Sous le mandat de l’actuel secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, le poste le plus élevé de l’Alliance est devenu essentiel. Alors que l’on se demande qui lui succèdera, EURACTIV se penche sur les critères de sélection du nouveau visage de l’organisation.
À la tête de l’OTAN depuis octobre 2014, M. Stoltenberg, qui devrait quitter son poste cet automne, s’est constitué un héritage : il s’agit de l’un des visages de la réponse coordonnée de l’Occident à la guerre menée par le président russe Vladimir Poutine contre l’Ukraine.
Bien qu’il n’y ait pas encore eu de discussions officielles sur sa succession, les capitales ont commencé ces dernières semaines à réfléchir aux qualités que devrait posséder le prochain candidat, qu’il s’agisse de son expérience, de sa nationalité ou de sa disponibilité réelle.
Processus de sélection informel
Selon les règles de l’OTAN, le secrétaire général est désigné par les États membres pour une période initiale de quatre ans, qui peut être prolongée par consentement mutuel.
Dans le cadre d’une procédure plutôt informelle, les principales puissances militaires de l’OTAN, les États-Unis ainsi que la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie expriment d’abord leurs préférences et, par la suite, gardent la main sur le processus de nomination en examinant minutieusement tous les candidats potentiels.
Le doyen des ambassadeurs de l’OTAN, un poste honorifique remis à l’ambassadeur qui siège depuis le plus longtemps au Conseil de l’Atlantique Nord et qui est actuellement occupé par le Croate Mario Nobilo, « invite » ensuite ses homologues à des « discussions internes informelles et à huis clos » à propos de ces candidats.
Ces discussions portent sur les critères et les qualités que les membres de l’OTAN souhaiteraient trouver chez le candidat, plus que sur des personnes en particulier.
Par ailleurs, comme pour tout poste de haut rang, un candidat potentiel dont on vante les mérites trop tôt risque d’être écarté.
Un quatrième mandat est-il possible ?
M. Stoltenberg a vu son mandat prolongé à deux reprises : d’abord en 2018 pour un deuxième mandat complet d’une durée de quatre ans, puis en mars 2022, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, pour une année supplémentaire, qui se termine officiellement en octobre 2023.
Il ne semble pas encore clair si le poste va revenir à un successeur dès l’automne ou si M. Stoltenberg peut assumer ses fonctions encore un peu plus longtemps.
Les États membres ne seraient pas opposés en principe à prolonger le mandat de M. Stoltenberg d’une année supplémentaire si les circonstances l’exigeaient, ont déclaré plusieurs diplomates de l’OTAN, bien qu’ils aient ajouté que cette hypothèse semblait actuellement « improbable ».
S’exprimant lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN à Oslo, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a prononcé un bref discours qui, pour beaucoup, ressemblait déjà à une forme d’adieu à M. Stoltenberg, le félicitant notamment pour sa « remarquable direction de l’Alliance au cours de ces dernières années ».
Une question de calendrier
Si le mandat de M. Stoltenberg devait effectivement être prolongé et que le poste ne se libérait qu’à la mi ou à la fin 2024, le calendrier de sélection pour le poste coïnciderait avec les discussions concernant les postes à responsabilité de l’UE, qui suivront les élections européennes prévues en juin de l’année prochaine.
« Si nous assistons à une situation où M. Stoltenberg reste en place et que le poste [de secrétaire général de l’OTAN] est perçu comme faisant partie du jeu des capitales européennes, la dynamique sera probablement complètement modifiée », a expliqué un diplomate de l’UE à EURACTIV.
Un second diplomate de l’UE a déclaré qu’il s’agirait d’un précédent, avait d’ajouter que ces évènements « pourraient avoir des conséquences sur les négociations et sur le pouvoir de négociation des États membres ».
Les élections nationales en Belgique, en Roumanie ou en Pologne n’ayant pas encore eu lieu, le nombre de candidats potentiels pourrait également augmenter.
Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, que Bruxelles voit comme un candidat sérieux pour le poste, doit lui aussi tenir des élections anticipées en août.
Les dirigeants nationaux en exercice pourraient quant à eux hésiter à quitter la scène nationale en plein mandat pour prendre la tête de l’alliance militaire, ont expliqué des diplomates de l’OTAN.
« Mais si le président des États-Unis vous réclame… pouvez-vous vraiment refuser ? », a plaisanté l’un d’eux.
Il convient également de tenir compte de l’imminence de l’élection présidentielle américaine de novembre 2024, qui pourrait voir un retour à la Maison-Blanche de Donald Trump ou d’un autre candidat républicain sceptique à l’égard de l’OTAN.
La prise de décision reposant sur l’unanimité, le prochain secrétaire général de l’OTAN devrait gérer et arbitrer les différences au sein de l’Alliance, un travail que M. Stoltenberg a plutôt bien accompli, selon plusieurs diplomates de l’OTAN.
Surnommé par certains dans les couloirs de l’OTAN « celui qui murmurait à l’oreille de Trump », M. Stoltenberg a eu le mérite de maintenir l’unité entre les membres de l’Alliance et de faire en sorte que la colère de l’administration Trump — concernant les faibles dépenses européennes en matière de défense et la réticence à se tourner vers l’Asie — n’intervienne pas dans les décisions essentielles.
Selon plusieurs diplomates de l’OTAN, il conviendrait de nommer un Premier ministre expérimenté qui serait sur un « pied d’égalité » avec les autres chefs d’État ou de gouvernement, plutôt qu’un ou une ministre.
À l’approche du sommet historique de l’OTAN qui se tiendra à Washington l’été prochain pour célébrer le 75e anniversaire de l’Alliance, il pourrait être envisagé de donner à M. Stoltenberg une chance de briller après une décennie à la tête de l’Alliance.
À quelles conditions ?
Traditionnellement, le poste civil est occupé par une personnalité politique européenne de haut rang, tandis que le poste militaire de Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), chargé de commander les troupes de l’OTAN, est confié à un haut responsable militaire américain.
La France a clairement indiqué qu’elle souhaitait que ce poste revienne à un ressortissant d’un pays de l’UE, ignorant ainsi la candidature potentielle du ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, dont le nom a circulé.
En dépit, ou peut-être même en raison du changement de paradigme consécutif à la guerre de la Russie contre l’Ukraine, de nombreux membres de l’Europe de l’Ouest hésitent à envisager la candidature d’un Européen de l’Est anti-russe.
Toutefois, un diplomate d’Europe non occidentale a confié à EURACTIV que « pour jouer l’avocat du diable, un Européen de l’Est à ce poste pourrait empêcher l’Alliance de sous-estimer les futures menaces de la Russie, qui restent la préoccupation principale de l’OTAN en matière de sécurité ».
Les candidatures de la Turquie et de la Grèce sont peu probables, car chacun de ces pays poserait son veto sur le candidat de l’autre en raison du différend chypriote de longue date.
Certaines capitales de l’OTAN estiment que le poste devrait être attribué à un candidat dont le pays atteint l’objectif de 2 % du PIB consacré aux dépenses de défense.
Actuellement, cet objectif n’est atteint que par sept membres de l’OTAN, ce qui réduirait considérablement la liste des candidats, qui comprendrait toutefois le Danemark, dont la Première ministre, Mette Fredriksen, figure parmi les candidats les plus sérieux pour le poste.
Aucune femme n’ayant jamais occupé ce poste, une bonne partie des membres de l’OTAN ont déclaré qu’ils soutiendraient une candidate féminine plutôt que masculine.
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