Ron DeSantis, le nouvel homme fort de la droite américaine

Ron DeSantis, le nouvel homme fort de la droite américaine

Il vient de renoncer à la course à la présidence et a annoncé son soutien à la candidature de Trump aux primaires. Malgré ce retrait, Ron DeSantis le tonitruant gouverneur de Floride de 45 ans apparaît comme incontournable dans le paysage politique américain. Flore Kayl et Laure Pallez se sont passionnées pour cette figure politique marquante qui a creusé son sillon parmi les Républicains américains.

Leur livre Ron DeSantis est publié chez VA éditions, une maison de Versailles spécialisée dans les parutions d’essais économiques et politiques. Il a été écrit par deux résidentes de l’Etat de Floride et s’appuie donc sur une connaissance de terrain du monde politique américain. Laure Pallez est une ex-élue des Français de Floride et est aujourd’hui   animatrice d’un think tank s’intéressant aux questions internationales. Flore Kayl est quant à elle consultante en stratégie de marques.

Mais sur le fond pourquoi s’intéresser à Ron DeSantis aujourd’hui ? Le livre offre des réponses précises et argumentées à cette question.

Pendant les primaires il a pu apparaître comme une alternative possible à un Trump revanchard et populiste. Mais ce dernier possédait trop d’avance sur lui avec une base électorale puissante.  Malgré le retrait, le parcours de DeSantis reste cohérent et ascensionnel. DeSantis est en effet l’incarnation d’un « modèle floridien » qui a restructuré l’univers idéologique républicain au moment où le Parti conservateur cherche à exister face à un Trump en roue libre. Lire ce livre s’est donc investi sur une figure politique qui va certainement beaucoup compter dans les années qui viennent. Un bon investissement de lecture donc.

Un parcours presque sans faute

Formé au droit à Harvard, le jeune DeSantis est un étudiant brillant qui va rapidement se forger des convictions conservatrices très affirmées, que ce soit contre l’avortement ou le wokisme. Ses premières expériences professionnelles dans la Navy puis comme enseignant à la Darlinghton School lui permettent d’affirmer son style déterminé et parfois provocateur. Jeune enseignant, il se fait remarquer par des prises de position tranchées. Il assimile ainsi la guerre de Sécession à une simple opposition entre deux modèles économiques et minore le sujet de l’esclavage au grand étonnement de certains de ses élèves. 

C’est d’ailleurs une des caractéristiques principales de cet homme devenu gouverneur de Floride en janvier 2019 que de jeter des pavés dans la mare. Courage politique diront certains, inutile provocation répondront d’autres.

Ron DeSantis
Ron DeSantis et sa famille

Aller au bout de ses idées

Sa notoriété au plan national est due très clairement à un de ces coups d’éclat risqués : Il brave le confinement décidé au niveau national en avril 2020 et autorise moins d’un mois plus tard la reprise du travail en Floride. Le succès économique sera au rendez-vous. La Floride prospère et traverse la crise sanitaire indemne. Il sort alors du rang politique et complète ainsi habilement un parcours de forte tête qui, élu au congrès en 2012, s’était déjà illustré comme hostile à l’establishment de Washington. 

La ligne directrice de ce livre publié en décembre 2023 est de dresser le portrait d’un homme qui va au bout de ses idées. La Floride est devenue son laboratoire politique et son terrain d’expérimentation en tant que gouverneur. Il y a interdit l’avortement au-delà de 6 semaines (sauf en cas de viol), interdit les discussions de genre et sur la sexualité pour les enfants scolarisés en primaire, il a aussi libéralisé la vente d’armes. Il a également limité les possibilités d’investissement de ressortissants de sept pays considérés comme hostiles, dont l’Iran la Chine et Cuba. Il apparaît comme un homme qui ne recule pas et assume un anti-communisme très net, un marqueur politique traditionnel chez les Républicains. 

Une stratégie qui vise la classe moyenne

Sa stratégie politique était très nettement distincte de celle de Trump.

« DeSantis tente de cibler la classe moyenne travailleuse, les salariés et les patrons de PME », « il veut diriger pour la classe moyenne » quand Trump vise à dessein la communauté « blanche et oubliée ». Stratégie pour l’instant perdante avec ces primaires promises à Trump, la stratégie pourrait être réactivée pour les prochaines échéances électorales.

Le gouverneur possède en son épouse un atout majeur pour voyager loin en politique : Jill Casey Black, une ex-journaliste, lui apporte ses conseils politiques et son soutien sans faille. Le couple au catholicisme affiché à trois enfants. Les médias la comparent volontiers à Jacky Kennedy, femme de tête et de pouvoir à l’élégance remarquable.

C’est grâce à ses conseils sur les médias que DeSantis est parti à la conquête du public de la chaine Fox News, au point que DeSantis peut faire varier ses positions pour coller au sondage des spectateurs de la chaîne conservatrice. 

Un bras de fer contre Disney mal venu

Son bras de fer avec Disney lui a cependant nettement coûté en termes d’image. Une ombre au tableau de son parcours brillant ; Il a orchestré une campagne contre le progressisme des dirigeants du parc d’attractions en Floride en faisant supprimer les avantages fiscaux qui existaient depuis les années 60. Ce bras de fer s’est révélé coûteux car DeSantis, l’homme à poigne, a pu apparaître sur ce dossier comme inutilement revanchard et agressif. 

Clivant, DeSantis le reste pleinement mais il peut apparaître comme un républicain classique face au discours de rupture populiste de Trump. Il travaille plus pour le long terme et pourrait occuper un poste en vue dans l’administration Trump.

Il a clairement pour lui la jeunesse, trente ans de moins que l’ex-Président et un positionnement politique qui offre des marqueurs puissants : chrétien, attaché au libéralisme et à la défense des libertés qui rappellent furieusement le reaganisme dont il apparaît comme le principal héritier.  « Il a offert au parti républicain de nouveaux chevaux de bataille qui le distinguent des démocrates » comme le disent les autrices en conclusion. 

Nul doute que DeSantis a déjà remporté un combat d’idées en posant sur la table une doctrine politique cohérente au service d’une ambition tenace.  Un retrait des primaires pour mieux rebondir ensuite.

Ron DeSantis
Laure Pallez

Interview de Laure Pallez et Flore Kayl

Boris Faure : « DeSantis vient de renoncer à la candidature. Comment analysez-vous ce retrait ? »

Laure Pallez : « La base MAGA revancharde aura eu raison de la candidature du gouverneur de Floride et de sa coûteuse campagne, son avenir politique reste ouvert car d’abord le gouverneur n’a que 45 ans, ensuite il occupera peut-être un poste de VP sous Trump 2 et enfin la guerre contre le wokisme dont il est le père spirituel n’a jamais été aussi intense que depuis le 7 octobre 2023. Affaire à suivre. »

Ron DeSantis
Flore Kayl
Boris Faure : « DeSantis est en train d’offrir une nouvelle doctrine au parti républicain. Le combat culturel gagné peut-il l’emmener un jour à Washington ? »

Flore Kayl: « Florida is where woke goes to die ». Cette célèbre déclaration de Ron DeSantis est sans ambiguïté : le jeune gouverneur de Floride a fait de sa lutte contre le wokisme un des principaux chevaux de bataille de sa campagne pour les élections présidentielles de 2024.

La guerre culturelle a une portée nationale, et nombreux sont les États qui ont été influencés par les fameuses lois floridiennes dites Don’t Say Gay et Stop WOKE votées dans le Sunshine state au printemps 2022. 510 projets de loi anti-LGBTQ ont été présentés en 2023 aux États-Unis [1], trois fois plus que l’année précédente, un record en matière d’attaques sur la communauté LGBTQ.

Mais à elle seule la guerre culturelle ne peut pas suffire pour gagner les élections générales présidentielles. La société américaine dans son ensemble est progressiste et d’après un sondage de l’institut de recherche Pew en 2019[2], 72% de la population estime que l’homosexualité doit être acceptée par la société, chiffre corroboré par des sondages plus récents.[3]

RonDeSantis, en dehors sa lutte anti-woke, aura tenté de s’appuyer sur l’insolente croissance de la Floride pour vanter ses compétences en matière d’économie, ainsi que sur une position très ferme sur l’immigration. Son programme de campagne ne se différenciait pas assez de celui de Donald Trump et le vieux lion a rugi plus fort.

Rendez-vous en 2028 pour le candidat Ron DeSantis qui représente la nouvelle garde des Républicains et qui comptera dans le paysage politique américain de ces prochaines années. »

[1] https://www.cnn.com/politics/anti-lgbtq-plus-state-bill-rights-dg/index.html

[2] The global divide on acceptance of homosexuality, Pew Research Center – 24 juin 2020

[3] Homosexuality in the United States – Statistics and Facts, Statista Research Department – 9 novembre 2022

Laisser un commentaire

Laisser un commentaire