Mise à jour le 15 avril 2023 à 09h21 (CET)
« Ce soir, il n’y a ni vainqueur, ni vaincu« , c’est par cette phrase que la Première ministre, Elisabeth Borne, a commenté la décision du Conseil constitutionnel de ce 14 avril. Dans son avis publié à 18h, les Sages ont validé la loi comprenant la réforme des retraites à l’exception de quelques dispositions mineures qui étaient pourtant favorables aux cotisants comme le déplore le leader du Parti communiste, Fabien Roussel.
« La décision du Conseil constitutionnel fait que cette loi est amputée de toutes les mesures dites sociales qu’il y avait dedans »
Fabien Roussel, secrétaire générale du Parti communiste français
La retraite à 64 ans
Emmanuel Macron l’a annoncé, quelques minutes après la communication de la décision du Conseil constitutionnel, il promulguera la loi instaurant l’âge légal du départ à la retraite à 64 ans dès ce week-end. Ce fut fait dès le soir avec la promulgation du décret portant sur la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
Un empressement que ne comprend pas l’opposition. Ainsi le député LFI de la Somme François Ruffin a dénoncé sur Twitter le report de l’âge de la retraite de 62 à 64 ans validé par le Conseil constitutionnel, estimant « le peuple ignoré » par cette décision. Même son de cloche pour le leader de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui a déploré une décision qui, pour lui, montre que le Conseil constitutionnel « est plus attentif aux besoins de la monarchie présidentielle qu’à ceux du peuple souverain. La lutte continue et doit rassembler ses forces.«
« Le Président ne doit pas la promulguer. Restons mobilisés derrière l’intersyndicale ! »
Le chef de file EELV Yannick Jadot
A l’autre bout de l’échiquier, la députée Rassemblement National Marine Le Pen a réagi sur Twitter ce vendredi à l’annonce de la validation partielle de la réforme des retraites par le Conseil constitutionnel, assurant que la partie n’était pas encore jouée.
« Le peuple ayant toujours le dernier mot, il lui appartiendra de préparer l’alternance qui reviendra sur cette réforme inutile et injuste »
Marine Le Pen se projetant déjà en 2027
A droite, c’est surtout la légitimité du Conseil constitutionnel et par ricochet celle de la Vème République qui est au coeur des messages des élus « Les Républicains ». Comme leur président, Éric Ciotti qui a appelé « ‘toutes les forces politiques » à « accepter » la décision du Conseil constitutionnel. Ils répondent ainsi à certaines personnalités de l’extrême gauche qui visent, à travers leurs commentaires, nos institutions.
Rejet des « cavaliers sociaux »
Si la validation de l’âge de 64 ans retient toutes les attentions, le Conseil constitutionnel a tout de même rejeté une partie du texte. Des éléments qui n’étaient pas liés directement au financement de la sécurité sociale, qui ne l’oublions pas, était l’objet de la loi qui inclut ladite réforme tant contestée.
Et logiquement, en pure application du droit, ce sont les ajouts du gouvernement pour tenter de satisfaire les syndicats et l’opposition qui ont été considérés comme contraires à la constitution.
Comme l’expérimentation du CDI senior, était-elle vraiment liée au financement de la protection sociale en France ? L’index senior qui vise à mesurer l’emploi des seniors dans les entreprises avait-elle également sa place dans le texte ? Les membres de la rue de Montpensier ont dit non, y voyant ce qu’on appelle des « cavaliers sociaux ».
Le « suivi individuel spécifique » pour les salariés ayant des métiers pénibles est également retoqué.
Le Conseil constitutionnel y a vu ce qu’on appelle « des cavaliers budgétaires » et a donc censuré ces dispositions. Cette décision n’est pas vraiment une surprise car elle s’inscrit purement dans le respect des règles de la Vème République.
« Tout ce qui est hors champ financier peut être considéré comme un cavalier budgétaire »
Laurent Fabius, le président du Conseil constitutionnel.
Rejet du référendum d’initiative partagée
L’autre grande déception des opposants à la réforme, c’est le rejet du référendum d’initiative partagée (RIP) !
Les membres du Conseil constitutionnel ont donc estimé que le RIP ne portait pas sur les domaines de « l’organisation des pouvoirs publics, des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale et aux services publics qui y concourent« , comme l’exige la Constitution.
La gauche ne se dit pas vaincue pour autant. Une deuxième demande de RIP a été déposée par la gauche sénatoriale ce jeudi après-midi sur le bureau de la présidence du Sénat. Pour autant, en cas de validation (la décision des Sages sur cette nouvelle demande devrait intervenir le 03 mai), un chemin semé d’embûches s’ouvrira. Mathilde Panot, la présidente des députés LFI, a elle-même reconnu « un parcours du combattant« . D’ailleurs depuis son introduction dans la Constitution en 2008, cette procédure complexe n’a jamais abouti.
Main tendue du gouvernement
Emmanuel Macron a formellement invité les organisations syndicales et patronales à l’Élysée mardi prochain pour échanger sur la réforme des retraites. Une proposition rejetée ce samedi 15 avril à l’annonce de la promulgation dans la nuit de la loi.
« Nous n’irons pas voir celui qui nous crache au visage depuis 3 mois »
Sophie Binet, secrétaire général de la CGT
Ainsi l’intersyndicale reste toujours unie et mobilisée. Les leaders des syndicats ont annoncé une réunion, ce lundi 17 avril, qui permettra de répondre « par une réaction unanime », selon Sophie Binet, de la CGT, rassurant toujours sur « l’unité » de la « combativité » de l’intersyndicale, citant l’exemple de la loi sur le CPE, retirée par l’exécutif après une validation par le Conseil constitutionnel, en 2006. Les organisations des Français de l’étranger ont annoncé qu’elles suivraient les décisions de l’Intersyndicale nationale. Du côté de l’exécutif, Olivier Dussopt, le ministre en charge de la réforme, a annoncé la création du groupe de travail sur les conséquences de la reforme pour les Français de l’étranger.
Le combat est donc loin d’être fini pour les opposants à la réforme des retraites mais le gouvernement va tenter de passer rapidement à une autre séquence. D’ailleurs, ce vendredi 14 avril, la Première ministre, Elisabeth Borne, a décidé d’ouvrir le chantier du pouvoir d’achat, amputé au cours des derniers mois par l’inflation. Est-ce que cela sera suffisant ? Les manifestations spontanées qui se sont déclenchées dans les villes de France ce vendredi soir permettent d’en douter. Un rendez-vous est déjà connu, ça sera le 1er Mai pour la Fête du Travail.