Au Venezuela, l’épidémie de Covid 19 a encore isolé un peu plus le pays.
Une centaine de cas, une dizaine de morts, les chiffres sont incertains, mais crédibles, le pays étant isolé. Le corona n’y est pour rien : les rassemblements sont interdits, la pénurie s’accroit. Heureusement, le Président veille sur la santé du régime : il a déjoué une tentative d’invasion, en pleine épidémie. Une dizaine de malheureux -huit sont morts, deux en prison- avaient débarqué sur les plages, nul ne sait pourquoi, si ce n’est Maduro, qui pense qu’il s’agissait, comme d’habitude, d’un coup d’état américain. On peut croire Trump quand il dit qu’il ne s’y serait pas pris comme çà.
Mais ce n’est pas parce que Maduro est paranoïaque qu’il n’a pas d’ennemis.
Plus de 50 pays ont reconnu comme Président Juan Guaido, son opposant, en cavale. Parmi ces pays, avec la quasi totalité de l’Europe et de l’Amérique latine, la France. Ce qui explique que l’Ambassadeur, Romain Nadal, était allé accueillir Juan Guaido à l’aéroport, après une tournée de celui-ci en Europe, il y a quelques mois, au cours de laquelle il avait rencontré Macron. Un geste justifié publiquement par l’Ambassadeur par le besoin de protéger Juan Guaido de la Sebin, la police politique vénézuélienne. Romain Nadal a aussitôt été accusé par Maduro de s’être immiscé gravement dans les affaires intérieures du pays.
Et Maduro a retenu l’affront.
Depuis le 2 mai, les accès à la rue de la Résidence sont fermés par la police politique. L’eau est coupée. Le gaz aussi. La résidence a bien un groupe électrogène mais le fuel s’épuise. Les camions citernes d’eau ou de fuel ne peuvent passer. Coronavirus aidant, Maduro a cloitré l’Ambassadeur dans sa résidence, sans eau et sans électricité, de quoi lui apprendre à vivre.
« Les Autorités françaises attendent qu’il soit mis fin sans délai à ces mesures afin de rétablir le fonctionnement normal de notre représentation diplomatique » a fait savoir le Quai d’Orsay, qui estime, à juste titre, qu’il s’agit d’une atteinte à la Convention de Vienne.
Pour mieux être entendu, le Quai d’Orsay a convoqué deux fois l’Ambassadeur du Venezuela à Paris pour protester contre le sort réservé à sa Représentation diplomatique. Une curiosité juridique puisque la France ne reconnaissant plus Maduro, elle ne devrait pas reconnaitre non plus son ambassadeur. Mais bon. La diplomatie, c’est du pragmatisme. Romain Nadal ne va-t-il pas bientôt récolter les eaux de pluie ? La doctrine française selon laquelle on ne reconnaissait pas les gouvernements mais seulement les pays revient peut-être à l’ordre du jour : Une bonne tradition diplomatique qui évitait bien des inconvénients et permettait de résoudre pratiquement les problèmes. Romain Nadal n’est pas le seul ambassadeur à être puni : Les résidences et ambassades des Etats-Unis, d’Espagne, d’Autriche, d’Afrique du sud, sont aussi privées d’alimentation. Mais eux sont partis. Romain Nadal, lui, a voulu rester, et a peu de chances de partir. D’abord il n’y a plus d’avion. Ensuite, la route est coupée puisqu’il y a, dans ce paradis pétrolier, pénurie d’essence. Autrefois, une atteinte porte à un Ambassadeur était un casus belli. La communauté internationale se liguait contre le régime considéré comme barbare et délinquant. Cette situation ne devrait donc pas durer très longtemps. Même les Russes et les Chinois, derniers défenseurs de Maduro, sont choqués par de tels procédés. Ils doivent certainement transmettre à leur collègue des messages d’amitié, avec un peu d’eau et d’alcool à brûler. Etre ambassadeur, c’est apprécier avec la même humeur l’or des palais et les coupures de courant. Nadal tiendra, il risque même de devenir, malgré lui, un symbole de résistance. Maduro, c’est moins sûr. Il vient d’ailleurs d’être accusé par les Américains de « narco-terrorisme ». Et par la France de prise d’otage ?
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