Pourquoi le Japon est-il préservé de l’inflation ?

Pourquoi le Japon est-il préservé de l’inflation ?

Les États-Unis et la zone euro se caractérisent par le maintien de politiques budgétaires expansionnistes s’accompagnant de politiques monétaires accommodantes. Cette cohabitation alimente l’inflation. Au Japon, depuis la fin des années 1990, la politique budgétaire et la politique monétaire très expansionnistes ne débouchent pas sur une hausse de l’inflation. Les rares exceptions constatées concernent des périodes particulières liées par exemple à des tremblements de terre, à la hausse de la TVA ou à la dépréciation du yen.

La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont contraint les États occidentaux à augmenter leurs dépenses. Depuis une dizaine d’années, les banques centrales mènent des politiques expansionnistes reposant sur des taux directeurs faibles et sur de massifs rachats d’obligations. En 2022, le déficit public dépasse 5 % au sein de la zone euro et 7 % du PIB aux États-Unis, contre respectivement 0,5 et 4 % en 2019.

Face à la montée des prix, les banques centrales aux États-Unis et en zone euro réagissent avec modération

Avec la crise ukrainienne, celles de santé avec l’épidémie de covid-19, celles liées à la transition énergétique ainsi que celles résultant du vieillissement de la population, les dépenses militaires devraient augmenter, conduisant à la persistance d’un fort déficit. Ce dernier sera d’autant plus élevé que les recettes publiques pourraient diminuer en raison de l’affadissement de la croissance, affadissement provoqué par les baisses de pouvoir d’achat à venir elles-mêmes liées à la hausse des prix de l’énergie et des matières premières.

Au sein de l’OCDE, le salaire réel pourrait enregistrer une contraction de 3 à 4 % en 2022. Face à la montée des prix, les banques centrales aux États- Unis et en zone euro réagissent avec modération. La FED a relevé ses taux directeurs mais ces derniers restent bien en-deçà du taux d’inflation. La BCE n’entend relever ses taux qu’à la fin de l’année. Ce choix s’explique par la volonté de ne pas casser la reprise économique et de mettre en difficulté la solvabilité des États endettés. En combinant politiques monétaires et politiques budgétaires accommodantes, le risque est d’entrer dans une phase de stagflation.

Une hausse de taux aurait peu d’effets

La baisse des salaires réels pèsera sur la consommation et donc sur la croissance. La décision de maintenir des politiques monétaires laxistes se justifie également par le fait que l’inflation est essentiellement importée. De ce fait, une hausse de taux aurait peu d’effets.

Pour le moment, un pays de l’OCDE, le Japon, fait exception en ne connaissant qu’une très légère hausse des prix. Ce pays est pourtant en situation de dépendance vis-à-vis de l’extérieur pour son énergie, ses matières premières ainsi que pour une partie de produits agricoles. Depuis les années 1990, le Japon connait un déficit public de 6 % du PIB combiné à des taux directeurs nuls ou quasi nuls. Depuis 1998, la base monétaire a été multipliée par sept. L’inflation au Japon reste inférieure à 1 % à de rares exceptions liées à des épisodes précis (forte dévaluation du yen en 2013, hausse de la TVA en 2014 et 2019). Malgré les problèmes d’approvisionnement constatés depuis 2021, le taux d’inflation au Japon atteint 1% au cours du premier trimestre 2022 quand il dépasse 5 % en zone euro et 7 % aux États-Unis.

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La pression commence à monter en zone euro comme aux États- Unis pour un relèvement des salaires

La faible inflation japonaise trouve son origine dans le maintien d’une forte rigueur salariale. Depuis 1998, le salaire réel par tête a diminué de 2 % quand la productivité par tête s’est accrue de 10 %. Le partage des revenus s’est déformé au détriment des salariés. Si le Japon connait d’importants déficits, il se caractérise également par un excès d’épargne qui conduit à réduire la demande. La balance courante dégage un excédent variant de 2 à 5 % du PIB lors de ces vingt dernières années (à l’exception de 2014). Le taux d’épargne élevé des ménages permet de financer les déficits publics. Cette épargne abondante réduit la consommation et donc la pression sur la hausse des prix.

La zone euro et les États-Unis diffèrent du Japon en ne cumulant pas déformation de la répartition de la valeur ajoutée au détriment des salariés et fort niveau d’épargne. La zone euro enregistre certes un excès d’épargne mais pas de déformation au niveau de sa valeur ajoutée. Aux États-Unis, c’est le phénomène inverse qui est constaté. La pression commence à monter en zone euro comme aux États-Unis pour un relèvement des salaires, ce qui pourrait alimenter une spirale inflationniste. L’Europe et l’Amérique du Nord pourraient donc se démarquer du Japon dans les prochains mois.

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