Signe d’une volonté de normalisation des relations entre la France et le Rwanda, Emmanuel Macron s’est rendu ce jeudi 27 mai aux pays des Gorilles.
Pour cette visite, Emmanuel Macron vient avec la mission de rapprocher Paris de Kigali, vingt-sept ans après le génocide des Tutsis. La responsabilité de la France dans le massacre a longtemps empoisonné les relations entre les deux pays. Depuis plusieurs années, un long processus entre Emmanuel Macron et Paul Kagame a commencé avec l’objectif commun de rapprocher les deux Etats. Attendu pour des excuses, Emmanuel Macron a reconnu une « responsabilité accablante » et appelé au « pardon ».
Ainsi depuis la prise de fonction du Président de la République, les gouvernements français, qui se sont succédés, ont multiplié les gestes de bonne volonté pour parvenir à un apaisement. Parmi eux, l’appui apporté à la candidature Rwandaise de Louise Mushikiwabo, élue à la tête de la francophonie en 2018. Mais la France s’est aussi engagé dans un travail mémoriel sur ses responsabilités dans le génocide de 1994 grâce à l’ouverture d’archives jusque-là scellées. Sur le plan judiciaire, le non-lieu accordé à neuf proches de Paul Kagame en 2020 a été particulièrement apprécié par Kigali.
Une « responsabilité accablante » et un appel au pardon
Fin mars, un rapport dirigé par l’historien Vincent Duclert avait conclu à une politique « aveugle » de la France face à la préparation du génocide. Sans parler de complicité, le rapport évoque les « responsabilités accablantes » de Paris, alors soutien au régime Hutu.
Pour certains, au cours de son discours au « Mémorial du génocide perpétré contre les Tutsis » où il a prononcé un discours fort, franc et courageux ce jeudi 27 mai.
« Les tueurs qui hantaient les marais, les collines, les églises, n’avaient pas le visage de la France » La France « n’a pas été complice, le sang qui a coulé n’a pas déshonoré les armes ni les mains de ses soldats », mais elle a un rôle, une histoire et une responsabilité politique au Rwanda , elle doit reconnaitre la part de souffrance qu’elle a infligé au peuple Rwandais », « une responsabilité accablante dans un engrenage qui a abouti au pire alors qu’elle cherchait justement à l’éviter »
Emmanuel Macron au Rwanda au mémorial du génocide perpétré contre les Tutsis
Le chef d’Etat a également estimé qu’en « ignorant les alertes des plus lucides observateurs, la France endossait une responsabilité accablante. » Evitant ainsi les polémiques qui parcourent la France, comme la Belgique, sur la pertinence de présenter des excuses ou non, Emmanuel Macron a préféré demander au peuple Rwandais le don du pardon, reprenant une tradition culturelle du pays.
La communauté française en attente
Le retour annoncé d’un ambassadeur de France à Kigali, poste vacant depuis 2015, est le signale d’une réconciliation historique et économique.
Une amitié entre la France et le Rwanda qui est attendue avec fébrilité par la communauté française sur place. Peu nombreuse, moins de 5000 de nos compatriotes sont présents sur place, elle recommence à se structurer avec de nombreux évènements. Mais elle reste encore discrète, pour exemple, il n’y a pas de candidats aux élections consulaires, la représentation locale étant concentrée à Nairobi, capitale du Kenya.
Emmanuel Macron, en visite, doit permettre d’ouvrir le marché le plus dynamique du continent africain et qui peut servir de tête de pont pour la zone anglophone de l’Afrique. Et, c’est une nouvelle fois le rayonnement culturel qui est mis en avant. Avec un Institut Français de Kigali entièrement repensé qui après de longs mois de travail, a annoncé une nouvelle programmation dans un tout nouveau bâtiment. Le Centre culturel francophone situé au 25, KG 624 Street dans le quartier de Rugando à Kigali, à deux pas du Centre de Convention de Kigali, est le nouveau phare francophone du pays.
Le Français en danger
La langue française a ainsi perdu de son rayonnement au Rwanda. C’est l’anglais qui est privilégié ces dernières décennies par les autorités. Ces dernières en ont fait la troisième langue officielle, comme un défi diplomatique à Paris.
«La radio nationale ne lit plus les informations en français. A la télévision nationale, les informations françaises sont diffusées après 22H00, alors que les gens dorment déjà»,
Etienne Gatanazi ancien présentateur du journal en français à la télévision nationale au Figaro
Langue de l’ancien colonisateur belge, le français a grandement perdu de son influence depuis le génocide de 1994. Les controverses sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi, qui a fait au moins 800.000 morts, ont été sources de vives tensions entre les deux pays, dont les relations diplomatiques ont été rompues entre novembre 2006 et novembre 2009.
A l’heure de la reconstruction post-génocide, le français s’est retrouvé en concurrence avec l’anglais, langue parlée par la plupart des réfugiés tutsi revenus d’Ouganda (pays anglophone), qui ont constitué la nouvelle administration. Le président Paul Kagame, lui-même éduqué en Ouganda, a introduit dans la Constitution de 2003 l’anglais comme troisième langue officielle, avec le kinyarwanda et le français.
Puis en 2008, le français a subitement été remplacé par l’anglais comme langue d’enseignement obligatoire à l’école. Les autorités rwandaises ont toujours réfuté toute volonté politique ou idéologique de reléguer le français au second plan. Espérons que la nouvelle relation qui est en train de naitre entre la France et le Rwanda permettra à notre langue et notre héritage commun de retrouver toute sa place dans nos cultures.
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