ukraine », notamment des militaires, des opérateurs économiques et des responsables de la désinformation.

Les cibles feront l’objet d’un gel des avoirs et d’une interdiction de voyager, ce qui signifie qu’elles ne seront pas autorisées à entrer ou à transiter sur le territoire de l’UE.

Les mesures prévoient également l’interdiction de négocier en Europe la dette souveraine russe et visent plus généralement la capacité de l’État et du gouvernement russes à accéder aux marchés des capitaux et aux marchés et services financiers de l’UE, et ce dans le but de limiter leur capacité à financer leurs politiques.

Les banques impliquées dans le financement des activités séparatistes dans l’est de l’Ukraine pourraient également être ciblées.

Les deux régions séparatistes seront également exclues d’un accord de libre-échange entre l’UE et l’Ukraine, « afin que les responsables ressentent clairement les conséquences économiques de leurs actions illégales et offensives », peut-on lire dans le communiqué.

Par ailleurs, M. Borrell a salué la décision de l’Allemagne de mettre un terme au projet controversé de gazoduc Nord Stream 2 après l’incursion de la Russie en Ukraine, ce qui, selon lui, « vient compléter » ce premier ensemble de sanctions.

Borrell
Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité

Les prochaines étapes des sanctions

Ce premier ensemble de sanctions devrait être finalisé et signé par les ambassadeurs de l’UE dans le cadre d’une procédure écrite (procédure accélérée) au plus tard mercredi matin (23 février).

Josep Borrell a admis que l’Union européenne « aurait pu aller plus loin », mais a déclaré que des compromis devaient être faits afin de tenir compte des positions de tous les pays.

Le bloc est prêt à imposer de nouvelles sanctions si la situation à la frontière se détériore et devient encore plus violente, a-t-il néanmoins indiqué.

« Nous ne voulions pas montrer toutes nos cartes dès le début », a-t-il ajouté, qualifiant le paquet de mardi de « premier pas ».

« Nous avons peur, nous pensons que cette histoire n’est pas terminée », a confié le chef de la diplomatie européenne.

L’UE considère les mesures discutées mardi comme la première série de sanctions d’un paquet qui pourrait avoir jusqu’à quatre paliers, affirment plusieurs diplomates européens.

« Nous pouvons augmenter l’intensité en fonction de l’évolution de la situation », a déclaré un fonctionnaire européen, ajoutant que l’UE avait coordonné son action avec les États-Unis dans la nuit et que cela faisait écho aux sanctions prises lorsque la Russie a annexé la Crimée en 2014.

Prendre des mesures pour limiter ou interdire l’accès de la Russie au système mondial de paiements interbancaires SWIFT, basé en Belgique et utilisé pour les transferts d’argent russe, « ne fait pas partie de ce premier paquet », a déclaré un responsable de l’UE, sans dire si cela pouvait être ajouté ultérieurement.

Les réticences de certains États membres

Cependant, malgré la rapidité des discussions sur la première série de sanctions, tous les États membres de l’UE ne sont pas d’accord lorsqu’il s’agit de la Russie ou de leur dépendance gazière vis-à-vis de Moscou.

Cela pourrait potentiellement compliquer l’adoption des prochaines étapes des sanctions, certains fonctionnaires et diplomates de l’UE ayant exprimé la crainte qu’elles soient affaiblies en raison de ces préoccupations.

Les fonctionnaires et les diplomates de l’UE ont déclaré que les États membres de l’UE pourraient être regroupés en trois camps, en fonction de leur niveau d’engagement en faveur des prochaines étapes dans le cadre du paquet de sanctions.

Certains États membres de l’UE, comme l’Autriche, la Hongrie et l’Italie, considérés comme les plus proches alliés de Moscou dans l’Union, préféreraient des sanctions plus limitées, soit pour éviter de provoquer Vladimir Poutine, soit pour éviter d’éventuelles retombées économiques au niveau national.

Toutefois, concernant les rumeurs selon lesquelles l’Autriche et l’Allemagne tenteraient d’adoucir les sanctions de l’UE, le chancelier autrichien Karl Nehammer, s’exprimant mardi matin (22 février) à l’issue d’une réunion du cabinet de crise, a déclaré qu’il s’agissait « au mieux de rumeurs et très probablement du résultat des campagnes de désinformation qui vont de pair avec les conflits ».

« Au contraire, l’Autriche a toujours manifesté son soutien total à la Commission européenne lorsqu’il s’agit d’établir des signaux clairs face à l’agression russe », a-t-il ajouté.

Les modérés souhaitent qu’une gamme complète de mesures discutées ces dernières semaines pour le cas d’une invasion russe de l’Ukraine soit déployée en cas de nouvelle escalade de la part de Moscou.

Les États membres des pays baltes et d’Europe centrale et orientale sont favorables à l’imposition immédiate de sanctions sévères, au motif que la Russie fait déjà preuve d’agressivité militaire à l’égard de l’Ukraine simplement en reconnaissant les entités séparatistes.

« La façon dont nous réagirons en tant qu’Union européenne définira notre caractère et l’avenir de l’Europe », a estimé le vice-ministre lituanien des Affaires étrangères, Arnoldas Pranckevicius, devant les journalistes à Bruxelles.

Les mesures prises par les partenaires de l’UE

Depuis des semaines, les États-Unis et leurs alliés occidentaux préviennent qu’une invasion totale de l’Ukraine par des forces russes entraînerait des sanctions économiques dévastatrices.

Les États-Unis ont déjà imposé des sanctions limitées lundi (21 février), mais se sont abstenus de mettre en place des sanctions qui, selon eux, feraient de la Russie un « paria international ». Les observateurs se sont demandé ce qui pourrait réellement déclencher ces sanctions pour le Président Joe Biden.

Une conférence de presse de la Maison-Blanche avec de nouvelles annonces est prévue pour mardi soir (22 février).

Mardi 22 février, la Grande-Bretagne a imposé des sanctions à cinq banques et trois milliardaires russes, dans le cadre de ce que le Premier ministre Boris Johnson a appelé « le premier barrage » de mesures prises en réponse aux actions du Kremlin en Ukraine.

Dans le cadre d’une réponse occidentale coordonnée, les cinq banques visées par la Grande-Bretagne — Rossiya, IS Bank, General Bank, Promsvyazbank et Black Sea Bank — et les trois personnes sanctionnées verront leurs avoirs au Royaume-Uni gelés.

Les personnes concernées — Gennady Timchenko, Boris Rotenberg et Igor Rotenberg — se verront interdire l’accès au Royaume-Uni et il sera interdit à toutes les personnes et entités britanniques de traiter avec elles et avec les banques.

La Suisse s’est quant à elle abstenue d’imposer des sanctions à la Russie, mais elle réévaluera la situation une fois que l’UE aura annoncé son paquet de sanctions, avait annoncé la secrétaire d’État suisse Livia Leu aux journalistes plus tôt ce lundi.

Après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, la Suisse avait fait un pied de nez à d’autres partenaires occidentaux en ne prenant pas part aux sanctions, mais elle avait décidé que le pays ne pouvait pas être utilisé pour contourner les sanctions de l’UE. Bien qu’ayant un effet similaire au final, Berne avait alors été critiqué pour avoir envoyé le mauvais message politique à Moscou.

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