Parfois, il arrive que les nomades numériques aient des enfants au cours de leurs périples. Est-ce alors le moment de mettre un terme à ses aspirations à graviter autour du globe ? Pas pour Martin, ni pour Bastien, deux entrepreneurs qui aspirent à concilier vie de famille, travail et voyage !
Bastien Bricout est plutôt expérimenté en matière de nomadisme. Initialement thérapeute et exerçant une activité en ligne à côté, à partir de 2013, il décide de se concentrer à 100% à son activité sur internet, Apptimist-Studio. Son modèle économique, c’est l’affiliation. Le principe ? C’est celui d’un réseau de distribution virtuel. De quoi donner à Bastien une relative liberté de mouvement. Il raconte : « en gros, je suis un apporteur d’affaires, un intermédiaire entre un besoin et une offre. Et si vous visitez mes sites internet et que vous achetez un produit chez un de mes partenaires, le partenaire va me donner une commission. Je n’aurai pas besoin de m’occuper du produit, de l’envoi, de gérer le service client ». Un modèle économique qui lui permet de bénéficier de beaucoup de temps, et qu’il raconte dans le livre qu’il a publié récemment aux éditions Albin Michel, « J’ai choisi d’être libre… pourquoi pas vous ? ». Son credo, explique t-il, c’était « d’obtenir la plus grande liberté possible, d’un point de vue financier et temporel ».
Comme nombre d’autres nomades, Bastien a élaboré une sorte de typologie des nomades numériques. Pour lui, un point crucial est le rythme des déplacements. Ainsi, il se distingue des « perpetual travelers », « des gens qui sont en permanence en train de bouger ». Lui et sa femme se définiraient comme de simple « digital nomads », privilégiant des durées de séjour de deux à trois mois dans un même pays, avec des changements de lieux de résidence réguliers. Pour lui, l’important réside surtout dans la mobilité permise par l’outil qu’est Internet. Cela peut sembler évident aujourd’hui, mais toujours est-il que Bastien semble particulièrement représentatif d’une génération qui a grandi avec Internet, pour en faire peu à peu un espace certes virtuel, mais aux conséquences bien concrètes. Ainsi, alors qu’il est encore étudiant, il crée un premier site Internet en 2004, autour d’un sport qu’il pratique, le breakdance. Après un début de carrière comme thérapeute PNL, il va aussi connaître un burn-out en 2013. De quoi amorcer une réflexion sur le temps qu’il passe au travail : décidé à cesser « d’échanger son temps contre de l’argent », il va alors décider de se concentrer sur le business en ligne. Sa femme, coiffeuse, a fait évoluer la présentation de son activité, pour la proposer facilement partout dans le monde, sur leurs différents lieux de résidence.
Une famille internationale
Dans la grande famille des nomades numériques, Martin est une autre espèce de professionnel dont l’activité se prête particulièrement à s’affranchir des limites géographiques classiques. Après avoir rencontré lors d’un séjour d’études « erasmus » en Italie, lui et sa femme slovaque se lancent dans l’aventure du nomadisme numérique, en 2017. Lui et sa femme vont ainsi vivre pendant dix ans au Brésil, à Singapour, en Hollande et en Slovaquie. D’abord entrepreneur individuel, son business l’amène à créer Apptimist Studio, une société qui développe des logiciels et applications mobiles. Petit à petit, il a créé une équipe dont les membres vivent dans différents pays, notamment une partie en Bulgarie et l’autre en Espagne.
Quand un nouveau nomade apparaît !
Partis à deux dans leur nomadisme numérique, nos aventuriers des temps modernes ne semblent pas connaître la crise. Ainsi, en décembre dernier, un heureux événement est arrivé dans la vie de Bastien et de sa femme Aurélie, avec la naissance de leur fils, Clovis. Au début de la grossesse, le couple avait décidé de poser ses bagages, au moins pour quelques mois, dans la ville de Bordeaux, leur « pied à terre » en France.
Bastien se réjouit des adaptations qui vont être nécessaires : « on ouvre un nouveau chapitre, on sait déjà super bien voyager à deux. Là on intègre un enfant, et on a plein de nouvelles questions qui germent dans notre esprit. Sur comment on va voyager, les questions autour de la santé, l’éducation, et au final ça devient passionnant ». D’ailleurs, le couple a eu l’occasion de croiser de jeunes parents inspirants : « les peurs, les croyances limitantes qu’on peut avoir en fait, elles sont souvent balayées par des personnes qu’on a pu déjà rencontrer. Elles nous ont prouvé que tout était possible et qu’il fallait un petit peu se détendre. Et surtout se faire confiance, parce que les enfants s’adaptent très rapidement ». Il se rappelle notamment d’une famille de Danois, croisés au Cambodge. Les trois enfants, revenant de Thaïlande dont ils avaient fait un tour en moto avec leurs parents, étaient particulièrement « sages et tranquilles ».
Naître polyglotte
Le jeune papa envisage néanmoins quelques adaptations dans le rythme des séjours, qui jusque là, étaient souvent de seulement deux semaines au même endroit. Il envisage « d’encore plus prendre le temps, d’espacer pour vraiment trouver un rythme à chaque fois ». Néanmoins, il estime avoir beaucoup de liberté d’organisation, tant que Clovis n’est pas en âge d’aller à l’école. Pour cette échéance, Bastien et sa compagne songent à une école internationale, qui leur semble être la meilleure solution. Là aussi, il est inspiré par l’exemple d’un autre ami, vivant en Thaïlande, dont le fils de 6 ans « parle parfaitement, anglais, thaï et français ».
Martin a un peu plus de recul, puisque lui et sa femme sont devenus parents il y a un an et demi, de leur premier fils, Leo. Dans un contexte qui pourrait bien lui donner quelques dispositions au polyglottisme, cette étonnante capacité humaine à parler plusieurs langues. Ce qui pourrait bien être un atout. En effet, n’oublions pas qu’au-delà d’être un instrument de communication, toute langue apporte avec elle son lot de concepts. En somme, une langue, c’est aussi une manière de voir le monde. Ainsi, chacun des deux membres du couple parle à son fils dans sa langue maternelle : Martin en bulgare, sa femme en slovaque, tandis qu’ils parlent anglais entre eux. Cela fait désormais trois ans qu’ils vivent en Espagne, à Valence. Alors qu’il répond à mes questions depuis la Suisse où ils séjournent pour quelque semaines, il estime que jusqu’à ce que Leo ait cinq ou six ans, leur rythme de mobilité devrait pouvoir rester le même. Il explique néanmoins privilégier des localisations en Europe, afin de pouvoir rester proches de leurs parents, dans leurs pays d’origine respectifs.
Et pour les prochaines années, ils songent éventuellement à s’installer en Suisse italienne. Une volonté de rester neutres, dans une période où tensions et business international semblent cohabiter comme jamais ? Ou peut-être plus simplement, comme me le rappelle Martin, pour avoir l’occasion de reparler la langue dans laquelle il a rencontré sa femme. Et ça c’est beau.
Laisser un commentaire