Le taux de participation des Français de l’étranger a chuté de plus de 9 points entre le premier tour de l’élection présidentielle 2017 et celui de 2022, pour passer de 44,28 à 35,12 %. Comment expliquer cette abstention des expatriés, alors que le tissu politique, associatif et médiatique des Français établis hors de France s’est densifié et a gagné en qualité ces 5 dernières années.
Avec nos correspondants et avec la participation de certains élus, la rédaction Lesfrancais.press a essayé de comprendre ce phénomène.
La Covid-19
Tout d’abord, il ne faut pas oublier que nous sortons d’une pandémie qui a profondément désorganisé la communauté des Français de l’étranger et son administration. En effet, nombre d’expatriés ont quitté leur lieu de résidence usuelle pour rejoindre la France. On pense à ceux établis en Chine, aux USA, en Australie ou dans certains pays africains. En conséquence, ils n’ont pas pu procéder à leur radiation de la liste consulaire étant installés provisoirement en France tout en ne pouvant pas voter. Ceux qui sont rentrés, avaient pour certains déménagé et n’avaient pas mis leur adresse postale à jour.
En sus, la transmission de l’adresse électronique n’étant pas obligatoire, ils étaient nombreux à ne pas avoir actualisé leur adresse de correspondance papier et n’ont pas reçu la convocation postale, alors que c’était le seul mode de communication connu par l’administration.
L’envoi tardif des convocations
Cette année, l’administration consulaire dirigée par Laurence Haguenauer (qui n’a pas répondu à nos sollicitations) a décidé d’envoyer les convocations uniquement à partir du 04 avril soit quelques jours avant le premier tour.
Evidemment ceux qui n’avaient fourni qu’une adresse postale n’ont pas reçu à temps leur convocation. Pour ceux qui avaient communiqué leur adresse email, le courriel est souvent arrivé dans les spams et le faible délai entre l’envoi électronique, le mercredi 06 avril, et la date de convocation ont empêché le bouche à oreille et la solidarité communautaire de battre son plein pour aider le plus grand nombre à obtenir les convocations et connaitre les bureaux de vote.
L’erreur des bureaux de vote
Car pour voter, nul besoin de convocation, il suffit d’être inscrit sur la liste électorale et de présenter une pièce d’identité. L’intérêt de la convocation c’est de connaitre son bureau de vote. Et là c’est le crash pour l’administration consulaire. En effet, cette dernière s’est emmêlée les pinceaux : erreur de fichier, de numérotation, ajout d’un bureau au dernier moment, nul ne le sait. La responsabilité est difficilement établie mais le résultat est bien là.
Une grande partie des convocations envoyées par voie postale comportaient un mauvais bureau de vote tandis que les convocations par mail, elles, mentionnaient le bon numéro de bureau.
Quelles conséquences ? Elles furent principalement localisées en Europe. Du fait de l’envoi tardif des convocations depuis Paris, les Français établis sur le continent européen étaient les seuls avoir bien reçu la version papier de celles-ci. A Bruxelles, où près de 90 000 Français de la ville-région et sa périphérie étaient convoqués dans un centre unique, pas d’erreur d’adresse, mais des gens à la recherche du bon bureau de vote. Cela a entrainé un chaos et une attente de plusieurs heures. Des dizaines de Français ont rebroussé chemin, invectivant, sur les réseaux sociaux, l’administration consulaire et les élus locaux sur cette organisation défaillante sur un grand nombre de points.
A Londres, ils étaient plus chanceux. Il y avait des bureaux de vote disséminés sur l’ensemble du territoire de la capitale britannique. Mais ici, ce sont les personnes âgées qui se sont basées sur le courrier postal leur indiquant l’adresse du bureau de vote, et se sont vus balader d’un centre à l’autre à la recherche de leur urne pour y déposer leur vote. C’est ainsi, que notre correspondant Alexander Seale, a croisé une dame de 76 ans, fort courageuse, naviguant dans les rues londoniennes pour trouver la bonne adresse.
Et les exemples se multiplient sur tout le continent européen. La sénatrice responsable des Français de l’étranger du parti présidentiel LREM, Samantha Cazebonne, a réagi lors de notre soirée électorale à cette situation. Elle désire tirer les conclusions nécessaires et veut que ces erreurs soient corrigées. Retrouvez sa réaction ci-dessous.
Le bureau centralisateur aux abonnés absents
On le voit c’est donc un véritable parcours du combattant qui attendait les expatriés qui voulaient voter pour cette élection présidentielle. Mais pour ceux dont l’engagement était marqué, soient les délégués et assesseurs des candidats, une grande surprise les attendait.
En effet, cette armée de l’ombre, bénévole et volontaire, indispensable à la bonne organisation des élections, a subi les conséquences d’une organisation mal pensée et qui l’a traitée avec désinvolture.
Du fait par moment d’un bug électronique, d’un autre d’une fermeture du bureau centralisateur, les bénévoles ont passé leur nuit dans les consulats attendant la validation des chiffres par Paris. A Montréal, ils ont quitté le centre de vote à 6h, à Bruxelles, c’est du consulat qu’ils ont pu enfin partir alors que le soleil était déjà levé, et la même situation s’est retrouvée, là aussi, dans de nombreux pays.
La députée LREM Anne Genetet est rapidement montée au créneau, sollicitant le soutien du Ministre Jean-Baptiste Lemoyne, en charge des Français de l’étranger. Comme elle nous l’a précisé dans un échange par messages avant d’embarquer dans un avion, elle désire que la loi soit appliquée, tout simplement. Elle a donc décidé de suivre une voie légaliste pour obtenir que les droits des expatriés soient pris en compte. Elle reste dans l’attente d’une réponse du ministère.
La réaction de l’administration consulaire
Et la légalité, l’administration sait bien jouer avec cette notion. La réaction de la directrice Laurence Haguenauer, pourtant en repos comme un grand nombre de consulats ce 11 avril, à la différence des bénévoles qui durent aller travailler, eux, ce matin, fut de bloquer la communication des résultats aux expatriés.
L’excuse, c’est qu’ils doivent être validés par le Conseil constitutionnel, avant d’être publiés. Une mesure qu’un grand nombre de consuls généraux, face au tollé au niveau local, ont décidé de ne pas appliquer. En Océanie, aux Amériques et dans certains pays d’Europe comme les Pays-Bas, le Portugal, etc., les chiffres sont connus. Pour les autres, il va falloir attendre le bon vouloir de cette administration si éloignée des communautés qu’elle doit servir. Cela signe tout de même une volonté de prendre en otage le corps politique des Français de l’étranger et la population d’expatriés pour éviter que les remous soient trop nombreux. Quelle administration en France pourrait se permettre cette attitude ?
Le mandat d’Emmanuel Macron devait signer le retour de la primauté du politique sur l’administration, on ne peut que constater l’échec patent chez les expatriés. Espérons que son deuxième mandat verra la réalisation de son ambition. Les élus locaux comme nationaux avec le soutien des communautés le souhaitent.
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