Maduro tient bon. Juan Gaido, qui a été proclamé Président du Venezuela par l’Assemblée, n’y peut rien. Il a beau avoir été reconnu par cinquante Etats dans le Monde, dont la grande majorité des Etats d’Amérique latine, les Etats-Unis, l’Europe : il n’a pas le pouvoir. Il a beau être soutenu par la majorité de la population, qui a voté pour une nouvelle majorité il ya déjà longtemps, sui a voté avec ses pieds en quittant le pays – l’ONU estime à plus de trois millions le nombre des exilés-, il n’a pas réussi à mettre l’armée de son coté. Or le pouvoir, c’est l’armée. Et Maduro la tient. Avec elle, les ressources du pétrole -ce qu’il en reste- et le contrôle des frontières, si rentables parce qu’essentielles pour les Narcos.
Vraies et fausses négociations
Depuis le début du bras de fer, malgré les négociations menées sous l’égide de la Norvège, et auxquelles il faut une bonne dose de naïveté ou d’hypocrisie pour croire, malgré les menaces d’intervention militaires, les appels à Trump, les messages de Poutine, les inquiétudes chinoises, l’inflation incalculable, la disparition de toute monnaie (la nouvelle monnaie a été officiellement dévaluée de 99.8% en un an), les coupures d’électricité, malgré les négociations officieuses menées entre les envoyés de Maduro et les Américains, les négociations parallèles aux négocitions officieuses menées par les Américains et de hauts dignitaires pour diviser le camp Maduro, rien n’y fait. Tout simplement parce que la solution doit forcément passer par la Colombie. Et qu’en Colombie, rien n’a jamais été simple ni facile.
La faille colombienne
Conscient de cette faille qui commence à s’élargir, Maduro a contre attaqué. Avant que les Colombiens ne réussissent à déstabiliser l’armée dont les chefs se nourrissent des trafics frontaliers, maduro a choisi de déstabiliser le Président colombien.
La manœuvre : réanimer les Farcs, les Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes. Le numéro 2 des Farcs, Ivan Marquez, a ainsi annoncé la reprise des combats, depuis le … Venezuela.
Le parti issu des Farcs depuis les négociations de paix, représenté à l’Assemblée colombienne et au Sénat, a qualifié la décision de « délirante ». Toute la classe politique colombienne a condamné ce revirement. Tous les gouvernements d’Amérique latine. La surprise est d’autant plus grande qu’Ivan Marquez a été le principal négociateur des accords de paix de 2016. Ceux-ci avaient été signés par le Président Juan Manuel Santos, mais très critiqués par son prédécesseur, Alvaro Uribe. A tel point que les Accords de paix avaient été rejetées par referendum une première fois, et qu’il avait fallu une seconde mouture et une adoption par le Parlement pour les valider. L’actuel Président, Ivan Duque, proche d’Uribe, élu en 2018 avec 54% des voix, a aussitôt dénoncé Ivan Marquez comme le chef d’une « bande narcoterroriste » et promis de créer « une unité spéciale » pour le traquer, lui et ceux qui seraient tentés de la rejoindre. Est-ce si simple ?
Les Néo Farcs, une carte de Maduro
Depuis 2016, les Farcs ont vraiment rendu les armes. Leur intégration « civile » dans la vie politique colombienne s’est plutôt bien passée. Après 52 ans de guérillas et des milliers de morts, les Farcs avaient été acculés à ces négociations parce qu’ils avaient essuyé revers sur revers, notamment de groupes paramilitaires et de groupes de narcotrafiquants dont ils étaient les concurrents. C’est parce qu’ils étaient à bout de souffle que beaucoup de Colombiens jugeaient trop cléments les Accords de paix. On imagine difficilement une résurgence des Farcs, mais le traumatisme est tel que l’annonce est un choc. Sans l’aide de groupes narcotrafiquants et le soutien du Venezuela, cette reprise des armes n’a aucun sens. Mais avec leur soutien, toute est possible.
C’est une pression évidente sur la Colombie, un contre feu, du point de vue de Maduro.
Ce faisant, il prend un nouveau risque, car les Colombiens peuvent décider de répondre aux Farcs et à lui-même. Mais a-t-il le choix ? Les Américains sont peut-être en train de réussir leur opération de division au sein des hiérarques. Les nouvelles sanctions américaines, qui ont gelé tout les avoirs et interdit toute transaction, ont porté un coup au régime et à ceux qui en profitent. Mais aussi à la population.
Après l’annonce des néo-Farcs, les Colombiens qui n’envisageaient pas jusque là d’intervention directe pour installer Juan Gaido au Palais de Miraflores, pourraient considérer qu’il s’agit d’une déclaration de guerre de Maduro, et qu’ils n’ont d’autre solution que d’intervenir.
La réapparition de l’Eldorado
Pendant ce temps, les négociations sont censés reprendre, les officielles, et les officieuses. Donald Trump a annoncé que Maduro pouvait quitter le pouvoir sans être poursuivi. Un message qui n’est pas destiné à Maduro, mais à ceux qui l’accompagnent : « lâchez-le, et vous serez tranquilles, vous et vos dollars ». Le jeu, pour les Etats-Unis, en vaut la chandelle. Le chavisme a été le mouvement anti-gringo par excellence, ce qui fit sa popularité. Au delà de ce qui serait une victoire politique et de prestige, la chute de Maduro serait la réapparition de l’Eldorado. De quoi changer la vie de millions de Vénézuéliens, mais aussi la carte de l’économie du pétrole dans le monde. On sous-estime l’importance d’un tel changement de régime.
Si l’annonce de Marquez apparait comme un effroyable retour en arrière, on peut aussi penser qu’il est une des dernières cartouches de Maduro. En ce sens, il annonce peut-être la résurrection du Venezuela. Peut-être l’événement de l’année.
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