Municipales 2020 : taux d'abstention, doute sur le second tour, échec de l'implantation du parti présidentiel

Municipales 2020 : taux d'abstention, doute sur le second tour, échec de l'implantation du parti présidentiel

Parmi les quelque 47,7 millions d’électeurs appelés à élire leur maire, moins de la moitié aura au final glissé un bulletin dans l’urne, dans une ambiance générale surréaliste après que le gouvernement a décrété samedi soir la fermeture de tous les «lieux recevant du public non indispensables à la vie du pays».

Un chiffre historique pour un scrutin généralement mobilisateur chez les Français, en dépit d’une lente érosion d’un mandat à l’autre: en 2014, l’abstention avait été de 36,45% au 1er tour. Une forte interrogation pèse désormais sur la tenue du second tour, dimanche prochain, dans un pays où l’épidémie (127 morts et 5.423 cas dimanche soir) n’en est qu’à ses débuts, selon tous les spécialistes.

Dans ce contexte, Edouard Philippe a annoncé depuis Le Havre qu’experts scientifiques et partis politiques seraient consultés «en début de semaine», en espérant obtenir un «consensus républicain» autour de la tenue ou non du second tour.

Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national, a d’ores et déjà appelé au report, l’heure étant à la «guerre sanitaire», mais elle souhaite «considérer comme acquises» les victoires du 1er tour. Le chef des députés LR Damien Abad, et Yannick Jadot (EELV) ont également demandé à différer le scrutin.

Alors que les premiers résultats donnent une avance plus forte que prévu à Anne Hidalgo à Paris (30%) et confirment la vague écologiste née aux Européennes, notamment à Lyon, Bordeaux et Strasbourg, les regards sont tournés vers Le Havre, fief d’Edouard Philippe, où celui-ci est mis en ballottage avec 43,59% des voix par le communiste Jean-Paul Lecoq (35,87%).

Le Premier ministre, qui avait été élu au 1er tour en 2014, est sous la menace d’une large coalition face à lui: son adversaire parviendra-t-il à capitaliser sur le vote sanction pour attirer les voix de l’écologiste Alexis Deck (8,28%) et du candidat du Rassemblement national Frédéric Groussard (7,31%), qui devraient ne pas pouvoir postuler au deuxième tour ? Battu, sa position à Matignon deviendrait intenable.

«Important de voter»

Plus largement, M. Philippe est soumis à une intense pression après avoir choisi de maintenir ce premier tour malgré le contexte sanitaire qui n’épargne pas la classe politique, à l’image du président des Républicains Christian Jacob, testé positif au coronavirus dimanche.

Selon le constitutionnaliste Didier Maus, interrogé par l’AFP, un report du second tour conduirait à annuler le résultat du premier tour, et obligerait les électeurs à revoter pour les deux tours

Le président Emmanuel Macron a souligné dimanche qu’il était «important de voter dans ces moments-là», après s’être rendu dans l’isoloir avec son épouse Brigitte au Touquet.

Le ministère de l’Intérieur a indiqué que tous les bureaux de vote du territoire avaient pu ouvrir, au prix d’un respect scrupuleux des consignes de distanciation et de priorisation des personnes âgées et fragiles, et en dépit de difficultés dans nombre d’endroits.

Dans ce contexte inédit, l’attention portée aux premiers résultats est diluée. Pourtant, le scrutin est crucial pour Les Républicains, arrivé largement en tête en 2014, comme pour le Parti socialiste mis en déroute aux dernières élections nationales.

La bonne nouvelle pour le PS est venue de Paris où la sortante Anne Hidalgo était créditée d’une solide avance (autour de 30%), bien au-delà de ce que lui prédisaient les sondages, sur la candidate LR Rachida Dati (22%) et l’ancienne ministre de la Santé LREM Agnès Buzyn (17%).

Le RN en tête à Perpignan

La candidate LR à Marseille Martine Vassal, confrontée à une dissidence, était pour sa part donnée au coude-à-coude avec la liste de gauche de Michèle Rubirola, devant Stéphane Ravier (RN). A Toulouse, le sortant Jean-Luc Moudenc, soutenu par LR et LREM, était pour sa part bien placé (35,3%).

Mais dans la Ville Rose comme dans de nombreuses autres grandes villes, les écologistes ont enregistré une forte poussée, comme à Bordeaux, Strasbourg, Lyon, Grenoble ou encore Besançon, où les candidats estampillés EELV sont en tête, créant parfois la surprise. A Rennes (25%), Lille (23,5%) Nantes (19%), ils s’affirment aussi comme d’avantage que des forces d’appoint pour les maires sortantes PS Nathalie Appéré (32%), Martine Aubry (30%) et Johanna Rolland (32%)

Le Rassemblement national semble pour sa part bien parti pour conquérir Perpignan, puisque le candidat Louis Aliot était en tête à 36%. Le RN a aussi fait réélire dès le premier tour ses places fortes de Fréjus et Hénin-Beaumont, mais ne semblait pas en mesure d’enlever Denain.

Parmi les dix membres du gouvernement impliqués dans ces élections, Gérald Darmanin, tête de liste, à Tourcoing (Nord) a été réélu dès le 1er tour, tout comme Franck Riester à Coulommiers (Seine-et-Marne). Le ministre de la Culture est toujours à l’isolement après avoir été contaminé au coronavirus.

Mais ces succès ne devraient pas masquer les difficultés de La République en marche qui ne paraissaient pas en mesure d’enlever une grande ville.

La barre relativement basse (10% des suffrages exprimés au 1er tour), au-dessus de laquelle une liste peut se maintenir, devrait se traduire par une multiplication des triangulaires, voire des quadrangulaires, au second tour. Les candidats autorisés à se maintenir auront jusqu’à mardi 18H00 pour trouver des alliés ou fusionner leurs listes en vue du second tour. S’il a lieu.

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