Alors que s’ouvre le salon de l’agriculture, la gronde des céréaliers, primeurs, éleveurs et autres viticulteurs s’intensifie. Dans la ligne de mire, les accords de libre-échange, et en particulier celui en cours de négociation, depuis 20 ans, avec les pays du Mercosur mais aussi les facilités accordées à l’Ukraine depuis le début du conflit avec la Russie. Pourtant les agriculteurs français sont présents aux 4 coins du monde, et ce depuis le XIXème siècle.
L’Ukraine : l’eldorado des céréaliers français ?
L’Ukraine, et ses 41 millions d’hectares de terres agricoles, est le nouvel Eldorado des céréaliers français. Dans ce pays en guerre avec la Russie depuis trois ans, des agriculteurs français ont délocalisé une partie de leur production de céréales. Ils sont venus chercher une terre bien plus fertile économiquement.
Pourtant les terres ukrainiennes ne sont pas à vendre, mais sont uniquement disponibles à la location. Mais cela n’a pas découragé nos agriculteurs. Nous avons pu échanger avec certains d’entre-deux comme Jean-Paul Kihm . Son entreprise loue en Ukraine 10 000 hectares de terres, soit la superficie de Paris. Une exploitation gigantesque qui surpasse de loin les fermes françaises et où les coûts de production des céréales sont deux à trois fois moins chers qu’en France.
« En Ukraine, je trouve une autre dimension, celle de ne rien devoir à personne. C’est une grande liberté car quand, chaque jour, on nous accable pour être des destructeurs, des mauvais acteurs du territoire et, en plus, on bouffe de l’argent public… »
Jean-Paul Kihm
Son entreprise, s’appuyant sur l’exploitation ukrainienne et celle historique en France, a ainsi pu retrouver un dynamisme. Depuis l’année 2016 la « ferme Ukraine » compense, ainsi, les pertes de la « ferme France ».
L’Amérique du Sud, un marché ouvert aux Français
La France est aussi présente dans les pays d’Amérique du Sud. D’ailleurs, la seule émigration massive de Français connue fut celle de paysans au XIX ème siècle qui ont quitté la Bretagne, la Savoie mais aussi la Beauce pour rejoindre soit l’Argentine, le Paraguay ou le Chili. Ils y fondèrent d’ailleurs les embryons de l’industrie viticole, si prospère aujourd’hui.
Et ce transfert de savoir-faire continue et ce en dehors de tout accord global. Ce sont les régions et les syndicats agricoles qui mènent la danse. Ainsi on ne compte plus les initiatives.
Même aujourd’hui, de nouvelles éclosent comme en 2020 dans la province de Tucuman, au nord de l’Argentine, où le syndicat viticole “Saumur – Val de Loire” a créé un partenariat de formation professionnelle autour de l’œnotourisme. L’année dernière ce sont Les « experts » de l’enseignement agricole, qu’ils soient enseignants, formateurs, directeurs de CFPPA, qui se sont réunis pour renforcer la coopération internationale avec, entre autres, la Colombie, le Chili, le Brésil et le Paraguay.
Au Chili, c’est la sylviculture qui attire les appétits français alors que le gouvernement local vient de lancer une campagne de soutien à cette branche de l’agriculture.
Si les liens se renforcent c’est que la culture et les marchés se ressemblent. Même si les méthodes de production ne sont pas encore alignées sur les critères européens, les citoyens de ces pays sont des Latins qui partagent avec nous une base culture et une vision du monde à venir basée aussi sur un mieux vivre ensemble et sur un amour des arts de la table. Un sentiment qui explique le succès des produits français comme le vin, les spiritueux mais aussi les olives. Des produits qui pourraient bénéficier de l’accord de libre-échange avec le Mercosur. Le projet prévoit que sur les produits agricoles, les taxes du Mercosur sur le vin (27 %), le chocolat (20 %), les spiritueux (de 20 à 35 %), les pêches en conserve, les boissons gazeuses ou encore les olives seront supprimées. En échange, des quotas doivent être instaurés pour les pays latino-américains leur permettant d’exporter chaque année, avec peu ou pas de droits de douane, 99 000 tonnes de viande bovine, 100 000 tonnes de volailles ou encore 180 000 tonnes de sucre, empêchant ainsi une déferlante qui, elle, serait nuisible à nos agriculteurs.
L’Afrique, une terre de promesses
Alors que tous les regards sont portés sur l’Ukraine et l’accord de libre-échange du Mercosur, l’Union européenne réfléchit à mettre en place un accord global de sécurité et de souveraineté alimentaire durable aux 54 États africains et leurs 2,5 milliards d’habitants en 2050.
Actuellement,14 filières de produits tropicaux et équatoriaux (cacao, café, agrumes, etc.),représentent près de 60 % de l’ensemble des exportations agricoles de l’Afrique vers l’Europe. En dix ans (2006-2007 à 2016-2017), les importations de l’Europe en produits africains (souvent des matières premières) sont passées en moyenne de 7,2 milliards $ à 12,7 milliards de dollars. Cette croissance aurait pu être plus forte, car l’Afrique a beaucoup exporté en Amérique, Chine, Russie, Turquie…
Par ailleurs, si la France importe fruits et légumes au cours de l’hiver, il suffit de flâner dans les supermarchés européens pour comprendre que sans ces exportations, les Européens ne pourraient maintenir une telle diversification de leur alimentation, elle exporte ses produits “bas de gamme” vers le continent africain. En 2022, l’étude de Réseau Action Climat, Oxfam France et Greenpeace France montre que les filières françaises de lait, porc et volaille de chair exportent essentiellement des produits non conformes aux normes européennes. Pour compenser, la France importe, donc, des produits de bonne qualité pour la population française. Ce qui est un « non-sens » pour ces ONG.
Autres produits que les industriels français vont chercher et depuis des décennies, ce sont les fleurs. Nos géants de l’industrie du parfum s’approvisionnent dans de nombreux pays africains avec un engouement fort pour l’Afrique du Sud où ils détiennent directement de nombreuses exploitations.
Mais dans certains pays, quelques Français ont décidé de tenter l’aventure. Soutenus par des programmes de l’Union européenne et de la Banque mondiale, les investisseurs français tentent d’importer de nouvelles méthodes de travail. Ils peuvent s’appuyer sur la forte présence française, héritage de la colonisation. Les membres de cette communauté, qu’ils soient au Gabon,, en Côte d’Ivoire et bien d’autres pays, sont petit à petit sensibilisés aux enjeux sociaux écologiques de la production agricole.
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