Lors de l’examen du budget 2026 qui a démarré lundi 20 octobre en commission des finances, le RN, par la voix du député Jean-Philippe Tanguy, a voté l’amendement proposé par Eric Coquerel, député de LFI, sur l’instauration d’un « impôt universel ». Et donc il fut proposé à l’Assemblée nationale de créer cette imposition au passeport dite « ciblée ». Les élus écologistes, de LFI et 46 députés du RN (sur 49 présents lors du vote) se sont associés pour tenter de faire passer ce texte ! Il a été rejeté de justesse dans la nuit du vendredi 24 au samedi 25 octobre. À une voix près ! Notons que sur les 6 députés des Français de l’étranger, 4 pouvaient voter (les deux autres Éléonore Caroit et Roland Lescure étant membre du gouvernement et leur suppléant n’étant pas encore en fonction pour des raisons réglementaires). Nathalie Coggia, Anne Genetet et Caroline Yadan ont voté, évidemment, contre. Karim Ben Cheikh, membre du groupe écologiste, ne s’est pas défilé, il était bien présent, et il fut le seul des 17 députés écologistes à voter contre.
Passés si près du but, les insoumis accusent les socialistes. En effet, 67 des socialistes présents sur 69 se sont abstenus lors du vote, ces derniers estimant pour leur part que l’amendement était inopérant.
Et les élus du parti à la rose ont eu raison car cette adoption aurait été surtout une humiliation pour la représentation nationale et la révélation brutale, à nos compatriotes dans l’hexagone, de la perte d’influence de notre Nation sur la scène mondiale. On fait le point pour les Français de l’étranger.
Le cas américain
Tout est possible dans la vie politique, la preuve, Jean-Luc Mélenchon et consorts en appellent à la clairvoyance fiscale américaine. Car en effet, en matière d’impôt sur le revenu, les États-Unis se différencient des autres pays : c’est en effet le concept de citoyenneté qui prévaut. Les citoyens américains, qu’ils vivent sur le territoire national ou à l’étranger, sont assujettis à l’impôt sur le revenu fédéral. Les revenus imposables comprennent ainsi tous les revenus perçus sous la forme d’argent, de marchandises, de biens et services, même s’ils sont de source étrangère.
Trois dispositifs leur permettent d’alléger leur contribution : la réduction de l’assiette imposable par la déduction des revenus du travail d’origine étrangère ; le crédit d’impôt compensant les impôts payés à l’étranger et la réduction de l’assiette imposable par la déduction des impôts payés à l’étranger. Ces dispositifs, précisés dans les conventions fiscales afin d‘éviter les situations de double imposition, ne sont pas cumulables. Pour procéder au contrôle des obligations fiscales de leurs citoyens, les États-Unis ont instauré le dispositif Fatca qui oblige les institutions financières et les particuliers à transmettre les informations bancaires à l’administration américaine sous peine de sanction financière.
La situation est différente dans les autres pays puisque l’impôt sur le revenu se fonde sur la résidence. Est alors redevable de l’impôt sur le revenu d’un État tout personne ayant sa résidence dans cette État, indépendamment de sa citoyenneté. Des critères (durée de séjour, centre des intérêts personnels et professionnels) précisent la notion de résidence. Les conventions fiscales bilatérales sont aussi chargées de régler les potentielles situations de double imposition : chaque État prélève en effet un impôt sur les non-résidents sur les revenus perçus sur son sol. En France, ces dispositions sont définies dans le code général des impôts (articles 4A à 8 quinquies).
Pourquoi la France n’est pas les USA ?
Un changement aussi profond que celui-ci nécessiterait une révision de l’ensemble des conventions fiscales bilatérales dont la France est signataire (131 signées en octobre 2025). Changer de système supposerait donc de longues discussions avec les autres États et des délais important pour leur mise en exécution.
Pour exemple, la nouvelle convention fiscale négociée en 2020 entre la France et la Belgique et qui devait s’appliquer en 2023, mettant fin à des cas de double imposition chez les fonctionnaires français travaillant dans le royaume, n’est toujours inscrite à l’ordre du jour, de notre assemblée ou du parlement belge. Il est facile de constater qu’entre la volonté et la concrétisation des années voir des décennies peuvent passer avant que ces textes, et si les pays signataires sont d’accord, puissent être effectifs.
Et la France ne dispose pas d’armes économiques comme les USA, puisqu’elle ne maîtrise ni les taxes douanières, ni les normes d’accès à son marché et encore moins sa monnaie. 3 outils qui, on l’a vu avec Donald Trump, ont pu faire céder le monde. Et même, si elle disposait encore de cette « souveraineté », son marché intérieur et sa faible influence hors d’Europe, ne lui permettrait pas de « rouler des mécaniques » comme l’ont fait les Américains.
Après, il est vrai, qu’il serait possible de mener des discussions au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), laquelle a déjà mis en place un cadre multilatéral dans son plan dit « BEPS » visant à combattre l’érosion des bases imposables en matière de fiscalité des entreprises. Mais là aussi, le mouvement, visant à élargir l’État de droit au niveau international, a été freiné voir stoppé, la compétition entre les pays pendant la pandémie ou les décisions unilatérales de Donald Trump sur les droits de douanes, l’ont démontré.
Coup de bluff ?
Ainsi, mettre en place une taxation fondée sur la nationalité, mesure démagogique et pratiquement inapplicable à moyen terme en raison des contraintes du droit européen, de la nécessité de renégocier plus de 130 conventions fiscales, sans parler de la complexité à mettre en place un FATCA à la française (ne sont pas les États-Unis qui veut !), est un enfumage par certains partis de nos compatriotes. Ou pire, nos politiques n’ont pas conscience que la France de 2025 n’est plus celle du Général de Gaulle. Ce qui expliquerait certains discours populistes qui résonnent dans l’hexagone.
Pour mieux comprendre : l'intervention du député Karim Ben Cheikh
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Directeur de publication et rédacteur en chef du site lesfrancais.press
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