Manuel Valls : un parachutage qui tourne au crash ?

Manuel Valls : un parachutage qui tourne au crash ?

Candidat surprise de la majorité présidentielle, l’ancien Premier ministre espère bien faire son retour à l’Assemblée Nationale comme député des Français de la péninsule ibérique et de Monaco. Mais son parachutage ne passe pas. Les militants En Marche comme les Français de la circonscription semblent ne pas être convaincus par sa candidature.

Une nomination en catimini

Les rumeurs enflaient depuis des mois, on annonçait Castaner, puis Valls, mais le député sortant Stéphane Vojetta restait confiant, rassuré par les messages positifs transmis par la direction parisienne de La République En Marche.

Puis fin avril, début mai, tout s’est accéléré, en quelques jours, l’hypothèse Manuel Valls s’est imposé à Paris. Le 09 mai, les jeux étaient faits, Stéphane Vojetta apprenait qu’il ne serait pas investi pour sa propre succession. Lâché par la direction, il ne se démonta pas. Et pour cause, comme un seul homme, les sections locales du parti présidentiel lui apportaient son soutien. La responsable de la circonscription, Nathalie Coggia, aussi membre du bureau exécutif de LREM, acceptant même de devenir la suppléante de Stéphane Vojetta.

Sûr de lui ou arrogant, c’est selon, l’ancien Premier ministre n’a même pas pris le temps d’appeler le député sortant pour essayer de trouver un accord. Chacun est donc parti en campagne de son côté.

Deux campagnes, deux ambiances

Le 10 mai, les deux équipes, se réclamant d’Emmanuel Macron, ont donc lancé leur campagne électorale auprès des Francais d’Espagne, du Portugal, d’Andorre et de Monaco.

Un road trip pour Stéphane Vojetta

Stéphane Vojetta, grâce au soutien des équipes locales d’En marche, a pu rapidement monter une tournée dans la péninsule. Avec 40 dates, le député sortant s’est lancé un réel défi qu’il semble remporter haut la main.

Stéphane Vojetta assume sa dissidence, car pour lui c’est le respect des électeurs que d’aller au bout de son engagement tout en n’oubliant pas de rappeler qu’il est tout de même un candidat macroniste. A la différence d’autres personnalités non investies, le député garde pour son ancien parti une bienveillance et garantit à ses votants qu’il siégera dans la majorité présidentielle en cas d’élection. Il est vrai que du côté de Renaissance (le nouveau nom de LREM), s’ils soutiennent le candidat investi, ils ne dénoncent la candidature de Stéphane Vojetta que du bout des lèvres.

Autre atout dans la manche du député sortant : son bilan ! Tant comme conseiller consulaire à Madrid que comme récent député, prenant la succession en 2021 de Samantha Cazebonne, désormais sénatrice, Stéphane Vojetta a été un acteur présent dans sa circonscription et il est connu pour sa proximité avec les populations. Il a ainsi accompagné l’accord sur la double nationalité, permis la disparition de l’obligation de remise des certificats de vie pour les retraités installés en Espagne, et s’est encore mobilisé il y a quelques jours en faveur des fonctionnaires qui auraient dû voir leur cotisation retraite exploser.

Une campagne bien organisée pour Manuel Valls

Du côté de l’ancien Premier ministre, la campagne se polarise sur quelques grandes rencontres avec un accent mis sur le Portugal. Car dans l’autre grand pays de la circonscription, ses allers-retours et ses déclarations successives d’amour pour l’Espagne puis pour la France ont déboussolé plus d’un électeur.

Après Valence, Alicante et Andorre la semaine dernière et avant Monaco et sa ville natale, Barcelone, l’ancien Premier ministre vient de passer la semaine au Portugal, à la rencontre des expatriés pour parler frais de scolarité, démarches consulaires ou encore fiscalité. Car Manuel Valls a mis le cap à droite pour cette campagne.

Entouré d’un suppléant ancien élu UMP en banlieue ouest parisienne et professionnel de la communication, Thierry Burtin, et de la présidente de l’association créée en 2016 « Les femmes avec François Fillon », Muriel Reus, Manuel Valls est donc parti à la conquête de l’électorat qui a élu, en 2021, un conseiller consulaire du Rassemblement National à Lisbonne, le seul de l’Union européenne. Un grand écart entre son passé socialiste et son nouveau positionnement que le candidat investi assume difficilement derrière une vague opposition à son ancien collègue Jean-Luc Mélenchon.

« Mon adversaire, c’est le mélenchonisme. Tous les candidats de cette union populaire sont des mélenchonistes. […] . Et voter pour ce candidat mélenchoniste dans cette circonscription où je suis candidat ou ailleurs, c’est voter pour un candidat qui est contre l’Europe, contre l’Alliance atlantique, contre la police et la sécurité et voter contre le nucléaire, mais aussi sortir de la culture du gouvernement »

Manuel Valls le dimanche 8 mai au Grand Rendez-vous « Europe 1 – CNews – Les Echos »

C’est donc sans le soutien des sections locales, mais avec une équipe rodée aux opérations de communication, que Manuel Valls est allé à la rencontre des Français de la circonscription. Et malgré ce déploiement d’énergie, l’accueil n’est pas celui espéré, comme l’a relevé le magazine « Quotidien » diffusé sur TMC (filiale de TF1 disponible sur la TNT en France ou Molotov au sein de l’Union européenne).


Regardez la vidéo de TMC


Cependant l’ancien Premier ministre a aussi de bonnes cartes dans sa main. Connu et reconnu, il aura une influence dans la Macronie et un poids à l’Assemblée. Il est aussi un expert du fonctionnement de l’Etat et pourra plus facilement mener à terme des projets législatifs, s’il n’est pas repêché au gouvernement par Emmanuel Macron lors de l’élargissement de celui-ci après le 19 juin.

Mais pour cet ancien poids lourd du parti socialiste, qui avait quitté coup sur coup en 2018 l’Assemblée nationale pour tenter de conquérir en vain la mairie de Barcelone, sa ville natale, puis en 2021 son poste de conseiller municipal de la métropole catalane, il faudra bien en passer par les urnes pour revenir sur la scène française.

Et qu’en pensent les expatriés ?

C’est donc les électeurs de la Vème circonscription des Français de l’étranger qui ont l’avenir politique de Manuel Valls entre leurs mains. Si on en croit les réseaux sociaux, c’est plutôt une mauvaise nouvelle pour l’ancien Premier ministre. Même le très influent ancien Président de l’UFE en Espagne, Francis Huss Seltensperger a pris le parti de Stéphane Vojetta avec une déclaration de soutien en vidéo.

Un sentiment que semble confirmer notre consultation réalisée du 25 mai au 28 mai auprès des électeurs de la circonscription à laquelle 889 électeurs ont répondu. En effet, 46% d’entre eux déclarent voter pour le député sortant. Manuel Valls arrive lui à la troisième place avec 7,87 % des intentions de vote.

Ce résultat reste une consultation et ne permet pas d’assurer que ce sont ces scores qui seront ceux publiés le 05 juin au soir. Mais la faible participation qui s’annonce, moins de 9% des électeurs avaient voté en ligne ce samedi 28 mai à 18h, n’est là aussi pas une bonne nouvelle pour Manuel Valls, les électeurs de Stéphane Vojetta étant plus mobilisés. Stéphane Vojetta a tenu à réagir :

« Même si ce n’est qu’une enquête, ces pronostics réalisées par lesfrancais.press ont été très précis dans le passé, notamment en 2021 pour les élections consulaires quand le score de ma liste avait été anticipé au point près. Du coup je reçois ces indications avec une satisfaction prudente mais réelle, car elles confirment absolument mon ressenti de terrain: je perçois un soutien populaire très large pour ma démarche et pour les principes dont je suis désormais un symbole. Ce soutien populaire va bien au-delà des électeurs de ma famille politique, et j’espère que tout cela cela sera confirmé dans les urnes au soir du dimanche 5 juin. »

Stéphane Vojetta

Du côté de la presse, la candidature de Manuel Valls à l’Assemblée nationale française n’a, pour l’heure, pas suscité un énorme intérêt. En Espagne les quelques commentaires ne sont lui guère favorables. « Tout montre que Valls ne pourra pas battre (le député sortant Stéphane Vojetta) et que ce sera la fin d’un opportuniste qui n’a pas eu la sagesse, le courage et la dignité de se retirer à temps », affirmait le 13 mai le quotidien conservateur ABC dans un éditorial cinglant intitulé: « Dernière opportunité pour un opportuniste ». Comme Ségolène Royal, candidate malheureuse aux sénatoriales des expatriés, l’ancien éléphant du PS, Manuel Valls, risque une humiliante défaite avec les Français établis hors de France.

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