Quelle intelligence gouverne le monde ?

Quelle intelligence gouverne le monde ?

Où niche le docteur Mabuse, le génie du Mal ? Quel est l’archange qui protège la planète de ses éruptions de malheur ? L’amour, le désir, le conflit ?  “Ce sont des temps compliqués, mes amis, et ils nécessitent une conversation entre adultes”, osa Oprah Winfrey, la star du talk-show, à la Convention démocrate de Chicago, territoire d’Al Capone et d’Obama. Est-ce le crime organisé, le centre du monde ? Wall Street, la Trilatérale, ou, au contraire un Komintern anti-impérialiste à la sauce sucrée chinoise ? Alors, quelle intelligence gouverne le monde ?

Deux navires de guerre de Xi Jinping ont participé à des manœuvres avec la flotte russe dans le golfe de Finlande. Ils ont été suivis à leur retour par les marines britanniques et françaises.  En juillet, deux autres navires faisaient escale à Casablanca. N’était-ce pas déjà un bateau chinois qui avait abîmé le gazoduc Finlande-Estonie ? Des nefs chinoises patrouillent aussi dans le golfe d’Aden, où une frégate française a abattu il y a quelques jours un drone lancé par les Houthis, soutenus par l’Iran.

Y aurait-il une internationale du crime d’Etat ? 

L’Iran annonce une attaque massive contre Israël depuis plusieurs jours. Le Hezbollah s’enorgueillit de milliers d’attaques de drones et de roquettes, Tsahal répond en détruisant des milliers de lance-roquettes. Turquie et Algérie menacent d’intervenir. Ils n’en feront rien, heureusement. Ils s’agitent surtout pour surveiller leur population.

Y aurait-il une internationale du crime d’Etat ? À la Grande Motte, un attentat a fait long feu devant la synagogue. Il devait tuer. En Allemagne, l’Etat Islamique revendique l’attaque au couteau qui a fait trois morts et huit blessés, « pour venger les musulmans de Palestine ». L’auteur est un réfugié syrien. Qui vengera les morts syriens tués par l’E.I. ou Assad, le fidèle de Poutine ? Poutine est en Azerbaïdjan, chez le richissime pirate Aliev, régler les affaires de guerre, de gaz et de contrebande avec l’Iran.

Une explosion a été entendue aux alentours de 8 h 30 à proximité de la synagogue Beth Yaacov à La Grande-Motte ©AFP

Officiellement, l’Allemagne rejoint la coalition de défense de la Corée du Sud, face à la Chine et la Corée du Nord qui alimente en armes la Russie. Les Philippines et le Japon ont signé un accord de coopération militaire, l’Australie et l’Indonésie aussi; tous ont peur de la Chine.

L’Ukraine s’est avancé en Russie, coupant le dernier gazoduc vers l’Europe, tandis que les Russes avancent en Ukraine. À Gaza, le Secrétaire d’État américain revient sans accord de cessez-le-feu, d’une guerre honteuse, malsaine, d’une guerre contre tout espoir. En Afrique, les mercenaires russes tombent face aux rebelles du Sahel et accusent les Ukrainiens de se mêler d’Afrique. Le fils du maréchal Haftar de Libye, base arrière des mercenaires russes, tisse des liens avec de nouveaux amis au Tchad, Niger, Mali, Burkina. La France est partie, les Américains aussi. Les Algériens sont furieux de l’attitude de leurs amis russes. Ils se sinisent. Les Chinois construisent le chemin de fer du Sahara, 570km vers la frontière mauritanienne, où une réserve de 3,5 milliards de tonnes de fer attend d’être exploitée. L’archange chinois veut développer un Star Link bien à lui, alors que la Commission européenne s’en prend à Elon Musk qui soutient Trump. Tel est l’entrelac provisoire mondial. Toile d’araignée ? Qui est l’araignée ?

Les États-Unis sont partout, en Ukraine, en mer de Chine, au Moyen-Orient, mais ne semblent plus rien diriger. Même Netanyahou s’en affranchit, autant qu’Erdogan. L’Afghanistan, les a souterrainement traumatisés. Ils se voudraient hors sol. La Chine ? Empêtrés dans une lente crise financière, ils jouent leur partie de Go mondial, doublent leur capacité militaire maritime et nucléaire, mais ne maîtrisent rien ni personne.

Facile d’expliquer les liens entre le gaz, la Russie, l’Europe, la Baltique, la Turquie, Israël, la Syrie, Alger, le Sahel.

Facile d’expliquer les liens entre le gaz, la Russie, l’Europe, la Baltique, la Turquie, Beyrouth, Israël, la Syrie, Alger, le Sahel, les Houthis ; suivre le pétrole iranien vers la Chine, les missiles, drones et munitions vers la Russie. Facile de voir que le noyau, c’est Washington, non comme manipulateur, mais comme cible. Avec l’Europe, c’est-à-dire la France et l’Allemagne, en maillons faibles. Mais ces connexions multiples n’expliquent pas la marche du monde. Au lieu d’une stratégie mondiale, elles en révèlent l’absence.

Carte des gazoducs alimentant l’Europe – ©https://www.revueconflits.com/

Les lieux de conflits – Ukraine, Gaza, Soudan, Sahel- ne sont en rien des lieux stratégiques. Que valent le Donbass, la Palestine, le Sahel, terres pauvres, par rapport à ces pistes de danse, Dubaï, Singapour, Genève ?

C’est une erreur de croire que l’intérêt gouverne le monde, ce serait plus sage, parce que compréhensible, prédictible. Gouverne le monde la seule recherche de la puissance. Elle se déploie d’abord là où c’est le plus facile. L’Ukraine est seule ? La prendre. Le Sahel est pauvre ? S’y jeter. La Palestine est misérable ? La détruire. Courage des guerriers : d’abord s’attaquer aux faibles.

La puissance ne suit pas un dessein intelligent. N’importe quel chef d’État russe n’aurait pas visé le Donbass charbonneux, mais une alliance de plus en plus étroite avec l’Europe plutôt qu’avec la Chine. N’importe quel chef d’État chinois ne chercherait pas à effrayer ses voisins: Japon, Corée, Philippines, Indonésie, Viet Nam, mais s’en ferait un collier de sécurité et d’amitié. N’importe quel Shah perse ne sacrifierait pas sa population pour l’arme nucléaire, qui fait de l’Iran pire qu’un ogre monstrueux, une cible.

Les lieux de conflits – Ukraine, Gaza, Soudan, Sahel- ne sont en rien des lieux stratégiques. 

Ce qui gouverne le monde n’est donc pas une intelligence suprême, bonne ou mauvaise, plutôt la bêtise. Cela se voit bien dans les démocraties, où le populisme gonfle, où les élites sombrent dans la médiocrité.

Le cercle des dirigeants brille plus par la bêtise que par le machiavélisme. Nul stratège dans les hautes sphères, ce qui, effectivement, fait peur. Le parc nucléaire militaire mondial s’accroît, comme toutes les dépenses d’armement. Ce n’est pas de l’intelligence, seulement un réflexe, puisque les territoires et les populations les plus mal défendus subissent les premières la guerre.

Drone livré par les Occidentaux à l’Ukraine ©AFP

Anomalie : les armes peu coûteuses – un drone, un couteau — sont terriblement efficaces pour détruire un système intelligent et onéreux. Les destructions récentes des Sukhoï et de la flotte de la Caspienne en témoignent. Les industries militaires imaginent des systèmes d’armes qui se déploieront dans une dizaine d’années, pour durer une cinquantaine d’années. Les progrès technologiques risquent de les rendre obsolètes avant d’être conçues. Un ordinateur quantique rendra fou toute arme intelligente. Google y travaille. Pas la Nasa.

Il eut été réconfortant d’avoir Musk et Pavel Dourov à Saclay. Une autre fois, peut être.  

Voici la planète enserrée dans ces paradoxes du fort au faible, du riche au pauvre, rejouant mille fois le jeu des alliances et des circuits logistiques. À côté se développent d’autres forces, d’autres puissances, que rien non plus, ne gouverne. La France arrête le patron de Telegram, la messagerie cryptée qui compte près d’un milliard d’utilisateurs, un Franco-Russe installé à Dubaï, et la Commission menace Elon Musk, auquel la Nasa demande d’aller sauver ses astronautes. Il eut été réconfortant d’avoir Musk et Pavel à Saclay. Une autre fois peut être.

Aucune intelligence ne gouverne le monde. Soit, la bêtise effraie, massacre. Mais l’intelligence globale qui embrasserait le monde serait gouvernée par sa propre démesure, par sa démarche totalitaire, son infinie bêtise.

Un ordinateur quantique rendra fou toute arme intelligente. Google y travaille. Pas la Nasa. 

Ne rien espérer de la sagesse, tout attendre de l’équilibre peureux. Le conflit oblige à ordonner. Un attentat, une pénurie d’énergie, une crise épidémique, écologique, financière, le monde les connaîtra toutes. Ce qui importe, c’est de préserver ce qui, siècle après siècle, survit à la bêtise. S’émerveiller de ce talent de survie des funambules qui résistent aux pentes fatales de la puissance. C’est ce qui fait apprécier l’Europe : elle a tellement détruit, s’est tellement détruite, qu’elle semble guérie de ce type d’ivresse. Surtout ne pas chercher à gouverner le monde. Nulle exaltation, mais la conscience de la fragilité, qui valorise la qualité politique par excellence, ni l’intelligence, ni le courage, ni l’audace, mais la prudence. Harry Truman, qui déclencha le feu nucléaire sur Nagasaki et Hiroshima, eut cette belle phrase lors de la création de l’Otan : « S’il y a quelque chose d’inévitable dans le futur, c’est la volonté des peuples du monde de vivre dans la liberté et la paix ». Tout est dans tout. Encore un effort.

Laurent Dominati
Laurent Dominati

Laurent Dominati

a. Ambassadeur de France

a. Député de Paris

Président de la société éditrice du site Lesfrancais.press et France Pay

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