Nous avons rencontré Amine El Khatmi, le co-fondateur et président du Printemps Républicain à l’occasion de la présentation de son nouveau livre « Printemps républicain » (Editions de L’Observatoire) à la librairie Filigranes située à Bruxelles. Entouré de personnalités de la communauté française et de représentants de la classe politique belge (Olivier Maingain, Viviane Teitelbaum), ainsi que de Nadia Geerts, militante laïque bien connue au plat pays, de Fadila Maaroufi (Observatoire des Fondamentalismes), il a détaillé la vision de son mouvement pour la France et l’Europe.
Lors de notre rencontre, nous avons voulu évoquer avec lui la laïcité. Depuis 2 ans, cette vision du rapport entre l’Etat français et la foi de ses citoyens est décriée dans de nombreux pays. Souvent mal comprise par les autres nations, elle confronte les expatriés à cette incompréhension et à des questions. Pire, la laïcité à la française devient un outil d’intolérance et de discrimination dans la bouche de ses ennemis. Avec Amine El Khatmi, nous faisons le point et il nous donne des pistes pour expliquer la laïcité quand on est expatrié(e).
« Ce n’est un outil de persécution contre personne »
La première des réflexions que peut entendre un(e) expatrié(e), c’est que la laïcité française est un héritage révolutionnaire anticlérical qui aujourd’hui se concentre contre les musulmans. La laïcité est donc réduite à une simple expression : « l’intolérance religieuse ». Ce n’est bien sûr pas le cas. Comme nous le rappelle Amine El Khatmi, la laïcité, c’est avant tout la possibilité pour tous de pratiquer librement sa religion, car justement celle-ci est réservée à l’espace privé.
« Un concept simple : les affaires de l’Etat sont arrachées au temps religieux «
Amine El Khatmi , Président du mouvement « Printemps Républicain »
La laïcité c’est donc la liberté de conscience, de croire en Dieu, en plusieurs dieux, ne pas croire, d’adopter ou d’abandonner une religion. La laïcité c’est un projet politique avant tout, au-delà d’une succession de textes, elle porte la volonté d’émancipation des peuples. La loi de 1905, complétée par celle de 2004 sur l’école puis par celle de 2010 qui pose l’interdiction de la dissimulation du visage, ne fait que poser ces libertés et les garantir à tous.
Protéger les plus faibles
On l’oublie mais la laïcité à la française est née d’un long processus pour libérer les Français d’oppositions basées sur l’appartenance à telle ou telle religion. C’est hantés par les massacres des deux siècles précédents des guerres de religions que les Républicains, du XXème siècle naissant, ont imaginé cette séparation des pouvoirs spirituel et temporel.
« La laïcité : c’est un principe de liberté «
Amine El Khatmi , Président du mouvement « Printemps Républicain »
Aujourd’hui, la laïcité n’a qu’une seule ambition, réunir tous les Français de toutes confessions, sous le drapeau de la République. Aujourd’hui, elle est l’outil pour protéger les femmes de l’asservissement, pour promouvoir l’égalité entre les deux sexes, mais aussi garantir la liberté d’expression. Charlie Hebdo peut, on ne le dira jamais assez, caricaturer le Pape comme l’Islam. Non pour humilier les croyants, non pour insulter les idoles de l’un ou de l’autre, mais parce que les religions ne sont plus sacrées, elles sont une croyance personnelle qui ne doit pas intervenir dans la vie commune, dans celle de la cité, tout simplement dans le champ politique dans son sens premier.
En France, sauver la République ?
Amine El Khatmi fut un élu socialiste d’Avignon, « la cité des papes ». Issu des quartiers, d’origine modeste, il représente le succès de l’intégration à la française. Aujourd’hui, loin des discours officiels, il pose un constat sans appel sur la situation de certains « territoires perdus de la République ». Pour lui, sous cette expression utilisée avec excès dans certains médias, il y a cependant un fond de vérité. Et il s’en inquiète.
« Ce n’est pas que la laïcité, c’est la République qui doit se réinstaller dans ces territoires«
Amine El Khatmi , Président du mouvement « Printemps Républicain »
Il s’alarme de voir des religieux qui se sont implantés en créant des écoles, combiner leurs forces avec les réseaux criminels. Pour lui, c’est cette union qui est la source des violences qui balaient certains quartiers. Il fait un dur constat : « chaque force a un intérêt dans cette union alors que l’Etat a déserté. »
« C’est un constat, dans ma cité à Avignon je vois cette réalité«
Amine El Khatmi , Président du mouvement « Printemps Républicain »
Cependant Amine El Khatmi se distingue des Eric Zemmour et autres nostalgiques d’une France disparue. Il porte au contraire un message positif : « La France n’est pas en péril, ce n’est pas définitif. » C’est le sens de son engagement.
Une ambition pour 2022
Le Printemps Républicain a été fondé par des membres de l’aile droite du Parti socialiste, des anciens strauss-kahniens, des affiliés à Manuel Valls, etc. Mais sous l’impulsion de son jeune président, Amine El Khatmi, le Printemps Républicain largue les amarres et a désormais ses propres ambitions. L’objectif ce n’est pas la présidentielle, mais les législatives.
Etape importante pour un parti, chaque voix permet d’obtenir un financement de l’Etat tout au long de la mandature à venir même sans élu. Mais Amine El Khatmi et les membres de son mouvement voient grand, ils estiment que 12 sièges pourraient être emportés. Même si, de son propre aveu, les expatriés sont l’angle mort de son programme, il se dit dans les couloirs que des candidats pourraient être présentés dans les circonscription des Français établis hors de France. Au vu du succès de la rencontre à Bruxelles, le Benelux serait une des premières circonscriptions visées.
Des députés pour quoi faire ?
Le Printemps Républicain veut présenter des candidats qui vont porter des valeurs de gauche et des actions concrètes. Tiré de son expérience, le premier projet de loi que veut porter Amine El Khatmi portera sur une réorganisation des « cités » et grands ensembles urbains.
« Il faut casser les ghettos«
Amine El Khatmi , Président du mouvement « Printemps Républicain »
Pour Amine El Khatmi, il faut limiter les logements sociaux dans un quartier à moins de 45% et à moins de 25% de familles étrangères (première génération d’immigrés) pour éviter l’absence de mixité culturelle. Le fil conducteur des démarches du Printemps Républicain c’est la République et la laïcité qui sont les socles de la société française. Le chemin semble encore long mais aujourd’hui la grande majorité des Français, vivant en France ou expatriés, reste attachée à ces valeurs.
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