Ancien du collège de l’Europe à Bruges, premier secrétaire de la fédération des Français de l’étranger du PS de 2003 à 2012, élu consulaire de 2000 à 2010, membre titulaire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, passé pour ses activités professionnelles par les Etats-Unis, le Luxembourg, l’Asie, la Belgique et l’Allemagne, Pierre-Yves Le Borgn’ fut député des Français de l’étranger de la 7ème circonscription (Allemagne, Autriche, groupe de Visegrad, Balkans) de 2012 à 20127Résidant à Bruxelles, ce père de 3 enfants binationaux, qu’il eut avec son épouse espagnole travaillant à la Commission européenne, s’est depuis éloigné de la politique, enseignant les droits fondamentaux et les droits liés au changement climatique dans plusieurs universités françaises et a monté sa société de conseil en stratégie. Il demeure cependant attentif à la chose publique. Pierre-Yves Le Borgn’ nous fait part de son opinion concernant plusieurs sujets liés aux Français de l’étranger.
Vous avez, durant le quinquennat de François Hollande, été député des Français de l’étranger, membre de la majorité. Quels sont vos souvenirs de cette période ?
Ce fut parfois compliqué, l’Assemblée Nationale, sous la Vème République, est assujettie, le Parlement est infantilisé, cela peut être lourd, pesant, et embêtant.
J’y fus qualifié de « frondeur de droite » au sein de la majorité, en raison de mon affiliation à la pensée de Michel Rocard que j’ai depuis mes premiers engagements au sein du PS.
Plusieurs initiatives de ma part furent contestées. Je soutins, avec la députée LR Claudine Schmid (6ème circonscription des Français hors de France de 2007 à 2012), la suppression de la CSG pour les non-résidents concernant la plus-value sur les ventes et les revenus immobiliers. Malgré nos avertissements que la France ne pourrait qu’être condamnée par la Cour européenne en cas de maintien de la CSG, celle-ci ne fut pas, sous le quinquennat Hollande, supprimée, et la France fut effectivement condamnée.
J’étais également pour le maintien des classes bilangues, notamment car cela permet par exemplele maintien de l’apprentissage de l’allemand. C’est un véritable atout, même en cas de connaissance seulement passive. Cela vaut également dans l’autre sens et j’ai travaillé sur la question de l’apprentissage du français en Allemagne, alors qu’il est en baisse, avec le Bundestag. Cela ne plut pas vraiment au gouvernement, pendant 18 mois, mes demandes d’interpellation lors des questions au gouvernement furent systématiquement refusées.
Pour ces raisons, je préfère ne pas être trop critique sur l’actuelle composition de l’Assemblée Nationale et ses comportements, beaucoup de choses sont inhérentes à la Vème République elle-même.
« En cas de proportionnelle intégrale, la circonscription est le monde entier, cela risque fortement de retirer le lien direct entre les élus et les citoyens, c’est un problème. »
Quel député étiez-vous, quel était votre quotidien ?
J’ai voulu être un député de terrain. Pendant 5 ans, j’avais une semaine divisée de la façon suivante : 2 à 3 jours à Paris
à l’Assemblée, le reste du temps en circonscription. Soit dans ma permanence à Cologne, soit sur le terrain.
La circonscription compte 16 Etats, elle est très diverse, allant de la riche Allemagne de l’Ouest à des pays très pauvres comme l’Albanie. Dans la première catégorie, les préoccupations des Français étaient souvent liées aux questions sur les prestations sociales par exemple alors que les zones du sud se préoccupaient plus de la sécurité.
Le projet de réforme des institutions devrait prévoir une réduction du nombre de parlementaires, y compris de ceux de l’étranger et l’élection des députés des Français hors de France, pourrait passer à une proportionnelle intégrale. Qu’en pensez-vous ?
Si le nombre d’élus des Français de l’Hexagone est réduit, je ne suis pas choqué que ce soit également le cas pour les
élus de l’étranger. Cependant, si par exemple le nombre de députés passe de 11 à 8, les circonscriptions deviennent trop grandes, en tout cas à moyens identiques. Les élus sont des élus de terrain, y compris à l’étranger, il faudrait par exemple envisager de pouvoir recruter un collaborateur supplémentaire et il faudrait aussi que soit accepté le fait que, présent dans des circonscriptions plus vastes, le député ne peut pas avoir la même présence à l’Assemblée
Nationale.
En cas de proportionnelle intégrale, la circonscription est le monde entier, cela risque fortement de retirer le lien direct entre les élus et les citoyens, c’est un problème.
Concernant l’enseignement français à l’étranger, que pensez-vous de l’évolution possible du réseau avec une plus grande participation de fondations et du secteur privé et de l’ambition présidentielle de doubler le nombre d’élèves ?
Pour l’enseignement français à l’étranger, il faut se donner les moyens correspondant aux ambitions de doublement du nombre d’élèves. Il n’est pas possible de faire rayonner l’enseignement français à l’étranger sans passer par l’éducation nationale. Il faudrait augmenter de manière conséquente les moyens de l’AEFE.
Concernant le modèle de cette dernière, il varie d’un pays à l’autre. Par exemple dans les petits pays avec un nombre réduit d’élèves, il est difficilement possible de passer par une gestion directe, et les initiatives des parents et du privé pour la création d’établissements est positive. Par ailleurs, les pratiques et les habitudes sont diverses, en Amérique du nord même les grands lycées sont gérés par des fondations alors que dans les grands pays européens, c’est en général une gestion directe de l’AEFE.
Tout le monde parle du Brexit, la très importante communauté française du Royaume-Uni est très inquiète, vous aussi ?
Le Brexit est en effet assez effrayant, en particulier pour les 4 millions de citoyens UE résidant au Royaume-Uni ainsi que pour les territoires de l’UE très liés économiquement au Royaume-Uni comme la Flandre, les Pays-Bas, la Bretagne.
Pour les Français du Royaume-Uni, l’accord de 2018 prévoyait la continuité concernant leur situation. En cas de no deal, que se passe-t-il ? L’Union européenne pourrait proposer d’accepter la prolongation uniquement en cas de référendum dont les termes pourraient être, puisque le Brexit est du point de vue britannique acté, soit d’accepter l’accord, soit de partir sans accord. C’est un pays qui ne finit pas de partir et dont Westminster subit des turbulences terribles alors qu’il s’agit du berceau du parlementarisme.
Outre vos activités de consultant et dans l’enseignement, quelle est votre actualité ?
Je reste très attentif à la chose publique, je viens par exemple en juillet d’être élu président de « Europeans throughout the world », une association d’expatriés qui vise à mettre en avant l’apport culturel et économique des diasporas. J’espère que nous pourrons voir l’UFE et l’ADFE réintégrer le réseau.
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