La mort du président tunisien Béji Caïd Essebsi en juillet a ouvert la porte à des élections présidentielles anticipées. 7 millions d’électeurs du pays qui a inauguré le printemps arabe ont été appelés aux urnes pour remplacer le premier président démocratiquement élu du pays. C’est ainsi, et alors que les questions sécuritaires sont présentes, mais également et surtout les questions sociales et économiques, que cet enjeu majeur se présente aux Tunisiens.
26 candidats, un favori en prison
Le scrutin s’annonçait très ouvert. 26 candidats se sont présentés, l’un des favoris, Nabil Karoui, fait campagne en prison. Il y est incarcéré depuis le 23 août, soupçonné de blanchiment et de fraude fiscale. Nabil Karoui accuse le Premier ministre, Youssef Chahed, également candidat, d’avoir souhaité l’écarter. Cela ne l’a pas empêché de réaliser le deuxième meilleur score à 15,54% au premier tout et d’être favori pour le deuxième tour.
La crise sociale, l’inflation, le chômage de masse sont au coeur de la campagne. Devant M. Karoui, l’universitaire sans parti politique Kais Saïed, donné à 18,5%. Le taux de participation, à environ 45%, est très faible. Le second tour verra donc s’affronter un universitaire qualifié de conservateur, opposé par exemple à la dépénalisation de l’homosexualité, et un homme d’affaires que certains considèrent comme populiste. .
Un scrutin à deux tours et des élections législatives entre temps
Le scrutin est prévu pour durer deux tours si aucun candidat n’est en mesure de remporter le scrutin dès le premier tour, ce qui est le cas en l’occurence. Les élections législatives, elles, sont prévues le 6 octobre prochain mais le second tour des présidentielles ne serait organisé qu’après cet autre scrutin.
Figuraient aussi parmi les candidats le ministre de la Défense Abdelkarim Zbidi, 69 ans ainsi qu’Abdelfattah Mourou, du parti islamiste Ennahda qui serait 3ème du scrutin.
Notons également la candidature d’une avocate opposée aux islamistes, Abir Moussi.
Une communauté française durablement installée dans le pays, la France attentive au scrutin
Le Quai d’Orsay regarde sans nul doute avec grande attention ces élections dans notre ancienne colonie qui demeure un partenaire commercial important et voit chaque année, malgré le contexte sécuritaire, une masse très importante de touristes français débarquer sur les plages tunisiennes. La France a rappelé qu’elle n’intervient pas directement dans le scrutin mais qu’elle reste attentive, notamment via les institutions européennes. Le Président Macron n’a pas manqué de contacter le président tunisien par intérim à l’issue du premier tour.
La communauté française, à 67% bi-nationale, est composée de 30 000 personnes, principalement installées dans le grand Tunis. 9 établissements français, en gestion directe de l’AEFE, maillent le territoire.
La question sociale au coeur de l’élection
Le député des Français de l’étranger M’jid El Guerrab, que nous avons contacté, nous a indiqué que « l’élection et son déroulement se sont passés dans de très bonnes conditions » et ce alors que de nombreuses inquiétudes existaient et notamment au sein de la communauté franco-tunisienne.
Un fait insolite tout de même, l’arrestation 15 jours avant le scrutin d’un candidat qui est désormais favori.
M. El Guerrab, qui a parcouru toute la Tunisie et rencontré de nombreux interlocuteurs bien au delà du grand Tunis, nous a confirmé que c’est avant tout la question sociale qui fut l’enjeu majeur du scrutin.
Le dégagisme constaté à l’occasion du premier tour, et ce alors que cette question sociale était déjà l’étincelle qui a allumé le printemps arabe dans cette même Tunisie, est sans doute la conséquence du manque de résultats de la classe politique face à ces attentes. Les législatives et le second tour permettront de vérifier si cela se confirme.
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